Le Southland est une autre façon de nommer la vaste zone métropolitaine de Los Angeles. D'Hollywood à Downtown en passant par Echo Park ou Silver Lake, une jungle aux multiples visages, de la pauvreté la plus dure à l'opulence la plus extravagante. D'un bout à l'autre de ce patchwork ethnique et culturel la série colle au train de flics ordinaires, ni héros, ni salauds. Southland se présente un peu comme le croisement entre New York 911 (Third Watch, de son nom anglo-saxon) et The Shield, il prend le concept du premier en l'épurant (en effet il n'y a ni ambulanciers, ni pompiers) et il adopte le traitement du second (caméra au poing, lumières crues, aucune musique extradiégétique). Le show mise tout sur son approche brute et réaliste, chaque épisode nous plonge sans ménagement dans une journée "normale" du LAPD, vécue par trois divisions différentes. Si le style documentaire n'est pas toujours d'une maîtrise exemplaire, il se révèle néanmoins tout à fait pertinent et offre son lot de sensations fortes.
Quelques meurtres effroyables mais beaucoup de petits délits ou de crimes sans envergure. Pas de génie du crime ni de plans tarabiscotés sur le long terme, juste la rue et le quotidien. Si la première saison essaye de développer un arc centré sur une affaire criminelle la suite abandonnera progressivement cette approche pour construire ses articulations scénaristiques autour des personnages et des aléas de leurs vies. De la même façon la série se recentre petit à petit sur les flics de la rue au détriment des inspecteurs, un choix pertinent tant c'est là qu'elle s'épanouie. Dans ces rues chaudes et bouillonnantes, dans cette tension permanente, dans cette imprévisibilité sauvage. Adams, Sherman, Cooper et Bryant forment le quatuor principal du show. Des personnages qu'on apprend à connaître et à aimer, malgré leurs faiblesses, leurs mauvaises décisions ou leur mauvaise foi. Le traitement sec des personnages est assez déstabilisant au premier abord, ils sont difficiles à cerner au travers d'apparitions souvent étouffés par l'adrénaline du moment. Mais cela participe assez vite à l'attachement qu'on peut leur porter, cette impression qu'ils ne sont pas là en représentation, ils sont entiers : pétages de plombs, disputes, doutes mais aussi fou-rires et solidarité. Le rythme de la vie des hommes et des femmes du LAPD fait battre le pouls dans les veines d'une ville opérée à coeur ouvert. Le traitement est cru mais pas outrancier, si la violence est palpable à chaque soubresaut de la caméra, elle n'est jamais gratuite. Les différentes situations dressent un portrait contrasté de Los Angeles, le métier de policier y est dépeint sans romantisme.
Southland fait donc partie de ces séries qui vous happe par son atmosphère et vous garde dans son giron par le soin apporté aux personnages et à la narration. Les hésitations de la première saison sont vites gommées et chaque saison se révélera meilleure que la précédente jusqu'à la cinquième et dernière, petit diamant brut où l'on jurerait voir des personnages de James Ellroy transposés en 2013. C'est fort, c'est prenant mais c'est également passé inaperçu. D'abord programmé sur NBC la série a été abandonnée dès la première saison pour être repêchée par TNT. Le fait est que Southland n'est pas vraiment le genre de série taillée pour le public principal de ces deux networks, comme en témoignent tous les "Fuck" censurés et les corps nus recouvert de pixels lors des diffusions télé. Immanquablement, les audiences n'ont jamais été à la hauteur des standards de la chaîne et la série a été annulée par TNT, au bout de la cinquième saison. La dernière séquence de la série est forte et bouleversante, elle vous percute de plein fouet et vous laisse un bleu à l'âme. Le concept même de la série n'appelle pas forcément à une conclusion nette et définitive, finir sur une note aussi puissante est peut-être pour le mieux. Difficile cependant de ne pas pas se sentir frustré, ces personnages avaient encore des choses à nous faire vivre, on le sait, on le sent.
En un mot comme en cent : Southland est une série coup de poing à découvrir de toute urgence (en version DVD si possible, pour éviter la censure)