Sous contrôle
6.5
Sous contrôle

Série Arte (2023)

Une satire politique intelligente et incisive portée par Léa Drucker

En 2023, Arte propose avec Sous contrôle une série rafraîchissante et percutante qui réussit à allier humour acéré et critique sociale pertinente. Créée par Erwan Le Duc, cette satire politique raconte l’histoire de Marie Tessier, une humanitaire de renom, interprétée avec brio par Léa Drucker, qui se retrouve propulsée, bien malgré elle, au poste de ministre des Affaires étrangères. Ce décalage entre le monde des ONG et celui de la politique donne lieu à des situations à la fois hilarantes et critiques, où les idéaux humanistes de Marie se heurtent à la réalité brutale et cynique de la diplomatie internationale.


Sous contrôle s’impose comme une des séries françaises les plus pertinentes et divertissantes de l’année. Grâce à un scénario finement écrit, des dialogues percutants et des performances d’acteurs remarquables, la série parvient à nous plonger dans les coulisses du pouvoir tout en dénonçant les dysfonctionnements du système politique. Derrière l’humour mordant et les situations absurdes, Sous contrôle questionne notre rapport à la gouvernance, à la communication politique, et à la place de l’éthique dans un monde de compromis.


L’histoire de Sous contrôle repose sur un postulat qui prête à sourire, mais qui devient rapidement un terrain fertile pour une critique acerbe de la politique contemporaine. Marie Tessier, après des années passées à travailler sur le terrain dans des ONG, se voit proposer le poste de ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement français en pleine crise. Elle accepte, contre toute attente, pensant pouvoir influer positivement sur les décisions gouvernementales et mettre son expérience humanitaire au service du bien commun.


Cependant, une fois en place, Marie se rend vite compte que la politique est un monde où les idéaux sont souvent sacrifiés sur l’autel du pragmatisme et des intérêts nationaux. Ses bonnes intentions se heurtent rapidement à des réalités diplomatiques bien plus complexes, où les compromis, les coups bas et les jeux de pouvoir règnent en maîtres. La série nous plonge dans des négociations tendues, des réunions diplomatiques aux conséquences graves, et des conflits internes au sein du gouvernement, tout en conservant un ton ironique et grinçant.


Ce contraste entre le parcours de Marie, femme intègre et idéaliste, et le cynisme du monde politique crée un terrain fertile pour l’humour. Le personnage est sans cesse confronté à des situations absurdes où la langue de bois, les faux-semblants et les stratégies de communication priment sur les véritables décisions. La série pointe ainsi du doigt les incohérences du système politique, tout en questionnant la place de la morale et de l’éthique dans ce monde où tout semble n’être qu’une question d’image et de pouvoir.


L’une des forces indéniables de Sous contrôle repose sur la prestation magistrale de Léa Drucker. Déjà reconnue pour ses rôles dans des films comme Jusqu’à la garde ou La Vérité si je mens, Drucker incarne ici avec brio un personnage complexe et attachant, tiraillé entre ses convictions profondes et les réalités du pouvoir.


Marie Tessier est une femme à la fois forte et vulnérable, pleine d’idéaux mais souvent désemparée face à la machine politique implacable dans laquelle elle se retrouve piégée. Drucker parvient à rendre crédible ce personnage qui, malgré ses compétences indéniables en matière d’humanitaire, est souvent dépassée par les intrigues politiques qui l’entourent. Sa sincérité, parfois naïve, est un contrepoint parfait à l'hypocrisie ambiante des autres personnages politiques, et son combat intérieur entre l’envie de rester fidèle à elle-même et la nécessité de jouer le jeu politique est magnifiquement interprété.


Les moments de solitude de Marie, face à l’ampleur de la tâche qui l’attend, sont particulièrement émouvants. Léa Drucker excelle dans l’art de transmettre la tension entre la façade publique que son personnage est obligé de maintenir et la frustration personnelle qu’elle ressent en voyant ses idéaux s’effriter. Son jeu tout en nuances permet d’humaniser une figure politique souvent isolée, à la fois vulnérable et déterminée à faire changer les choses, même si cela semble impossible.


Sous contrôle ne se contente pas d’être une comédie politique, elle s’impose également comme une véritable satire du monde diplomatique. À travers les yeux de Marie, nous découvrons un univers où les intérêts économiques, les alliances stratégiques et les luttes de pouvoir écrasent toute velléité de faire le bien. Les situations diplomatiques dans lesquelles elle est plongée, qu’il s’agisse de négociations internationales ou de relations tendues avec d’autres gouvernements, mettent en lumière le cynisme de la politique mondiale.


Le personnage de Marie est constamment confronté à la question de savoir jusqu’où elle est prête à aller pour faire avancer sa cause. Elle se retrouve souvent contrainte de faire des compromis qui vont à l’encontre de ses valeurs, notamment lorsque ses conseillers et collègues la poussent à adopter des positions plus pragmatiques, voire contraires à ses convictions. Ces dilemmes moraux sont au cœur de la série et permettent d'aborder de manière intelligente les tensions entre les idéaux et les réalités politiques.


L’un des exemples marquants est la gestion des crises internationales, où Marie doit composer avec des enjeux complexes, comme la guerre, les réfugiés, ou encore la diplomatie économique. Ces scènes, bien qu’abordées avec un certain humour, révèlent le paradoxe d’un monde où l'humanitaire devient un outil de propagande politique, et où la diplomatie se résume souvent à des jeux de pouvoir plus qu’à une véritable volonté de changer les choses.


La série se distingue également par la qualité de ses dialogues et son humour incisif. Les échanges entre les personnages sont souvent caustiques, jouant sur le décalage entre les discours politiques policés et les véritables intentions qui se cachent derrière. Le langage de la communication politique est tourné en dérision, avec des conseillers qui passent plus de temps à peaufiner des éléments de langage qu’à réellement réfléchir aux conséquences des décisions.


Les personnages secondaires, bien que parfois un peu caricaturaux, apportent une dimension comique supplémentaire. Le chef de cabinet cynique, le conseiller en communication obsédé par l’image publique de Marie, ou encore les diplomates rivaux prêts à tout pour manipuler les négociations, sont autant de figures qui contribuent à renforcer l’aspect satirique de la série. Les relations entre ces personnages sont empreintes d’ironie, chaque réplique semblant être une tentative de maintenir les apparences dans un monde où la transparence n’existe pas.


L’humour de Sous contrôle repose également sur des situations absurdes qui mettent en lumière les contradictions du système politique. Que ce soit les maladresses de Marie lors de conférences internationales, les quiproquos diplomatiques ou les manipulations des coulisses du pouvoir, la série parvient à faire rire tout en dénonçant des dysfonctionnements bien réels. Ce savant équilibre entre comédie et critique sociale est l’une des grandes réussites de la série.


Visuellement, Sous contrôle reste sobre et efficace. La réalisation, bien qu’elle ne cherche pas à révolutionner le genre, parvient à maintenir un rythme dynamique, en jonglant habilement entre les scènes de crise politique, les réunions tendues et les moments plus introspectifs où Marie se questionne sur ses choix. Les plans sont souvent centrés sur Marie, accentuant son isolement dans un environnement qui lui est étranger et hostile.


Le rythme de la série est bien dosé, alternant moments de tension et scènes plus légères sans jamais perdre l’attention du spectateur. Chaque épisode parvient à maintenir l’intérêt en introduisant de nouvelles crises diplomatiques ou en creusant les relations entre les personnages, tout en développant l’arc narratif principal de Marie, tiraillée entre ses idéaux et les réalités du pouvoir.


Si Sous contrôle est globalement une réussite, elle n’est pas exempte de défauts. Certains personnages secondaires sont parfois trop caricaturaux, notamment ceux qui incarnent les figures de pouvoir les plus corrompues ou cyniques. Bien que ces personnages aient pour but d’accentuer l'aspect satirique de la série, leur manque de nuance peut parfois donner l’impression que la série verse dans la facilité, en opposant de manière trop manichéenne les bons et les mauvais acteurs politiques.


De plus, certaines intrigues secondaires, notamment les histoires personnelles des personnages, sont moins bien développées et peuvent paraître superficielles par rapport aux enjeux principaux. Ces moments auraient pu être davantage exploités pour renforcer la dimension humaine de la série.


Sous contrôle s’impose comme une satire politique brillante, à la fois drôle et intelligente, portée par une Léa Drucker exceptionnelle. La série réussit à allier humour grinçant, critique acerbe du monde politique et réflexion sur les dilemmes moraux auxquels sont confrontés ceux qui veulent réellement changer les choses.


Erwan Le Duc signe ici une œuvre percutante qui parvient à captiver autant qu’à faire réfléchir, tout en restant divertissante du début à la fin. Sous contrôle est une série indispensable pour ceux qui s’intéressent aux rouages du pouvoir, mais aussi pour ceux qui cherchent une comédie incisive sur la complexité de l’éthique dans un monde dominé par le cynisme.

CinephageAiguise
9

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