Inégul
Ce premier album de Cadillac, je le resssn beaucoup comme un spin-off de Stupeflip. Meme inspiration musicale, meme coté "sale gosse" et conceptuel.Les textes, pour la plupart bien ecrits quand on va...
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le 26 juil. 2024
La versification. Le lyricisme. La poésie. Peu importe comment on l'appelle, cet art on ne peut plus littéraire a accompagné l'humanité depuis sa première prise de parole. L'art d'extirper la beauté pas si intrinsèque à des agencements de phonèmes que l'on a nommé les mots. Celui-ci s'est décliné de maintes façons à travers les âges, dans différents contextes. Fut-il la poésie pure, dont l'exercice même est d'exposer de la manière la plus pure la beauté de ce don qui fait de nous des êtres uniques ; ou encore sur scène, déclamée oralement, dans des pièces de théâtre : un art qui a fait que notre langue porte aujourd'hui son épithète "Langue de Molière". Mais avant le sus-nommé, nous pouvons remonter jusqu'à l'antiquité pour remarquer qu'art écrit et art oratoire vont main dans la main. L'exemple le plus parfait de cela est, bien évidemment, le grand et élusif Homère, dont la réputation de conteur a traversé les âges.
Par la suite, l'art littéraire comme oratoire s'est développé jusqu'à notre époque, donnant naissance, qu'on l'aime ou non, à ce que l'on nomme aujourd'hui la "musique". La beauté de l'écrit, des unités de sens, y est alliée à la beauté des sens au sens propre ; plus particulièrement l'ouïe. Alors que certains genres privilégient la partie sonique de cet art (on peut par exemple citer le rock ou la musique électronique), d'autres cherchent à marier les deux à pieds égaux. Des exemples criants de ceci sont de toute évidence la musique folk ou encore... le rap. Des genres musicaux au bagage culturel évident, ils font usage de leur malléabilité pour que les messages qu'ils portent transcendent une simple écoute. Leurs bras métaphoriques grand ouverts à la reprise et à l'appropriation par l'individu, ce sont par essence des univers propres au partage.
C'est dans ce contexte (et, plus anecdotiquement, grâce aux séries ainées Epic Rap Battles of History et Epic Pixel Battle) qu'est née la série dont nous parlerons aujourd'hui : Rap Battle of GAAA. Son auteur, ********** (aussi connu sous le nom de Maddow), fait preuve d'un amour indéniable pour les univers qu'il a pu découvrir le long de sa vie. Cela peut s'apercevoir facilement au travers de son ancienne série Top 10 du Madou qui fournissait un regard critique mais empli de passion sur la fiction et sa périphérie. La série Rap Battle of GAAA allait, à son tour, construire par-dessus de fondations de celle qui l'a précédée ; et via un format qui n'était alors qu'à ses premiers balbutiements.
Le concept est le suivant : des personnages issus d’œuvres de fiction plus ou moins connues du grand public s'affrontent dans une joute verbale versifiée sous fond musical. D'aucuns pourraient dire qu'il s'agit là d'une culmination de tout le pan culturel de l'espèce humaine. Celle-ci a, depuis sa genèse, tenté de représenter le vaste monde, incompréhensible, dans lequel elle vit à travers son imagination. Des mondes alternatifs sont alors proposés d'un homme à un autre, dans l'optique peut-être d'offrir une perspective nouvelle sur le monde bien réel dans lequel chacun de nous se trouve. Ou bien, à l'inverse, le but peut également être d'estomper un monde réel vastement inatteignible au profit d'un monde fabriqué dont le sens est clair, si ce n'est clarifié. Le concept du rap battle prend tout son sens : allier une galerie entière, sans limite, de mondes alternatifs qu'un homme a pu explorer dans sa vie avec un genre artistique qui représente des milliers d'années d'évolution culturelle pour, au final, atteindre une véritable osmose. Le pari était lancé.
Les premiers épisodes, comparativement aux derniers, font naturellement état d'un budget et d'une expérience moindre, mais malgré cela il est indéniable que l'identité de la série était déjà à un stade de développement bien avancé. Ceux-ci voient s'affronter des personnages tels qu'Astro Boy (du manga éponyme) avec le Général Grèveusse (plus tard renommé Grievous dans le remake de cet épisode) de la saga de films de science-fiction Star Wars. Une rencontre entre deux personnages que personne, si ce n'est l'auteur de l'épisode et sa liberté de parole sur les landes désolées d'Internet, n'aurait pensé à coupler. La joute est viscérale et les personnages sont méconnaissables, mais pas d'une façon péjorative ou insultante. Au contraire, la série utilise pleinement, dés ses débuts, les origines du rap dans les milieux où la violence fait rage, en plongeant des icônes reconnaissables de chacun dans un contexte particulier, et notamment, en les faisant agir en conséquence. Ainsi, lorsque Le Terminator (de la saga de films éponyme) interrompt le dialogue entre Astro Boy et The General Grèveusse [sic], son objectif est double : emporter le prix de champion du clash de cet épisode, mais également convertir les deux protagonistes à sa cause. Les arguments avancés prennent en compte le bagage culturel du milieu du rap, comme en témoigne le couplet suivant :
"Rejoignez-moi c’est l’soulèvement des machines ! Y aura même des putes, des robots à poitrine !"
La référence claire est ici faite aux video vixens que l'on peut retrouver dans de nombreux vidéoclips de rap, et constitue ici une critique subtile mais, paradoxalement, évidente à l'image de la femme dans la culture hip-hop.
C'est cet esprit que certains qualifieront de parodique qui caractérise principalement les Rap Battle of GAAA. Cependant, il fait état pour moi de l'honnêteté intellectuelle de l'auteur qui, se voulant sans filtre dans la caractérisation de ses personnages, se résoud à créer des morceaux qui représentent sans aucune excuse qui il est réellement, ce qui le fait vivre, ce qui lui fait éprouver des sentiments. Ce qui le rend humain. Ce que les personnages mis en scène durant l'épisode analysé ci-dessus souhaiteraient pouvoir faire plus que tout, du fond de leur existence factice, froide, irréelle, fabriquée, robotique, métallique, non-osseuse, invertébrée, manufacturée, insensée.
L'une des principales forces de la série, malgré son envergure changeante au fil des trois saisons, est que cet esprit n'a jamais quitté la moelle osseuse de chaque épisode. L'angle choisi pour tacler l'affrontement entre les personnages est toujours original et intelligent. Chaque épisode traite du fond du sujet de l’œuvre originale de chacun des participants (et plus si affinités) et, en se permettant parfois quelques libertés, les utilise comme tremplins pour l'auteur afin de démontrer sa propre créativité. La troisième saison, subventionnée par la MJC de la ville de Mauguio, saura notamment utiliser le budget qui lui est alloué afin d'engager des collaborateurs à temps partiel pour aider à la production et donner vie à la vision de l'esprit derrière la série, sacrifiant un rythme de production soutenu pour y préférer la qualité de production et la densification des hommages et des procédés stylistiques.
L'art a toujours servi à l'Homme pour s'exprimer. Dans une ère moderne où la frontière entre réalité et fiction est toujours parfois souvent généralement floue, la série Rap Battle of GAAA nous fait réfléchir sur le sens de notre existence en prenant le concept même de dialogue et en le recontextualisant dans un cadre purement artistique. Les personnages qui servent de porte-étendard aux médias que nous consommons chaque jour se retrouvent soudainement en désaccord l'un l'autre. Les critiques fusent, des arguments sont élancés et au bout, forcément, quelque chose est appris du côté du spectateur. Soudainement, ils apparaissent plus réels que jamais. Leurs vulnérabilités exposées quand l'adversaire est sur l'offensive, leurs haut-faits renforcés quand ils se retrouvent sur la défensive, nous ne pouvons que plus les apprécier lorsqu'ils réussissent à se hisser en haut de la compétition en surmontant l'adversité.
Longue vie aux Rap Battles.
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le 21 juin 2024
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