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Monster
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Monster

Anime (mangas) NTV (2004)

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Un restau incroyable, des plats à n'en plus finir, mais on repart en ayant l'impression désagréable d'avoir encore faim, voilà à peu près le goût qui me reste à la sortie de Monster.


Commençons par le tout bon :
D'abord, visuellement, et que ce soit en raisons des couleurs, du montage ou du design des personnages, la série fleure bon le charme des années 2000, et si certains plans cheap pourront heurter les plus tatillons, l'ambiance est là dès le début, et on ressent immédiatement la fidélité au manga d'origine.
Ensuite, et même si ça a pu être critiqué, force est de constater que le florilège de personnages est maitrisé de bout en bout : la stratégie prise par Urasawa d'introduire les nouveaux personnages systématiquement en vue subjective fonctionne à merveille pour nous y identifier, et participe du parti-pris pris réaliste de l'univers, en donnant cette sensation que chaque personnage a des problématiques qui lui sont propres.
Parlons-en, du réalisme : celui-ci est certes prégnant à travers la volonté de l'auteur de mêler constamment fiction et réalité historique en implantant ses personnages dans le contexte de l'Allemagne de la Guerre froide (et ça fonctionne très bien), mais j'ai surtout été frappé par la finesse d'écriture où, régulièrement, sont désamorcées des facilités scénaristiques - les climax qu'on attend sont souvent pris de court, les personnages changent d'avis, et la plupart sont suffisamment bien construits pour avoir des traits de personnalité multiples et parfois opposés. Et même si cela semble moins vrais pour certains personnages


(Tenma qui aura été irréprochable jusqu'au bout, Roberto décidément increvable)


au final, la multiplicité des relations qu'ils entretiennent et des situations dans lesquelles ils se retrouvent m'auront personnellement permis de fermer les yeux là-dessus.
Enfin, l'immense qualité de Monster me semble bien être son rythme : du début à la fin, on est tenu en haleine, et même si certains moments pourront paraître lents, on a constamment droit à notre dose d'explications qui satisfont à nos attentes, de twists pour nous surprendre, tout en relançant en permanence de nouvelles intrigues qui nous poussent jusqu'au bout.


Oui, mais, voilà, c'est aussi là que le bât blesse : car finalement, "arrivé au bout", on ne repart pas avec cette satisfaction, ni d'avoir encaissé l’incroyable révélation attendue, ni de quitter véritablement des personnages auxquels on se serait vraiment attachés. Alors, on pourra toujours attribuer ça à la volonté de réalisme sus-mentionnée : après tout, dans la vraie vie, on n'a pas de vraie révélation comme dans un polar, pas de fin, les choses suivent leur cours et c'est tout.


On pense par exemple au dénouement de Tenma pour illustrer ça : pas de procès incroyable où Runge arriverait au dernier moment pour tout sauver, juste Leichwein qui lit un article dans le journal. On reste dans la sobriété.


Mais on ne peut s'en tenir là : car de fait, Monster s'écarte souvent du réalisme dans sa volonté de créer une intrigue qui se tienne. Personnages qui se recoupent de manière improbable, qui arrivent pile au bon moment, combats à retournements de situation multiples, tout est bon pour nous tenir en haleine, quitte à ce que certains personnages fassent figure d'archétypes, où qu'on ait droit à certaines facilités. On avait donc droit de l'attendre, notre grand dénouement.
Alors, qu'est-ce qui froisse ? En réalité, Monster semble confondre constamment explication et révélation. Les personnages parlent, ils expliquent ce qui se passe, ils décrivent la personnalité d'autres personnages, mais on a rarement l'impression de véritablement le ressentir, de prendre la mesure de ce qui advient.
On a souvent pu entendre que la qualité d'une œuvre de ce genre se mesurait à son antagoniste, et de fait, le cas de Johann me semble ici être l'incarnation même du problème :


on aura passé 74 épisodes à nous dire qu'il est un monstre, à voir des gens terrifiés juste à la voir, bref, à nous l'expliquer sans que jamais on ne ressente réellement cette peur en le voyant : Johann est mystérieux, tout au plus, mais jamais on n'aura éprouvé d'émotion pour lui. Paradoxalement, alors que toute l'intrigue aura eu pour but de connaître son passé et celui de Nina, on repart en ayant l'impression de moins bien le connaître que certains personnages secondaires apparus pendant un seul épisode (je pense notamment au cuisinier italien de l'épisode 18).


Il est tout de même ironique qu'alors que tout le propos traite de l'importance d'avoir un nom, une identité, Johann ne soit finalement qu'un nom, un masque vide qui n'aura jamais quitté son sourire impersonnel.
Et le pire, c'est qu'on n'a même pas le droit de véritablement se plaindre : à la fin, on sait bien tout !


On sait ce qui est arrivé au 511 Kinderheim, on se doute d'en quoi consistaient les séances de lecture de Bonaparta, et on a le fin mot des souvenirs de Nina. Mais on ne fait que le savoir, sans l'avoir ressenti. On n'a pas ressenti l'horreur de la villa des roses, et j'aurai personnellement espéré un twist quand au personnage de Nina jusqu'au bout, tant on insistait sur ses souvenirs enfouis - twist qui bien sûr n'arrive jamais. Le choix de la mère entre ses enfants aura été ce qui fait office de clé, de révélation - mais après les retournements de haute volée auxquels on aura eu droit, la récompense paraît assez insignifiante.


Au final, et malgré des qualités indiscutables, certains personnages vraiment attachants (Wolfgang Grimmer, ptit ange parti trop tôt), la série m'aura laissé un goût amer en bouche - comme si, au final, j'avais persisté à regarder dans l'espoir qu'on m'offre finalement ce que je ne parvenais pas à voir sur le coup, que je ressente ce qu'on ne cessais de m'expliquer. Le "Monstre" n'aura finalement été qu'un nom.

Jules-Driffort
6
Écrit par

Créée

le 7 oct. 2019

Critique lue 1.1K fois

7 j'aime

Phasme Obèse

Écrit par

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7

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