ATTENTE À CLINCHAMP
Je suis sur le sol de la réalité et sous le ciel de mes rêves, à Clinchamp précisément.
C'est aussi la terre des sédentaires et l'azur des voyageurs, le paysage des mortels et l'infini des oiseaux, la vérité des hommes et l'horizon des vaches.
Là, je me trouve face à rien et attends que tout se passe, sachant que même le néant en ce lieu reste encore un évènement notable. Je ne doute pas que tout espoir assez sûr sera comblé soit de flammes pures soit de poires bien mûres tant ce microcosme champêtre est chargé de petits riens fracassants, d'ombres fulgurantes et de vides recélant des tempêtes. Jamais je ne serai déçu à demeurer là, les pieds dans le présent, la tête ailleurs.
Je me tiens debout entre le pire et le meilleur, à cheval entre le silence et la lumière, juste au milieu du monde, à la frontière du cauchemar et de la vie. Ce n'est point de la tiédeur, loin de là car en cet endroit ultime la moyenne n'existe pas. Mais plutôt le mélange de l'amer et du beau, du dur et du haut, de l'âpre et de l'éther.
Devant moi, les champs, quelques chemins, de l'herbe, une étendue anonyme. Au-dessus, des nuages, une immensité d'air, du vent, un océan d'imaginaire Et derrière, le cul d'une bête à cornes qui s'ouvre sur le Cosmos pour y déverser placidement une bouse molle et odorante.
Et tout est bon, tout chante et tout rayonne dans cette vaste harmonie bucolique où je me sens comme un astre au milieu d'une galaxie.
La paix règne dans ces limbes agitées de platitudes vertigineuses et d'immobilisme éclatant.
Ainsi en va-t-il de la grande aventure pastorale dans ce clocher de toutes les pétrifications où se déploient avec majesté les voiles de l'intemporel ennui.
Et voguent les pensées les plus vagabondes.
Raphaël Zacharie de IZARRA