Redemption
[Critique écrite à la fin de la première saison, et donc susceptible d'être modifiée par la suite] Daniel Holden avait 18 ans quand il a été emprisonné dans le couloir de la mort, pour le viol et le...
Par
le 3 sept. 2014
32 j'aime
6
Construire une série est un exercice périlleux, semé d’embûches en tout genre. Il faut pouvoir développer une intrigue qui pousse les spectateurs à avoir envie d’en découvrir la suite tout en gardant une alchimie et une ligne directrice claire. Beaucoup de séries ont été contestées pour s’être enfoncée dans une routine fatale. À d’autres, on leur a reproché un trop brusque changement de bord. Rectify réussit à conserver sa trame d’origine en y apportant de petites transformations au fur et à mesure des épisodes. Dans sa constance et sa maturité, la série me rappelle Les Sopranos ou Breaking Bad par sa capacité à explorer avec minutie et profondeur un univers particulier et d’aller jusqu’au bout des choses. Pas besoin de grandes scènes d’action ou de revirements scénaristiques invraisemblables pour tenir les téléspectateurs en haleine, simplement la série joue sur ses atouts sans chercher à trop faire. Son honnêteté et son dénuement nous plongent dans le quotidien d’une famille déchirée sans vouloir privilégier un point de vue en particulier.
Réduite à seulement six épisodes, cette troisième saison reprend juste après la signature du plea deal. Désireux de laisser son passé derrière lui, Daniel reconnaît avoir violé et assassiné Hanna pour éviter un nouveau procès et les interminables complications qui s’ensuivraient. Une décision qui plonge ses proches dans un profond désarroi, surtout Amantha (la fragile et magnifique Abigail Spencer aperçu dans les saisons 2 de Suits et True Détective et dans Avengers : L’Ère d’Ultron), qui a passé sa vie à se battre pour que son frère soit reconnu innocent. Un effort que Daniel vient d’annihiler sans vraiment se rendre compte de la portée dévastatrice de son geste. Dans Rectify, l’important n’est pas de savoir si Daniel est oui ou non coupable, mais de quelle manière ses proches et lui-même peuvent reconstruire leurs existences après une expérience aussi traumatisante.
Le casting, principal artisan du succès de la série, n’évolue pas. En effet, les showrunners ont bien compris qu’il n’y avait aucun intérêt à rajouter de nouveaux personnages quand ceux présents possèdent des personnalités suffisamment complexes et ne demandent qu’à être explorés plus en profondeur. Aden Young continue son récital. Ses tentatives maladroites afin de s’intégrer dans une société qui le considère comme un paria sont magnifiques de courage bien qu’elles soient vouées à l’échec. Ainsi même au sein de sa propre famille les relations avec ses proches sont parfois tendues. Piégé dans des relations inégales, Daniel doit faire face à la virulence de son beau-frère, au malaise de son beau-père ou pire encore à la pitié de sa mère et au rejet de sa sœur. Ne sachant jamais sur quel pied danser, il tente malgré tout de poursuivre son petit bout de chemin.
Sa réinsertion est un processus long, malaisé, truffé de rechutes, mais qui exerce sur nous une fascination remarquable, difficilement compréhensible mais indéniable. Sans jamais tomber dans le voyeurisme, Rectify nous donne l’opportunité d’observer le monde tel qu’il apparaît aux yeux de Daniel. On comprend que ses priorités ne sont pas les mêmes (l’épisode où il tient absolument à finir de repeindre la piscine), que si longtemps brimé, il ne s’autorise plus aux moindres rêves, et que chaque petits plaisirs de la vie quotidienne, même de courte durée, est pour lui une source de joie intense.
L’intrigue principale demeure d’une qualité rare, mais les scénaristes ne se sont pas reposés sur leurs lauriers et continuent d’approfondir les autres protagonistes. La séparation de Tawney (Abigail Spencer) et Teddy (Clayne Crawford), qui s’était dessinée à cause de Daniel, prend une ampleur inattendue et nous maintient en haleine. Mélange de dureté, de regrets, de choix à effectuer, de peur de l’inconnu, les deux acteurs nous émerveillent par leur prestation d’une grande sensibilité.
Le dernier épisode laisse entrevoir de belles promesses pour la suite avec un nouveau départ pour notre anti-héros qui va continuer sa réinsertion loin de son sombre passé. Nul doute que la renaissance de Daniel va permettre à la série de se renouveler tout en gardant son ossature et ses idées.
La saison 3 de Rectify atteint une beauté rarement égalée sur le petit écran. Dénuement, sincérité, maturité, tout y est ! Daniel est un personnage à part, plein de bonne volonté et de courage mais néanmoins perdu dans un monde qui ne l’a pas attendu pour continuer à avancer. Rarement un personnage n’aura provoqué une si grand empathie en dévoilant à ce point ses faiblesses. Le seul personnage similaire qui me vient à l’esprit est le héros de la série fantasy L’Assassin Royal de Robin Hobb, Fitz Chevalerie.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Séries
Créée
le 21 avr. 2021
Critique lue 99 fois
D'autres avis sur Rectify
[Critique écrite à la fin de la première saison, et donc susceptible d'être modifiée par la suite] Daniel Holden avait 18 ans quand il a été emprisonné dans le couloir de la mort, pour le viol et le...
Par
le 3 sept. 2014
32 j'aime
6
J'ai beau être originaire du texas et hyper attachée à mon "pays", j'ai toujours détesté la peine de mort, au point de m'engager dans ce combat et être en contact avec plusieurs condamnés....Autant...
Par
le 11 juin 2013
29 j'aime
7
J'aime ce qu'on appelle les "séries contemplatives" ("Six feet under", "The Slap"... ou encore, plus récemment, "Top of the Lake"). J'aime qu'on prenne le temps, qu'on s'attarde sur un petit détail,...
Par
le 4 oct. 2013
24 j'aime
12
Du même critique
Le groupe californien de Delta Spirit a déjà sorti quatre albums, tous réussis, bien que franchement différents. Du folk fringuant de leur premier album "Ode to Sunshine" aux orientations plus...
Par
le 23 avr. 2021
1 j'aime
À l'occasion de la sortie d'"Hirundo", le nouvel album de Dominique Dalcan, j'ai eu le plaisir de me replonger dans les premiers opus de la riche discographie du chanteur parisien, qui s'étend sur...
Par
le 23 avr. 2021
1 j'aime
Avec de nombreuses années de retard, je découvre enfin cet album. Sorti en 2005, "I Am A Bird Now" est le second album du groupe Antony and the Johnsons mené par le chanteur et pianiste Antony...
Par
le 23 avr. 2021
1 j'aime