ACTE I – BIENVENUE DANS LE MONDE MERVEILLEUX DE LA GENEALOGIE SUCCESSORALE !
Imaginez un peu la scène : un jour, alors que vous vous dirigez paisiblement vers votre boîte aux lettres, une surprise – et pas des moindres – vous attend.
Il s’agit d’une lettre de COUTOT-ROEHRIG, société de recherches généalogiques successorales, leader européen de la recherche d’héritiers depuis 1894.
Le cœur battant, un brin fébrile, vous ouvrez ce courrier qui vous apprend ... que vous êtes l’héritier/héritière d’une personne a priori inconnue. La société - mandatée par les bons soins d’un notaire - vous invite à la contacter « sans contrainte ». Oui, cette expression est bien spécifiée et elle est importante pour la suite.
Vous repensez alors à cette jolie série documentaire en 6 volets diffusée à la fin de l’été 2020, qui vous avez tant ému(e). France 3 avait su vous tirer des larmes, devant ces histoires si touchantes, de gens souvent désargentés qui - grâce au travail acharné et bienveillant de ces si gentils généalogistes - voyaient soudain leur destinée changée.
Parfois, de lourds et douloureux secrets de famille étaient révélés : une tante qui avait échappé à l’horreur des camps de concentration et ayant vécu dans une grande solitude, des frères et sœurs découverts à la faveur de ces recherches, un père soi-disant mort qui hélas était bien en vie et vivait en réalité à seulement quelques kilomètres … avant effectivement de passer de vie à trépas. Douleur.
Des histoires poignantes, portées par un dévouement de tous les instants de la part de ces chasseurs d’héritiers.
Sauf que …
ACTE II – LA FACE CACHEE ET PEU RELUISANTE DE LA GENEALOGIE SUCCESSORALE
Courrier en main, le cœur serré mais le cerveau en action, vous décidez de prendre votre temps. Passée l’émotion que provoque un tel courrier, vous essayez de comprendre dans votre arbre généalogique que vous construisez patiemment depuis 15 ans, qui a bien pu vous léguer quelque chose ?
Vous ne trouvez pas hélas, il vous manque des éléments. La peine prend le dessus. Car vous réalisez que cet inconnu qui vous lègue une part de son patrimoine, n’a ni descendants, ni ascendants. Juste vous, cousin lointain, si lointain, qu’il vous semble que rien ne vous lie, à part ce fil ténu d'un héritage inespéré. La peine est là aussi, parce que la généalogie est avant tout pour vous, une histoire de liens, une histoire de transmission, une histoire de secrets que vous avez patiemment mis au jour au fil de vos découvertes.
Mais COUTOT-ROEHRIG est déjà là pour se rappeler à votre bon souvenir.
En effet, un autre courrier arrive : LE CONTRAT DE REVELATION ! Un abscons document stabiloté aux endroits-clés : prière de signer ici ! Bien sûr, pas question à ce stade de vous révéler quoique ce soit (identité du défunt, nom du notaire, composition du patrimoine). Non, non. Signez là, nous détenons le pouvoir sur vous !
Ce merveilleux document n’omet pas de mentionner les pourcentages faramineux qu’ils prennent pour le fruit de leurs supposées longues recherches. Entre 25 et 39% de ce qui vous reviendra.
Et alors là, soit :
- vous signez aveuglément ce document, sans réaliser que vous passez un contrat avec une société régie par le Code de la Consommation et donc … que son travail relève du démarchage commercial (délai de rétractation de 14 jours) ;
- soit vous faites votre petite enquête … et découvrez que tout ça se négocie ! Patience, donc.
Et là, c’est festival : les coups de fil de COUTOT-ROEHRIG se font pressants, se rapprochent, confinant au harcèlement.
Et puis, vous vous souvenez. De ce premier courrier si aimable et courtois, qui mentionnait une « démarche sans contrainte ». Tu parles, Charles ! La pression psychologique est bien là : va falloir songer à signer ce papier, car il y a de gros honoraires à la clé, on a beaucoup travaillé, bon sang : signez … mais Signez … SIGNEZ !!!!
Mais où est donc passée la démarche pleine de bons sentiments que nous vendait France 3 ?
ACTE III – CONCLUSION TRES PERSONNELLE
Je suis en colère contre France 3 de n’avoir pas su nuancer son propos, de ne pas avoir respecté son engagement journalistique : à savoir faire connaître tous ces aspects, au-delà de la pure émotion distillée dans sa série documentaire. Un peu de sens critique, bon sang !
Je suis en colère contre COUTOT-ROEHRIG qui se fout royalement de me mettre la pression. Business is business. Alors oui, tout travail mérite salaire, mais il ne faudrait pas abuser quand même. En parlant d’abus, si le sujet vous intéresse, cet article sur le juteux business des généalogistes vous en bouchera un coin et vous fera entrevoir le métier sous un autre angle. Bien moins reluisant, mais plus en phase avec la réalité de ce que peuvent vivre les gens contactés par ces prolifiques sociétés de généalogie.
J’implore Jean-Christophe LAGARDE de se pencher à nouveau sur sa proposition de loi visant à soumettre les honoraires des généalogistes à un barème règlementaire. Pour que cessent enfin ces agissements de ces généalogistes successoraux, qui se sucrent royalement sur le dos de gens souvent incrédules, happés par la douleur et la sidération de la découverte d’un décès inattendu, parfois corrélé avec la révélation d'un secret de famille à même de bouleverser leur existence entière.
De grâce, un peu de décence !