Peaky Blinders narre l'histoire d'une famille de malfrats, les Shelby, qui règne sur la ville de Birmingham. Très frères qui font la loi, Arthur l’aîné de la famille, John le benjamin, Thomas la véritable tête pensante et parrain de la famille, sans oublier leur sœur Ada et leur tante Polly.
C'est en fait l'hybris qui touche un homme, Tommy, revenu tel un Homo Novus de la guerre, et souhaitant atteindre les sommets le plus rapidement possible en sautant des marches si besoin pour assouvir son désir d'ascension.
Cela en jouant des coudes avec les diverses factions présentes dans la ville et où chacun essaye de tirer son épingle du jeu tout en tâchant au passage de faire un petit croc-en-jambe aux autres groupuscules. Mais surtout Thomas va participer à une partie de Poker menteur avec les forces de l'ordre et leur nouveau chef, Chester Campbell, implacable inspecteur aux méthodes rugueuses venu récupérer un stock d'armes destiné aux forces rebelles irlandaises et qui se trouve entre les mains des Shelby.
Pour autant, tout n'est pas affaire de luttes d'influences et d'affrontements physiques. Un petit côté intimiste se dégage de cette histoire de famille, entre un mariage qui met tout le monde dans l’embarras, un frère qui ne trouve pas sa place, le retour d'un père depuis longtemps disparu et une romance quelque peu problématique.
Un des aspects que j'ai sans doute le plus apprécié dans cette série est tout l'arrière fond historique qui entoure les péripéties que rencontrent les frères Shelby. En effet les lendemains de la première guerre mondiale est une période très touffue au niveau politique sous le gouvernement de Lloyd George. Entre la montée du communisme et la lutte sanglante qui oppose le gouvernement britannique et les forces de l'IRA (Armée Républicaine Irlandaise) sur la question de l'autonomie de l'Irlande et sa sortie du giron britannique.
De même, la série un peu comme dans un nombre conséquent de grands films, Deer Hunter ou Taxi Driver par exemple, évoque la problématique du retour du front et des bouleversements psychologiques dont peuvent être touchés certains soldats. On voit cela très clairement avec Tommy ou un de ses amis qui entre dans de véritables crises de folies lorsque les souvenirs douloureux de la Grande Guerre reviennent à son esprit. Dans cette lignée on peut aussi voir l'accompagnement inexistant de ces hommes qui ont vécu l'enfer. Les deux personnages mentionnés précédemment par exemple, sont partis sur le front avec l'étiquette de mafieux et lors de leur retour ils redeviennent ce qu'ils étaient autrefois, comme si rien n'avait fondamentalement changé. Et enfin, la série n'oublie pas d'évoquer cette forme d'héroisation des anciens soldats, cette époque où on s’envoie régulièrement ses états de services à la figure, et où au contraire ceux n'ayant pas fait preuve de leur valeur et de l'amour pour leur patrie sont méprisés sinon vus avec ridicule et condescendance, ce qui est le cas notamment de Chester Campbell au nom de son statut de réserviste.
D'ailleurs, en évoquant l'Al Capone de Birmingham, Tommy, on se doit de parler de l'acteur qui occupe le rôle titre de Peaky Blinders, le magnétique Cillian Murphy, rarement mis en valeur au cinéma mais qui ici se campe en taulier de la série, dans ce rôle de gangster stratège, ce Napoléon des bas fonds, ce parfait anti-héros, charismatique au possible, aidé il est vrai de son fameux regard reconnaissable entre mille autre, qui incarne parfaitement cet homme pragmatique, calculateur, intelligent, mais qui aime jouer avec le feu, au risque de s'y brûler.
Pour le reste, l'ensemble des acteurs sont plutôt au niveau, que l'on parle de ses frères et des autres protagonistes, même si encore une fois, le jeu de l’atout charme d'une série tient un rôle assez plat et offre un jeu d'acteur quelque peu limité et le bourru d'inspecteur incarné par Sam Neill s'avère peu transcendant.
Visuellement la fresque des frères Shelby fait mouche. Tout est très propre. Que l'on parle des rues de la ville, des costumes taillés sur mesure, du jeu de lumière, de la réalisation en elle même (mise à part ces fréquents ralentis qui me laissent quelque peu dubitatifs et ces flash back peu judicieux) qui offre des plans d'une grande beauté. De plus le réalisateur ne nous épargne pas pour notre plus grand plaisir quelques scènes d'une classe assez impressionnante.
De même que la forme physique, l'aspect sonore est plutôt soigné, avec l'incorporation (trop?) régulière des musiques du groupe des White Stripes et de divers chanteurs ce qui donne un aspect rock'n'roll fort appréciable à la série.
Pour autant, malgré toutes les qualités que l'on peut trouver à cette série, elle ne bouleverse en rien ce qui a été fait avant elle. Classique, voire trop, c'est sans doute ce qu'on pourrait reprocher le plus à Peaky Blinders. Par exemple, l'écriture des différents personnages d'ailleurs pas toujours très creusée (le mec super intelligent, ses frères un peu limités, le policier dur comme la roche, la belle qui cache son jeu …) ou les diverses intrigues (faites de complicités et de trahisons) qui parsèment cette courte série (6 épisodes) ne vont pas bouleverser le genre et le tout demeurent assez conventionnel.
C'est bien fait, mais point de magie à l'horizon. Il n'y a pas ce petit plus qui ferait la différence. Du coup, on regarde, on apprécie, mais jamais on ne se dit que l'on regarde quelque chose de vraiment marquant, une série qui nous fait vibrer et dont le souvenir restera pendant encore longtemps en mémoire, comme personnellement ça a pu être le cas avec The Wire, Twin Peaks ou Oz pour ne citer qu'elles.
Néanmoins, tout ce que la série entreprend elle le fait plutôt bien et le tout s'avère bien rythmé et offre son lot de surprises. Et c'est déjà pas si mal non ?
Comme on le sait déjà, il n'y a pas que les américains qui savent produire des œuvres du genre de qualité. Les anglais, malgré leurs ressources financières sans doute bien moindre, ne se laissent pas faire, et montrent encore une fois, que eux aussi, ils en ont dans le bide.