Le sublime dans la fascination

Difficile de noter et d'écrire quelque chose sur ce film.
Personnellement, je retiendrai essentiellement l'art de sublimer.
Dumont a filmé des acteurs non professionnels, parfois même pas des acteurs, dans un décor moche (il fait jamais beau, ça pue la bouse et le péquenaud). Mais, par une magie propre à cet auteur, le film est beau. Beau car d'une part, maîtrisé. Il y a très peu de moments qui auraient pu être gênants par l'utilisation d'acteurs non-pros ou de potentiels dialogues improvisés. Beau par le regard. Tous ces visages moches ou cassés sont pourtant rendu esthétiques par le regard de la caméra qui n'est pas moqueur (sauf peut-être lors du passage de l'enterrement, on se moque clairement de ces prêtres qui sont juste débiles, au moment ou ils se mettent debout puis assis en boucle). Combien de fois je me suis dit que tel ou tel gueule était belle. Notamment le père du P'tit Quinquin, ou le second du commandant. Ou encore la gamine, qui quand elle prend la parole, nous rappel que c'est une simple gamine ignare et qui s'exprime mal. Mais quand la caméra se pose sur son visage, on est pris de quelque chose. Moche, mais sublime. C'est quand même assez balaise.

Alors certes, le lambda de base qui ne fait pas le moindre effort pour tenter de s'immerger dans cet univers parallèle criera au film voyeur pour bourgeois urbain.

Mais rien du tout ; si le film semble naturaliste aux premiers abords par la justesse du regard et par la technique de réalisation (notamment donc l'emploi d'acteurs amateurs), il règne en fait une ambiance assez décalée voire surréaliste. Dans la réalité, tous les gens de campagne ne sont pas si autistiques et dans l'incapacité de s'exprimer. L'enquête policière est aussi là pour rappeler qu'on baigne dans un truc totalement délirant; via la nature du crime même, via nos deux enquêteurs, et une multitude d'autres petits détails (le vétérinaire, l'hélicoptère, le gyrophare, les types qui discutent normal entre eux quand le ptit gamin tire des rafales depuis sa fenêtre pendant que l'autre se prend pour le GIGN à galérer à faire des roulades...).
On a cette scène qui illustre selon moi totalement le film : celle du concert pour le concours musical avec le passage de notre adolescente : cette musique ringarde, pas très bien interprétée, ce moment frôlant le ridicule ou mécaniquement, elle ouvre les bras comme une rockstar. C'est ça l'essence du film : on se moque pas, c'est juste vrai, authentique, et donc crédible et puissant, après le scénario nous rappel qu'on navigue en plein délire.

Le p'tit quinquin, s'il peut dérouter, a le mérite d'être quelque chose de totalement nouveau, une expérience à part entière, et ça fait du bien de s'ouvrir à de nouvelles choses, de montrer d'autres choses. Je n'ai pas particulièrement été touché cela-dit, notamment par l'histoire d'amour mignonne entre les deux gosses, mais assez chamboulé et tout bonnement captivé par cet univers improbable et maîtrisé.

7/10 seulement car l'expérience fascinante ne suffit pas à en faire selon moi un chef d'oeuvre, à la manière de Twin Peaks ; il y a les idées, il y a l'immersion, la fascination le tout dans un décor et un cadre bien définis mais il manque peut-être une autre couche de consistance pour vraiment me faire prendre mon pied. Comme une vraie conclusion (et je parle pas de la résolution de l'enquête, mais peut-être d'une fin moins abrupte).