Une célébration de l’amitié féminine dans la vibrante New York

Sortie en 2021 sur Starz, Run The World est une série qui suit les vies de quatre jeunes femmes afro-américaines vivant à Harlem, New York, alors qu'elles naviguent entre leurs carrières, leurs relations amoureuses et leur amitié indéfectible. Créée par Leigh Davenport et produite par Yvette Lee Bowser (Living Single), la série est souvent comparée à Sex and the City, mais elle se distingue par son ancrage dans la culture afro-américaine et son ton résolument moderne. L'une des forces majeures de Run The World est sa capacité à combiner humour, romance et des moments de réflexion plus profonds, tout en offrant une représentation authentique et diversifiée de la vie des femmes noires dans une grande métropole.

Run The World brille par la force de ses personnages, sa célébration vibrante de l’amitié féminine, et son approche rafraîchissante des thèmes comme la carrière, l'amour et la quête de soi. Cependant, si la série réussit à captiver avec des dialogues percutants et des personnages bien écrits, elle souffre parfois d'un manque de profondeur dans ses intrigues et de quelques clichés du genre. Malgré cela, elle s’impose comme une œuvre réjouissante et essentielle dans le paysage télévisuel actuel, où les séries portées par des personnages noirs, complexes et authentiques, sont encore rares.

Run The World se concentre sur quatre amies dans la trentaine : Whitney, Ella, Renee et Sondi, chacune avec des aspirations et des défis bien distincts. Ce quatuor forme le cœur de la série, et leur chimie à l’écran est indéniable. À travers leur amitié, la série explore non seulement leurs réussites professionnelles et leurs déboires amoureux, mais aussi les pressions sociales auxquelles elles sont confrontées en tant que femmes noires cherchant à « conquérir le monde » dans une société qui ne leur fait pas toujours de place.

Whitney Green, interprétée par Amber Stevens West, est la figure de la perfectionniste du groupe. Fiancée à Ola, un homme aimant et attentionné, Whitney est à la recherche du mariage parfait et de la carrière idéale. Mais derrière cette façade d'une vie bien ordonnée se cachent des doutes sur ses choix et des insécurités quant à son avenir, en particulier sur la question de savoir si elle est réellement prête à se marier. Le personnage de Whitney incarne à merveille les pressions ressenties par les femmes qui cherchent à tout réussir : mariage, carrière, et épanouissement personnel.

Ella McFair, jouée par Andrea Bordeaux, est une écrivaine en pleine crise de carrière après l'échec de son premier roman. Elle travaille maintenant comme journaliste pour un site internet qu'elle méprise, mais rêve toujours de percer dans le monde de la littérature. Son personnage est particulièrement intéressant car il aborde les difficultés de l'industrie du divertissement, tout en explorant la manière dont une femme peut se reconstruire après un échec public. Ella est également confrontée à des relations amoureuses compliquées, en particulier avec son ex, Anderson, qui réapparaît dans sa vie.

Renee Ross, interprétée par Bresha Webb, est la femme la plus extravertie et la plus comique du groupe. Publicitaire de profession, elle est en plein processus de divorce avec son mari Jason. Leur relation tumultueuse, marquée par des disputes mémorables, met en lumière la difficulté de concilier carrière et vie personnelle, tout en offrant des moments d’humour et de légèreté. Renee est à la fois une femme de carrière affirmée et une amie loyale, prête à tout pour soutenir ses proches.

Sondi Hill, jouée par Corbin Reid, est doctorante en études africaines et sort avec son professeur. Sondi est à la fois intelligente et ambitieuse, mais elle se retrouve dans une position compliquée lorsqu'elle devient la figure maternelle pour la fille de son compagnon, tout en jonglant avec sa propre carrière académique. Son personnage aborde des thématiques liées à la maternité, aux relations avec des hommes plus âgés et au défi de trouver un équilibre entre amour et ambitions professionnelles.

Ces quatre femmes, bien que différentes dans leurs parcours et personnalités, partagent un lien indéfectible, et c’est précisément cette amitié qui constitue le cœur battant de la série. Run The World montre à quel point le soutien, la complicité et l’amour entre amies peuvent être une force, même dans les moments les plus difficiles. Les dialogues sont souvent vifs, drôles et empreints de tendresse, illustrant à merveille la solidarité féminine qui dépasse les seules questions de romance ou de travail.

L'une des grandes réussites de Run The World est sa capacité à ancrer son récit dans un cadre bien spécifique : Harlem, quartier emblématique de la culture afro-américaine. À travers ce choix, la série met en lumière la vie des femmes noires, qui sont souvent sous-représentées ou stéréotypées dans les séries mainstream. Ici, l’objectif est clair : montrer des femmes noires complexes, dynamiques et résolument modernes, qui évoluent dans une ville où leur culture et leurs aspirations se mêlent à la diversité new-yorkaise.

Les créateurs de la série évitent les pièges habituels du genre en offrant une représentation authentique et nuancée de la vie à Harlem. La série ne cherche pas à montrer une version idéalisée ou édulcorée de la vie urbaine ; au contraire, elle aborde les réalités sociales, économiques et culturelles auxquelles ces femmes sont confrontées. Cependant, elle le fait sans lourdeur ni didactisme, préférant se concentrer sur des personnages vibrants et leurs interactions quotidiennes.

L’esthétique de la série est également un atout majeur. Les costumes, la musique, et les décors rendent hommage à la vitalité de Harlem tout en renforçant l'identité visuelle de la série. La garde-robe des personnages reflète leur personnalité et leur sensibilité à la mode, ajoutant une touche de glamour à leur quotidien. Chaque épisode offre une immersion dans cette culture urbaine, moderne, où les discussions sur les aspirations professionnelles, les relations et la vie culturelle sont omniprésentes.

Si Run The World est avant tout une série centrée sur l’amitié féminine et les relations personnelles, elle aborde également des thématiques pertinentes et contemporaines liées à la carrière, à la quête de soi, et à la gestion des attentes sociales et familiales. À travers Whitney, Ella, Renee et Sondi, la série explore les pressions ressenties par les femmes noires dans le monde professionnel, en particulier dans des secteurs dominés par des hommes ou des personnes blanches.

Le personnage de Whitney, par exemple, doit jongler entre les attentes professionnelles en tant que cadre dans un cabinet prestigieux et les attentes culturelles et familiales qui pèsent sur elle en tant que femme noire sur le point de se marier. De son côté, Ella se débat avec le spectre de l’échec après la réception négative de son premier roman, un parcours qui reflète les difficultés rencontrées par de nombreux artistes, en particulier ceux issus de minorités, qui doivent lutter pour faire entendre leur voix dans une industrie souvent impitoyable.

Les questions de genre et de race sont donc omniprésentes, mais elles ne sont jamais abordées de manière lourde ou moralisatrice. Run The World préfère laisser ses personnages aborder ces sujets à travers leurs discussions et leurs expériences de manière naturelle et nuancée. Cela donne à la série une profondeur qui va au-delà de la simple « comédie romantique entre amis » et en fait une véritable réflexion sur les réalités contemporaines.

Si Run The World réussit brillamment à capturer l’essence de l’amitié féminine et la modernité urbaine, la série n’est pas sans défauts. Certains critiques pourraient noter que les intrigues, bien qu’agréables à suivre, manquent parfois de surprises ou de profondeur. Certaines situations sont résolues de manière assez conventionnelle, et les dilemmes amoureux et professionnels des protagonistes suivent des schémas déjà vus dans d'autres séries du même genre.

Le format de la série (avec des épisodes relativement courts de 30 minutes) laisse également peu de place pour explorer pleinement certains arcs narratifs. Les histoires personnelles des personnages, bien que touchantes, auraient parfois mérité un traitement plus approfondi pour éviter certains clichés. Par exemple, la trajectoire de Whitney avec son mariage imminent suit un parcours relativement prévisible, et l’on aurait pu attendre un peu plus de complexité dans la manière dont cette intrigue est résolue.

Cela dit, ces critiques n’enlèvent rien à l’énergie et au charme de la série. Ce que Run The World fait, elle le fait bien : divertir, inspirer, et représenter une tranche de la société rarement mise en avant à l’écran. La série, malgré ses petits défauts, parvient à maintenir un équilibre entre le divertissement léger et des discussions plus profondes sur la place des femmes noires dans la société moderne.

Run The World est une série rafraîchissante qui célèbre l’amitié, la culture et la résilience des femmes afro-américaines dans une société complexe. Elle réussit à trouver le juste équilibre entre légèreté, humour et des thèmes plus sérieux, tout en offrant une représentation positive et nuancée de la vie des jeunes femmes noires dans le Harlem moderne.

Bien que certaines intrigues puissent sembler convenues et que la série ne s’aventure pas toujours en terrain inconnu, elle se distingue par la qualité de ses dialogues, la richesse de ses personnages et son esthétique soignée. Run The World est une série à la fois divertissante et inspirante, qui met en lumière des voix trop souvent ignorées à la télévision. Pour ceux qui cherchent une série qui allie humour, romance, et réflexions sociales, tout en étant ancrée dans une culture afro-américaine vibrante, Run The World est une œuvre à ne pas manquer.