La CBS en ambuscade

(Ne faites pas attention à la note, il est nécessaire que j'en mette une pour pouvoir poster la critique. Seuls mes propos sont représentatifs de ma pensée.)

The Mentalist est une série complexe à aborder, parce que ses qualités (et défauts) ne dépendent pas uniquement d'elle, mais aussi du contexte dans lequel elle a évolué.

The Mentalist est une série qui a été diffusée sur le réseau CBS aux USA.
Il faut comprendre que la CBS fonctionne quasi-uniquement à l'audience : si une série ne fait pas assez d'audience, elle est annulée. A contrario, si elle en fait beaucoup, elle est rallongée, de manière à profiter de la poule aux œufs d'or le plus longtemps possible.

Bruno Heller, le créateur de la série, avait initialement prévu 7 saisons pour sa série.
Et, pour le coup, il y a bien eu 7 saisons. Cependant, cela ne s'est pas déroulé exactement comme prévu...

The Mentalist a eu un succès assez impressionnant, et ce dès la première saison.
Raisons de son succès ? Patrick Jane, le protagoniste, et John le Rouge, l'antagoniste.
Alors quand la CBS a vu ça, elle a voulu tirer un maximum sur la corde : faire durer l'arc du tueur en série le plus longtemps possible.

Mais ce qui devait arriver arriva : en diluant les épisodes phares avec des épisodes fillers plus anodins, en faisant en sorte que Patrick échoue à la traque de JLR sur des détails insignifiants, le public s'est lassé.
Cette sensation s'est amorcée avec la saison 4, et la saison 5 a confirmé cette tendance. La CBS a foutu la pression à Heller et son équipe : la saison 6 sera sans doute la dernière.

Suite à cette nouvelle, plusieurs soucis se posent : le premier est de conclure la série complètement en une saison, alors que le seul arc de JLR n'a pas été finalisé en 5.
Le deuxième est plus idéologique et est par rapport à l'objectif de la série : cette dernière s'appelle The Mentalist, pas "Red John".

Au moment de l'élaboration du pilote, Bruno Heller pensait terminer la série sur la fin de la traque de JLR.
Toutefois, l'évolution naturel du show a fait qu'on ne pouvait se contenter de cela. Patrick Jane a tellement évolué humainement, socialement, et relationnellement que s'arrêter à la mort de John équivaut à passer à côté de l'histoire principale : celle de Patrick Jane sur le chemin de la reconstruction et de la rédemption, et pas uniquement celle de sa vendetta personnelle.

Dans les faits, cet arc est resté en tant que fil rouge, et c'est typiquement dans les intérêts de la CBS : un Patrick Jane torturé traquant un tueur charismatique, ça fait de l'audience.
Et du coup, JLR est resté, après toutes ces années, l'intérêt principal de la série.

Pendant 5 saisons, on était constamment sur son dos, chaque épisode de mi ou de fin de saison était là dans un but d'agiter la carotte de John.
On suivait The Mentalist pour ce dernier, pour le moment où il allait se faire attraper, et abattre.

Pour cette ultime saison 6, il y avait donc deux choix possibles : faire de cette saison la conclusion de l'arc John le Rouge (et donc faire une croix sur l'approfondissement de Jane), ou d'expédier cet arc et tenter d'offrir une conclusion tant bien que mal.

Le deuxième choix a été fait, et cela s'en ressent : autant le traitement de l'arc JLR que le traitement de la relation entre Jane et Lisbon ont été bâclés.
Certain.es fans de The Mentalist se sont donc retrouvé.es doublement déçu.es : non seulement John (et tout ce qui le concerne) est traité à la va-vite de manière brouillonne, mais en plus avec 5 saisons sur ce dernier la romance entre Jane et Lisbon est vu comme malvenue et inintéressante.

À cela s'ajoute le fait que la CBS a finalement décidé de renouveler pour une 7ème saison de 13 épisodes.
Ce n'était pas du tout prévu à la base, et donc au vu de la conclusion de la 6ème saison, ils ont naturellement approfondi la relation Jane-Lisbon.

Mais du coup, pour un public dopé au tueur, ça semble cucul, fade et naze.
Pourtant, objectivement, la seconde partie de la saison 6 et la saison 7 innovent pas mal, avec des enquêtes sur plusieurs épisodes, des approches diversifiées, des personnages secondaires davantage intéressants, le retour d'un Patrick usant de stratagèmes assez inédits et illégaux, une remise en question de son humanité et sa volonté de devenir un homme meilleur, etc.
Mais ça n'a pas pris.

Petite remarque sur la relation Jane-Lisbon : certain.es la trouvent forcée.
Je ne trouve pas : Bruno Heller a mentionné lui-même qu'à la saison 1, il n'aurait pas misé un kopeck sur cette dernière. C'est l'alchimie entre les personnages et les acteurs qui ont permis cette relation.
Je suis convaincu que si la série avait suivi leur ligne directrice, jamais iels n'auraient été ensemble.

Mais pour le coup, la CBS a tellement forcé que ça a, volontairement ou non, rapproché les personnages entre eux.
Dans tous les cas : le but était la rédemption. Si ce n'était pas avec Lisbon, ça aurait pu être avec quelqu'un d'autre.
Cela ne change rien au symbole du mariage et du bébé, qui montre que Patrick Jane a enfin tiré un trait sur son passé.

Alors non, The Mentalist n'est pas une série parfaite, c'est sûr.
Les personnages sont parfois trop caricaturaux, et on aura tendance à ne s'intéresser qu'à certains de prime abord.
Les enquêtes ne sont qu'un prétexte, et certaines enquêtes fillers sont tantôt inintéressantes, tantôt mal écrites.
Ça ne vole pas bien haut, cela ne va pas révolutionner le genre, ni poser des débats de fond sur la société.

Mais pourtant... Ça fonctionne.
Ça fonctionne pour la seule et unique raison qu'il y a une totale osmose entre les personnages. Cette osmose et alchimie permet de faire avancer la série, et ce de manière très agréable -le jeu d'acteur et le charisme de Simon Baker aidant grandement aussi-.

Finalement, The Mentalist est un bon divertissement sincère et honnête, qui aura comme simple défaut d'avoir été sabordé par une chaîne trop gourmande souhaitant trop profiter de sa vache à lait.

Il mérite qu'on lui laisse sa chance, qu'on l'aborde comme une série divertissante, et qu'on soit prêt à voir Patrick Jane heureux.
Parce qu'après tout, ce n'est que ce qu'il mérite.