Les Hordes
Les Hordes

Série La Cinq (1991)

Après une trilogie de polars urbains et nocturnes typiques des années 80 (Tir Groupé - Ronde de Nuit - La Baston) le réalisateur Jean Claude Missaen se tourne vers la télévision pour la série Les Hordes dont la rareté servira bien vite le culte qui l'entoure. Datant de 1991 et produite par Gerard Jourd'hui ( La Dernière Séance) pour la Cinq de Berlusconi , Les Hordes est un récit d'anticipation policier et politique adapté d'un roman éponyme de Jacques Zelde qui bousculera les archétypes bien sages des séries françaises de l'époque et du P.A.F. Si la série comporte 4 épisodes de 85 minutes , le tout dernier ne sera jamais diffusé et la série qui elle ne jamais rediffusée ensuite disparaitra complétement des écrans pendant presque 30 ans jusqu'à sa parution en dvd et blu-ray chez Bach Films. La rareté de la série, son contexte politique parfois annoncé comme prophétique, les espoirs associés aux fantasmes d'une série violente et radicale qu'à l'époque certains programmes TV qualifiaient tout de même de mélange entre Robin des Bois, Mad Max et Orange mécanique finiront donc par faire de Les Hordes LA série française culte à voir absolument. Une fois qu'on a vu la série on relativisera beaucoup l'appellation culte même si Les Hordes est effectivement, surtout quand on la remet dans son contexte, un petit ovni télévisuelle.


Nous sommes donc dans un futur indéterminée et les plus miséreux des français ( Encore que le pays ne soit jamais clairement mentionnée) qui sont souvent traqués et chassés des grandes villes se sont constituer en différentes hordes qui vivent notamment du racket organisé des automobiliste. Le pouvoir en place qui sent que les hordes sont en train de s'organiser en milice armée et en contre pouvoir politique envoie un flic pour infiltrer ces groupes de plus en plus menaçantes afin d'en cerner les objectifs. En très haut lieu on manipule et on complote surtout pour récupérer et capitaliser sur les hordes afin de rester ou obtenir le pouvoir.


J'avais lu plusieurs critiques qui se gargarisaient un peu en ayant vu dans Les Hordes l'avènement prophétique des gilets jaunes oubliant un peu que la révolte des damnés de la terre et des plus miséreux ne date pas de la dernière augmentation du gazole. On pourra bien sûr s'hasarder à quelques parallèles avec l'actualité récente mais dans ses thématiques la série de Jean Claude Missaen est plus vaste, plus généraliste et plus acerbe. C'est même assez étrange que le tout dernier épisode n'est jamais été diffusé car c'est peut être celui qui cimente le plus la férocité presque anarchiste du propos de la série. Car l'une des plus grande force de la série même si elle se perd parfois dans des jeux politiques un peu plus abscons est de montrer comment un mouvement libertaire et populaire se retrouve complétement infiltrer, phagocyter, manipuler, utiliser et récupérer par des politiciens calculateur qui n'y verront qu'une occasion d'accéder au sommet pour imposer un pouvoir encore plus répressif et totalitaire que celui combattu à l'origine du mouvement. Les Hordes est une implacable démonstration de la manière dont certains politiques utilisent la détresse des plus fragiles pour simplement s'octroyer une place au soleil , méprisant par la suite la noblesse prétendue de leur ralliement au peuple. Fatalement il n'était pas très habituel de voir à l'époque une série française parler de manipulation médiatique, de jeux politiques cyniques, d'utilisation de l'insécurité et de la lente mécanique de la mise en place d'un pouvoir autoritaire et limite dictatorial germant sur de bonnes intentions égalitaires et de féfense des opprimés. La série est de ce fait profondément violente et acerbe contre le pouvoir et les politiques, contre tous les pouvoirs d'ailleurs qui finissent presque toujours par salir et trahir les plus beaux idéaux et les révoltes légitimes du peuple qui les ont portées au sommet.


Visuellement Les Hordes est une série qui a de la gueule même si le budget est bien loin d'être complétement à la hauteur des ambitions d'un grand récit d'anticipation. On retrouve tout l'univers un peu âpre des polars nocturnes de Jean Claude Missaen auxquels s'ajoute ici les décors dorés des palais politiques et un univers futuriste très froid mais il est vrai parfois un peu trop cheap. Au niveau de la direction artistique, la série tournée avec le soutien de la S.F.P. alterne un peu le meilleur comme le pire notamment au niveau des costumes qui sont parfois très beaux comme pour ce pouvoir totalitaire dont les tenues renvoient ouvertement au nazisme et parfois bien cheapos comme ses soldats des services sociaux avec des bonnets de bains peint en couleur métal. La série souffre aussi parfois d'un manque de figuration et de contextualisation globale donnant l'impression d'un récit un peu trop rabougri et resserré sur ses personnages bien loin en tout cas de l'ampleur d'une grande révolte . Il faudra aussi faire avec des superbes gadgets high-tech un peu ridicule comme un super casque de moto servant de casque de réalité virtuel capable de transporter la personne qui le porte dans des flux électriques et informatique tout en explorant sa propre conscience et maîtrisant ses pulsions (enfin j'ai pas tout compris son utilité). La série réussit toutefois parfaitement son opposition radicale et visuelle entre le monde très froid, très lumineux et très propre des gens de pouvoirs et un univers plus urbain, sale, nocturne et bordélique dans lequel les hordes se constituent auprès des putes, des clochards, des loubards, des punks et des laissés pour compte. Très influencé par le cinéma américain Jean Claude Missaen donne aux policiers de la série l'apparence à la fois de flics américains et de tous ses flics décontractés en jeans baskets et blouson de cuir typique des années 80. Quant aux représentants du pouvoirs ils sont souvent engoncé dans des vêtements chics et cintrés et poudrés comme à la cours avec des teints pâles de cadavres ou de vampires. Même si tout ne fonctionne pas toujours à l'écran on sent que la série prend de vrai partis pris esthétiques réfléchis de mise en scène pour porter les thématiques de son histoire. Il faut aussi saluer la bande originale de la série qui est signé par Bernie Bonvoisin au leitmotiv du titre Ni Dieu ni Maître et qui renforce le côté très rock roll de l'ensemble. Et c'est vrai qu'à l'époque de Navarro, Julie Lescaut et Les Cordiers la ménagère de moins de cinquante a du être un peu surprise de voir comme dans le générique de début de la série un type cagoulé venir foutre un grand coup de batte de baseball sur l'écran au son des riffs de guitare du leader de Trust.


Si globalement la série est assez captivante elle n'évite pas quelques petits errements narratifs qui se perdent dans la nébuleuse des petits jeux de pouvoirs et de manipulations, quelques sous intrigues pas vraiment palpitantes et de quelques personnages secondaires pas très utiles au récit. Niveau casting Jean Claude Missaen ne pouvait pas s'offrir de grosses vedettes mais il nous propose une magnifique galerie de seconds rôles et de contre emplois parfois assez étonnants. Le personnage principal de ce flic infiltré est interprété par François Dunoyer, un comédien assez peu connu mais qui sans faire des merveilles assure une prestation suffisamment charismatique pour être convaincante. A ses côtés on retrouve en autres Jean Pierre Kalfon en chef militaire des hordes noires, Féodore Atkin en requin médiatique, Philippe Laudenbach, Jean Claude Bouillaud, l'excellent Michel Peyrelon en financier mielleux adepte de séance SM, Jean Pierre Malo vu dans Mort un Dimanche de Pluie, Jacques Ferriere, Dominique Valera ou Bernard Freyd. Et même si la plupart de ses noms ne vous sont pas familiers leurs visages eux devraient bien souvent l'être. Niveau casting féminin on retrouve Souad Amidou, Françoise Brion, Héléna Noguera et pour l'anecdote on pourra aussi reconnaître Alexandra Kazan et surtout dans un petit rôle de prostituée et de quasiment figurante Catherine Falgayrac qui incarnait Sangria (notre Elvira nationale) dans l'émission Les Accords du diable sur la Cinq . Mais la véritable révélation de la série est sans aucun doute Corinne Touzet formidable dans le rôle de Elaine Finder une femme politique carriériste et prête à toutes les bassesses, coups tordus et jeux de manipulation pour une quête quasiment autodestructrice du pouvoir. Le dernier épisode dans lequel elle apparait parfois fardée d'un teint blanc fantomatique réhaussé par le maquillage de son regard diabolique transforme le personnage en véritable monstre vampirisant tout ce qu'elle approche pour étancher sa soif de pouvoir, une figure à la fois effrayante, tragique et détestable. Corinne Touzet profitera d'ailleurs de la ressortie de la série en DVD pour envoyer un message à Missaen en le remerciant de lui avoir offert son plus beau rôle. Même si la direction d'acteurs est parfois défaillante, que certaines scènes ne fonctionnent pas pleinement et que le manque de budget se fait quelques fois cruellement ressentir Les Hordes reste une série qui mérite à minima d'être vu.


La réalité n'est pas vraiment à la hauteur du fantasme suscité surtout trente ans après sa diffusion, mais la série de Jean Claude Missaen reste un solide divertissement de série B comme un long film de genre en quatre parties qui aura incontestablement bousculer le carcan des écrans de télévision de l'époque. Ne serait ce que pour la critique acerbe de tous ses politicards de tous bords qui tente de s'emparer de la légitimité des détresses populaires comme marche pieds aux pouvoirs Les Hordes mérite vraiment le coup d'œil.

freddyK
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le 11 janv. 2022

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