Texhnolyze, diffusée sur Fuji TV en 2003, c’est un peu comme si quelqu’un avait pris l’univers le plus sombre et déprimant imaginable, y avait injecté des questions existentielles sur le sens de la vie, et avait ajouté des membres cybernétiques pour vous rappeler que, même dans un futur dystopique, on peut perdre plus qu’une jambe. Ce n’est pas juste une série, c’est une plongée en apnée dans un océan de désespoir philosophique, où chaque épisode vous fait vous demander "Pourquoi je regarde ça ?"... avant de vous happer à nouveau dans son atmosphère suffocante et hypnotique.
L’histoire se déroule dans Lux, une ville souterraine en pleine décomposition, où la technologie, la misère et la violence cohabitent dans une espèce de danse macabre. Ce n’est pas le genre de lieu où l’on part en vacances. On y suit Ichise, un boxeur de rue qui se retrouve brutalement amputé d’un bras et d’une jambe après avoir énervé les mauvaises personnes (autant dire qu’il a eu une mauvaise journée). À moitié mort, il est sauvé et "réparé" avec des prothèses cybernétiques, grâce à la technologie du Texhnolyze, une avancée technologique qui permet de remplacer les membres perdus… mais au prix de son humanité.
Ichise n’est pas le genre de personnage loquace. En fait, il passe probablement plus de la moitié de la série sans dire un mot, ce qui en fait un protagoniste mystérieux et fascinant, mais aussi un peu frustrant par moments. Vous voulez qu’il parle, qu’il exprime quelque chose, mais non, Ichise préfère cogner ou fixer le vide avec un regard aussi mort que la ville qui l’entoure. Mais dans Texhnolyze, même les silences sont lourds de sens, et chaque geste, chaque regard, est une brique de plus dans cet édifice oppressant qu’est Lux.
La série introduit également une galerie de personnages tout aussi déprimants et torturés, chacun ayant une relation complexe avec la technologie et l’humanité. Il y a Ran, une mystérieuse jeune fille qui peut voir l’avenir, mais dont chaque vision semble prédire encore plus de souffrance. Et Oonishi, le chef de la faction Organo, qui tente de maintenir l’ordre dans une ville en ruine tout en se battant contre sa propre descente dans l’abîme. Sans oublier Doc, la scientifique qui sauve Ichise et qui incarne le dilemme moral de la série : jusqu’où peut-on pousser l’humanité avant qu’elle ne devienne quelque chose d’autre, quelque chose de froid et d’inorganique ?
Visuellement, Texhnolyze est un chef-d'œuvre de style, avec des décors dystopiques qui semblent avoir été sculptés directement dans les cauchemars de cyberpunk. Les rues de Lux sont sales, claustrophobes, et baignent constamment dans une lumière froide qui donne à chaque scène un aspect presque clinique, comme si la ville elle-même était une gigantesque plaie infectée que personne ne veut soigner. Chaque épisode est une leçon d’esthétique sombre, où même le peu de couleurs présentes semble avoir été aspiré dans un trou noir de désespoir.
Mais là où Texhnolyze se distingue vraiment, c’est dans sa narration, ou plutôt dans sa manière de la déconstruire. La série prend son temps – et quand je dis son temps, c’est que les premiers épisodes se déroulent à un rythme si lent que vous pourriez presque penser que rien ne se passe. Mais c’est un leurre. Texhnolyze construit son monde par couches, en vous plongeant petit à petit dans une atmosphère si pesante que lorsque l’action éclate enfin, elle vous frappe comme une décharge électrique. Les combats, quand ils arrivent, ne sont jamais glorieux : ils sont brutaux, sales, et sans pitié, à l’image de la ville elle-même.
Philosophiquement, la série pose des questions fascinantes sur la nature de l’humanité, la survie, et la déshumanisation. Le Texhnolyze n’est pas juste un gadget cool pour remplacer des membres perdus, c’est une métaphore de la manière dont la technologie et la modernité grignotent l’âme humaine. À mesure que les personnages perdent leur chair pour des machines, ils se détachent aussi de leur propre humanité, jusqu’à se demander ce qu’il reste d’eux. C’est une réflexion sur le prix du progrès, mais sans jamais vous donner de réponse facile. En fait, Texhnolyze vous laisse souvent plus d’interrogations que de réponses, et c’est exactement ce qui rend cette série si unique.
Cependant, Texhnolyze n’est pas pour tout le monde. Son rythme lent, ses dialogues minimalistes, et son ambiance lourde peuvent rebuter ceux qui recherchent quelque chose de plus accessible ou d’immédiatement engageant. Ici, il n’y a pas de moments légers ou de respirations humoristiques : c’est une descente dans les ténèbres, une exploration de la destruction de l’âme humaine. La série vous demande de la patience et un certain état d’esprit pour apprécier pleinement tout ce qu’elle a à offrir.
En résumé, Texhnolyze est une œuvre de science-fiction dystopique unique en son genre, qui mélange une esthétique cyberpunk à couper le souffle avec des thèmes philosophiques lourds et une narration qui se déconstruit lentement, comme un puzzle existentiel. C’est un voyage sombre, parfois déconcertant, mais aussi profondément captivant, qui ne vous laisse jamais indifférent. Si vous êtes prêt à plonger dans un monde où l’espoir est aussi rare qu’un rayon de soleil à Lux, alors Texhnolyze est une expérience qui vous marquera, bien au-delà de ses images envoûtantes.