Véritable phénomène culturel au Japon, la franchise Mobile Suit Gundam à connu en quelques quarante années d’existence un nombre quasi-incalculable de séries et de films plus ou moins confidentiels pour le public francophone, qui n’a pu découvrir cet ambassadeur du genre real robot qu’au milieu des années 90 avec la première diffusion de Mobile Suit Gundam Wing. Si la licence se compose de nombreux univers indépendants les uns des autres, dont la clé de voûte semble être le premier et le plus long, l’Universal Century, c’est bien celui du Post Disaster qui nous intéresse aujourd’hui. Ce dernier étant totalement indépendant des autres itérations Gundam et Iron Blooded Orphans cultivant sa propre logique au sein de ses 50 petits épisodes, il se pose ainsi comme un excellent point d'entrée aux néophytes en même temps qu’une excellente série (?) tout court.
Quelque 300 ans après un conflit global nommé la Guerre des Calamités, la Terre est divisée en 4 grands blocs économiques, chacun d’entre eux possédant des colonies sur une planète Mars depuis bien longtemps terraformée et habitée par l’humanité. Lassée de l’administration froide et cruelle des autorités terriennes, Kudelia Aina Berstein, jeune indépendantiste de la bourgeoisie martienne, entreprend un voyage jusqu’au siège décisionnel du bloc d’Arbrau, sur Terre, afin de réclamer l’émancipation de sa région natale en même temps qu’une nouvelle régulation autour des droits de possession de cette précieuse ressource qu’est celle du semi-métal. Après une tentative d’assassinat de la part du Gjallarhorn, la puissante organisation de maintien de paix de l’humanité, et que l’on devine donc quelque peu corrompue, celle qui sera vite surnommée la jeune fille de la révolution s’entoure du CGS (Chryse Guard Security), une compagnie de sécurité privé, afin de l’escorter sur Terre. En son sein, Mikazuki Augus et Orga Itsuka, deux jeunes orphelins membres du CGS, entreprennent une mutinerie contre leurs supérieurs, apparemment très enclins à exploiter sans scrupules des enfants voir des “débris humains”, sortes d’esclaves des temps modernes.
Le CGS renommé Tekkadan - pour “fleur de fer” - et Orga en prenant la tête, ce dernier choisit d’honorer le contrat auprès de Kudelia et de l’escorter jusqu’à la Terre, accompagné des enfants-soldats désormais libérés du joug de leurs oppresseurs et surtout de Mikazuki, son homme de main le plus fidèle et désormais pilote du terrifiant Barbatos, un Mobile Suit datant de la Guerre des Calamités.
A ce pitch de départ déjà riche de promesses et de thèmes marqués et marquants, la série se divise clairement en deux temps, logiquement découpés par sa construction en deux saisons. La première saison prend la forme d’un road-trip spatial de Mars jusqu’à la Terre, où la jeune organisation de Tekkadan, encore jeune et immature, fait face aux nombreuses attaques du despotique Gjallarhorn. Et si l’on s’est longuement attardé sur le synopsis de la série, c’est justement pour souligner que sa première saison ne lui rend pas vraiment hommage. Il y est bien question de débris humains, de soulèvement populaire, de transhumanisme douteux lié au système Alaya-Vijnana ou encore d’organisations mafieuses à la moralité trouble mais pas forcément mauvaise… Mais force est de constater que la série évolue maladroitement entre son envie de traiter de thèmes ‘adultes’ et son enrobage finalement très adolescent où tout est question du pouvoir de l’amitié et où aucunes conséquences ne peuvent pleuvoir du moment que l’on fait preuve de courage. A côté de ça, cette première saison se paie en plus la tare de toujours vouloir surexpliquer son univers, causant une lenteur néfaste à un récit très voir trop classique, qui s’il peinait déjà à créer de la tension ou à complexifier ses personnages, échoue surtout à poser ou faire évoluer ses enjeux. Loin de la purge, il n’en reste qu’un animé fondamentalement déjà-vu, bien aidé par une réalisation et une animation solide qui évite le recyclage. Cette dernière fait pourtant preuve d’un certain manque de détails général, alors que les nombreuses phases de dialogues pêchent également par une mise en scène très peu... Mobile.
Jeu de mot débile pour transition habile, la première saison d’Iron Blooded Orphans coche néanmoins l’un des points le plus important (ou pas d’ailleurs) du cahier des charges d’une itération Gundam : les combats de méchas. Dynamiques et bien mis en scène contrairement à d’autres pans de la série, les scènes d’action comptent peut être parmi les plus nerveuses et brutales de la saga. Exit la technologie Beam et autres rayons lasers censés faire ‘piou piou’, ici les combats se font la plupart du temps au corps à corps, et les rixes sans pitié de la série font trembler le spectateur bien conscient que le prochain coup à pleuvoir pourrait être le dernier. A L’image du Barbatos, les bagarres d’Iron Blooded Orphans se veulent au moins aussi bestiales que sauvages, et les dizaines de combats se succédant au cours de la série seront autant d’occasion d’assister à des duels homériques qu’à de larges conflits d’usure dans la boue voir à des guerres totales dans l’espace. Le tout avec un casting hétéroclite de Mobiles Suits, tous profitant encore une fois d’un mecha-design d'exception, du Barbatos de Mikazuki au Gusion Rebake d’Akihiro jusqu’au divin Bael. Aussi sympathiques que stylisés, les combats de la première saison d’Iron Blooded Orphans se débattent néanmoins avec le manque d’enjeu susmentionné : difficile de s’engager quand les personnages paraissent immortels et que les rares décès en combat ne concernent que quelques rares profils secondaires dont les apparitions se comptent sur les doigts d’une main. Difficile également de ne pas soupirer face à un trente-sixième combat allongeant encore inutilement le récit, dont l’intensité dramatique fini par nous faire demander si l’on est bien en train de regarder une série ou de jouer sur la world map d’un RPG lambda, pourchassé par des mobs.
A cette critique pour l’instant assassine et non dénuée d’une certaine mauvaise foi, il n’en reste pas moins qu’Iron Blooded Orphans se pose peut être comme l’un des meilleurs animés de ces dernières années voir comme l’une des série dramatique moderne les plus injustement sous-cotés. Carrément. Arrivé à la seconde saison, un coup d’éclat s’opère, l’ambiance et les enjeux changent drastiquement, et difficile de ne pas comparé la série de Sunrise au meilleur de Game of Thrones (dont elle semble s’être beaucoup inspiré pendant son entre saison) en terme d’écriture retors, de moralité ambiguë, et d’instants cruels. Si un programme n’a pas forcément besoin de faire mourir ses personnages - comme c’est la tendance - pour se révéler passionnant, Iron Blooded Orphans sacrifie néanmoins énormément de ses personnages passés les ¾ de l’aventure, mais il le fait bien. Au-delà du plaisir masochiste et presque déplacé que de voir crever dans d’atroces souffrances des personnages que l’on commençait à apprécier, cette manière qu’à la série de drastiquement changer de ton dans ses derniers actes surprend autant qu’elle marque. Et là, tous les reproches précédemment cités s’envolent et la seule chose qui reste, en plus des larmes, c’est cette délicieuse impression de s’être fait rouler depuis le début et d’assister à l’un des plus émouvant pamphlet anti-guerre jamais vu à la télévision.
Les binarités scénaristiques omniprésentes (les gentils de Tekkadan versus les méchants de Gjallarhorn), les discours pompeux sur le sens de l’amitié et du sacrifice, autant d’éléments qui étaient en fait soigneusement rabâché depuis le début pour mieux nous tromper sur la fin. Le ton de la série se calant en fait sur l’évolution psychique et moral des protagonistes, la niaiserie apparente des débuts (la fougue de la jeunesse en somme) fait place à une moralité trouble des plus déconcertantes (l’âge adulte), et c’est passé un certain stade que l’on comprend que plus rien de positif ne pourra arriver à nos protagonistes, dont on aura de toute façon bien du mal à discerner les bons des mauvais, puisque ces notions n’existent tout simplement plus et que toutes et tous luttent pour ce qu’ils pensent être juste. Pas mal inspiré du Rise and Fall propre au cinéma mafieux, soit littéralement l’ascension et la chute d’un ou de plusieurs personnages, la dramaturgie d’Iron Blooded Orphans profite de cette seconde saison pour également complexifier ses intrigues et ses thématiques. Exit le road-trip spatial et place aux complots politiques de grandes envergures à base de guerres inutiles, de renversement de pouvoir et d’assassinats furtifs. Si l’on excepte un arc aussi chiant qu’inutile...
Celui du Mobil Armor, sorte de mécha doté d’une IA et à l’origine de la Guerre des Calamités.
... cette seconde saison se veut passionnante de bout en bout et traite de nombreuses thématiques troubles qui renvoient encore une fois à Game of Thrones autant dans leurs sujets que dans leurs représentations. Ainsi, si les questions de loyauté et de pouvoir sont largement disséqués au cours de cette saison, d’autres sujets plus originaux seront également de la partie, l'éternel trio amoureux présenté au commencement de la série aboutissant à une réflexion sur la polygamie pendant que la bromance entre deux membres de Tekkadan s’avérait être en fait un amour mutuel passé sous silence. Le rapport au corps est également traité, puisque des géants de métal que la série ne cesse de faire combattre sous nos yeux, l’on passe sans prévenir à un point de vue bien plus intimiste et humain...
Que ça soit sur la détérioration physique d’un personnage (Mikazuki devenant peu à peu handicapé moteur à force d’utiliser le Barbatos) ou aux traumatismes d’un autre qui nous font envisager ses motivations sous un tout autre jour (McGillis ayant servi d'esclave sexuel toute son enfance).
En définitive, malgré son apparente simplicité de départ et sa première saison (volontairement) peu encourageante, Iron Blooded Orphans : Mobile Suit Gundam est bel et bien l’une des meilleures entrées de la saga Gundam, l’un des meilleurs animés de ces dernières années et probablement l’une des série dramatique SF les plus intéressante, émouvante et méconnue qui ai jamais vu le jour. Pour qui se lancera dans cette aventure de 50 épisodes - et à défaut de crier au chef-d'œuvre - nul doute que certains instants resteront gravés au fer rouge dans sa mémoire, et pourquoi pas dans son cœur.