[Mad Men Saison 4] Burned to the ground
Le final de la saison 3 laissait supposer du changement. La violence qui va l'accompagner en laissera plus d'un sur le carreau. Draper le premier.
Magnifique Gatsby estampillé sixties, figure intemporelle du masculin triomphant sur les vicissitudes d'une vie chaotique, Don Draper aura traversé les trois premières saisons de Mad Men comme un adepte du noble art, distillant sa boxe avec classe, ruse, pour ne pas dire vice, mais dont les quelques erreurs techniques lui auront coûté ecchymoses et estafilades. Rien d'assez grave, néanmoins, pour entraver sa marche en avant. Et l'icône de justifier son credo du Fresh Start – « Il n'est jamais trop tard pour changer de vie » assène-t-il au jeune frère épileptique de l'une de ses conquêtes – en décharnant l'agence de pub qui le nourrissait de ses meilleures têtes afin de monter la sienne, à partir de rien ou presque, au cours d'une fin de saison 3 aux faux airs de putsch tranquille.
Encensée par la critique – elle a reçu en août dernier l'Emmy Award de la meilleure série dramatique pour la troisième année consécutive – mais peinant à convaincre le grand public, la série n'en est pas moins considérée comme l'une des plus marquantes de la décennie, ce jusqu'au-delà du médium audiovisuel. Image glacée d'une décennie à peine romancée, pays de cocagne où les hommes en ont encore et où certaines s'en voient pousser, insouciance d'une époque ignorante des conséquences, Mad Men par son propos dérange autant qu'elle fascine.
Cette saison 4 marque néanmoins un virage appuyé vers une ère nouvelle. Nous sommes en 1964, et la société américaine frémit des premiers soubresauts qui la mèneront au clash sociétal de 1968 et, plus loin, vers des seventies plus austères. Comme dans toutes bonnes fresques, la petite histoire rencontre ici la grande, et nos héros subissent tout autant qu'ils créent ce changement. Ainsi la sublime Joan, qui voit son chirurgien de mari s'engager pour le Vietnam. Ainsi Peggy, prototype de la working-girl en quête de sensations nouvelles, qui se frotte aux prémisses d'une liberté sexuelle à peine étouffée. Ainsi, et surtout, Draper.
Fraîchement divorcé, le célibataire traîne sa mélancolie dans une garçonnière aux relents de fonds de cuve, dissolvant sa vie dans une rivière de femmes d'un soir, seuls quelques coups d'éclats professionnels lui maintenant la tête hors de l'eau. Mais l'érosion est déjà trop importante, et ce n'est pas Matthew Weiner, créateur du show, qui va venir en aide au bachelor décadent. Les sixties s'essoufflent, et Draper s'effondre au fil d'une saison où rien ne lui sera épargné.
Dramatique explosion d'un héritage de trois années d'intrigue, Mad Men Saison 4 ose la Passion et passe au supplice son héros pour n'en laisser qu'un tas de cendres fumantes, réduisant la figure iconique du galant self-made-man à celle d'une pathétique baudruche déconfite soumise aux railleries des derniers parvenus. Incisive et cruelle, racée, subtile, intelligente et empreinte de vérisme, cette saison 4 prend la digne succession des premières et vient s'inscrire dans une fresque humaine dont la qualité constante laisse pantois.
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