Pour entrer facilement dans un monde imaginaire, la forme est la meilleure arme pour convaincre lecteur, spectateur et j'en passe. Si l'on arrive à proposer un univers qui dénote de ce qu'on a pu voir jusqu'à maintenant, et qu'on arrive à attiser la flamme de l'envie de découverte, alors le pari est réussi, et l'entrée se fait sans heurts.
Le problème, c'est qu'ils sont bien rares, les animes isekai proposant une véritable variété de décors bien dessinés sans usage de 3D infâmes.
Et quand on assiste à une surproduction de isekai bas-de-gamme purement mercantiles, c'est encore plus flagrant. Rien que ces dernières années, le genre inonde les écrans et ne prend même pas la peine de faire les choses bien : héros overpowered, lore sous-exploité voire inexistant, personnages secondaires stéréotypés, univers fade...
Alors quand on me propose un univers inspiré de peintures de Bruegel avec un vrai travail de réflexion sur l'architecture et les environnements, je suis heureux.
J'aime Bruegel, j'aime les animes, je suis un homme simple.
Il faut dire qu'on assiste à un cas rare dans l'animation japonaise : adapter un light-novel vieux de plus de 10 ans étant considéré comme le père spirituel du isekai... le tout par un studio d'animation fondé exclusivement pour cette tâche herculéenne ? Il y a de quoi être au moins intrigué par une telle proposition, et il serait navrant de ne pas se laisser tenter...
Alors certes, sur le papier, on assiste effectivement à un cas d'école du genre: un NEET de 35 ans ,réincarné fissa dans un monde fantasy et de magie directement en bébé et ce, afin de pouvoir profiter d'une deuxième chance ? La fraude ne passera pas, me direz-vous, le heaume baissé et prêt à drop à la première minute !
Pourtant, Mushoku Tensei n'est pas le premier d'une grande lignée pour rien, et l'adaptation anime surélève la qualité du matériau de base afin d'offrir très certainement l'un des meilleurs isekai jamais créé (en même temps, est-ce si dur ?).
L'aventure proposée est donc celle de Rudeus, jeune enfant élevé par un père et une mère aimante, et dont l'apprentissage de la magie et les relations qu'il va tisser l'amèneront à vivre une série d'aventures extraordinaires, au côté de personnages attachants évoluant dans un univers riche et dense.
Du hikikomori de 35 ans, faisons table rase...mais pas trop.
En effet, Mushoku se targue de faire partie des trop rares isekai à ne pas jeter à la poubelle le passé de leur personnage principal afin d'en faire une force de réflexion sur le hikkikomori, le creusement des relations sociales, et la difficulté d'aller de l'avant. On remarquera que l'un des meilleurs anime isekai, à savoir Re : Zero, usera lui aussi de l'attachement au passé du personnage afin d'appuyer des ressorts dramatiques efficaces.
La panoplie de personnages proposée est, quant à elle, variée sans aller dans l'excès. On retrouvera l'éternelle tsundere éprise du héros, la jeune femme glaciale, la femme musclée, le pervers de service... sans pour autant qu'ils ne se cantonnent à leur stéréotype (hormis Eris, à la rigueur). Gagnant en épaisseur d'épisode en épisode, on devient vite intime avec ce joli monde, et la découverte progressive du lore en parallèle permet de s'attacher davantage.
Les délicats chants folkloriques et celtiques qui parsèment chaque introduction d'épisodes sont de sublimes moyens de découvrir le temps d'un souffle la vie qui bruisse aux quatre coins de l'univers dépeint dans Mushoku, et font partie des points forts esthétiques de l'anime.
Et tant qu'on est dans l'esthétique, l'animation est irréprochable de ce côté-ci : combats fluides et dynamiques, personnages en mouvement constant durant les scènes fixes, décors et environnements travaillés affichant une grande variété de villes médiévales...
Tout est réuni pour nous offrir une immersion de taille dans l'univers de Mushoku, et il sera dur de résister à l'appel du voyage.