Les Langoliers
5.4
Les Langoliers

Série ABC (1995)

Quand la peur de l’avion rencontre des boules à dents en CGI et des théories temporelless

Les Langoliers, mini-série inspirée de Stephen King, diffusée en 1995 sur ABC, est un curieux mélange entre un thriller angoissant et une expérience visuelle qui frôle le fantastique (et le risible). L’histoire démarre sur les chapeaux de roue : dix passagers d’un avion se réveillent en plein vol et découvrent que tous les autres passagers ont mystérieusement disparu. Le suspense est au rendez-vous, et une angoisse palpable plane… jusqu’à ce qu’ils atterrissent dans un aéroport désert et comprennent qu’ils sont piégés dans un monde hors du temps, où les seuls "habitants" semblent être les mystérieux Langoliers, des créatures dévoreuses de passé.


Le casting est un festival de regards paniqués et de monologues grandiloquents sur la nature du temps et de la réalité, avec des personnages qui n’ont pas vraiment l’air de comprendre ce qui leur arrive (ce qui, pour être honnête, est aussi le cas du spectateur). On a droit à une galerie de figures étranges : un pilote philosophe, un trader hystérique, une petite fille aveugle aux talents de médium, et d’autres archétypes qui semblent tout droit sortis d’un manuel de survie dans les années 90. Le summum de l’angoisse est incarné par le personnage de Craig Toomy, un businessman aussi stressé que borderline, dont la peur des Langoliers est poussée à des sommets de surjeu inoubliables. Ses crises d’hystérie sur le thème des Langoliers donnent l’impression que le véritable monstre, c’est peut-être lui.


La série mise énormément sur le suspense, et pendant une bonne partie des épisodes, on se retrouve dans une ambiance angoissante où tout semble possible… mais où il ne se passe pas grand-chose non plus. Nos protagonistes errent dans cet aéroport figé dans le temps, tentant de comprendre ce qui leur arrive tout en essayant de ne pas perdre pied (ou de ne pas se perdre tout court). Ce huis clos étrange crée un sentiment de mystère intense, renforcé par des dialogues philosophiques où chacun essaie d’expliquer sa propre théorie sur le temps, la réalité, et le rôle des Langoliers, avec des résultats aussi ésotériques que confus.


Mais là où Les Langoliers prend vraiment un virage spectaculaire, c’est lorsque les créatures elles-mêmes font leur apparition. Ces Langoliers, censés représenter des monstres cauchemardesques et voraces, sont… des boules flottantes dotées de dents en CGI, à mi-chemin entre des Pac-Mans carnivores et des mascottes de mauvaise humeur. L’effet est saisissant, mais pas dans le sens attendu. En 1995, la technologie de l’animation n’était pas encore à son apogée, et le rendu des Langoliers frôle le ridicule, voire le burlesque. Plutôt que de semer la terreur, ils inspirent un mélange de fascination et de perplexité, et on se demande si on doit frémir ou éclater de rire devant ces créatures en caoutchouc numérique qui "mangent le passé" d’un coup de mâchoire saccadé.


Visuellement, Les Langoliers est un voyage nostalgique dans les effets spéciaux des années 90, où chaque scène est marquée par un certain grain visuel qui pourrait presque être considéré comme un effet artistique aujourd’hui. Les décors sont minimalistes, avec cet aéroport désert et un monde aux teintes fades, accentuant la sensation de vide et d’étrangeté, même si l’ensemble finit par sembler un peu répétitif. Le sentiment de claustrophobie fonctionne, mais ce sont les effets sonores – ces bruits de mastication terrifiants censés annoncer l’arrivée des Langoliers – qui, ironiquement, sont les éléments les plus efficaces pour instaurer le suspense.


Les dialogues, eux, oscillent entre l’intense et le surréaliste, avec des échanges philosophiques et des théories grandiloquentes sur le temps et l’espace. On sent que Stephen King a voulu faire passer un message profond sur la nature du passé, mais l’effet est dilué par le fait que les personnages semblent eux-mêmes un peu dépassés. L’idée que le passé doit être "dévoré" par les Langoliers est fascinante, mais le concept peine à s’incarner pleinement dans la série, qui préfère la métaphore aux explications rationnelles. Le rythme lent et la répétitivité des scènes finissent par tester la patience du spectateur, qui attend avec une certaine curiosité morbide l’apparition des fameux Langoliers, même si cela risque de casser le peu de tension accumulée.


En conclusion, Les Langoliers est une mini-série qui navigue entre le thriller métaphysique et le spectacle un peu risible, avec des créatures qui auraient mérité un peu plus de budget (ou un peu moins de visibilité). C’est une aventure étrange et inégale, où le suspense côtoie des effets spéciaux datés et où l’angoisse cède souvent la place à une légère confusion. Pour les amateurs de Stephen King et les fans de science-fiction des années 90, c’est une curiosité intrigante ; pour les autres, c’est une plongée dans un monde où les monstres ont des dents numériques et où le passé se fait croquer, lentement mais sûrement.

CinephageAiguise
6

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