Eaux Troubles et Mère Morte

The Act est une série anthologique créée par Nick Antosca et Michelle Dean dont le principe est de suivre pour chaque saison le récit à la fois clinique quoi que légèrement romancé d'un véritable fait divers criminel. Pour cette première saison The Act revient sur une glaçante histoire de matricide mais qui n'est que la face immergé d'un immonde et imposant bloc de souffrances. Durant huit épisodes nous plongeant au cœur d'un profond malaise, la série revient les années de souffrances, de mensonges, de manipulations, de mauvais traitement qui conduiront à ce drame.

The Act raconte donc l'histoire du meurtre de Dee Dee Blanchard par sa fille Gypsy Rose et son petit ami Nicholas Godejohn. Durant vingt ans cette mère à retenue sa fille captive en lui faisant croire qu'elle souffrait de nombreuses patrologies graves et d'un handicap mental afin de la maintenir sous sa coupe protectrice comme si elle avait éternellement dix ans et un besoin vital des soins et de son attention. Une emprise physique et morale totale dont cette mère se servait afin de récolter des dons auprès de nombreuses œuvres de charités.

The Act est une formidable série construite avec de nombreux flash-back qui tissent doucement les fils de l'emprise d'une immonde toile d’araignée dans laquelle finissent par se prendre toutes celles et ceux qui s'en approchent. Mais le plus tétanisant et absolument effrayant dans cette histoire multiple c'est que The Act n'est pas un récit de haines mais bien celui d'amours destructeurs, malsains, maladifs et ravageurs. Parfois les monstres se terrent dans des tanières rose bonbons, des robes de princesses et des dégoulinantes démonstrations sirupeuses de protection et d'affections envers les plus faibles surtout lorsqu'ils les ont créer de toutes pièces, l'enfer se cache parfois sous les oripeaux des meilleures intentions. C'est par amour que cette mère détruit sa fille, c'est par amour que cette fille va s'éprendre d'un prince charment un peu psychopathe et c'est par amour que ce dernier va s'imaginer devenir un chevalier en terrassant le dragon qui retient captive sa princesses.

On reste un temps circonspect puis totalement abasourdi par l'emprise malsaine de cette mère qui travesti l'adolescence de sa fille sous le fardeau ridicule d'une éternelle et nocive innocence de conte de fées. Durant presque 20 ans Gypsy Rose sera droguée de médicaments pour des maladies qu'elle n'a pas, contrainte de rester en fauteuil roulant malgré ses jambes valides, nourrie avec une sonde gastrique, opérée à de nombreuses reprises, maintenue dans l'ignorance du monde extérieur, gavée de romances à l'eau de rose et de conte de fées, travestie comme une vulgaire poupée, détruite moralement par d'immondes jeux de soumissions et d'emprises psychologique au point de perdre pieds avec la réalité. Dommage que la série ne se penche pas un peu plus sur le naufrage du système médicale, sociale, éducatif et judiciaire qui n'a jamais vraiment déceler l'enfer de cette supercherie. La série décrit parfaitement cette emprise lente et inexorable qui finira par être si oppressante pour le spectateur que le personnage de Dee Dee deviendra souvent insupportable à simplement regarder. Mais l'une des grandes forces de The act est de ne jamais clairement définir le bien et le mal, de ne jamais pointer du doigt les victimes et les coupables au point de mettre parfois le spectateur dans un profond et inconfortable malaise. Bien sûr cette mère est un personnage immonde et détestable mais elle semblera parfois bien pathétique et même quelques fois presque émouvante. La série montre comment elle même reste partiellement brisée par une mère abusive et le spectre de perdre sa fille après un séjour en prison. Les créateurs dressent ainsi un portrait glaciale mais nuancé refusant notamment de s'étendre sur les sévices corporelles que Dee Dee faisait subir à sa fille. Quant à Gypsy Rose je n'ai cessé de ressentir un profond malaise pour cette femme enfant, ses habits de petites filles, cette voix particulière et parfois si désagréable, sa candeur, son calvaire mais aussi ses aspects plus sombres, son rapport forcément tordu au sexe et à l'amour et ses aspects parfois manipulateurs notamment dans le dernier acte face à la justice. Quant au troisième protagonistes du drame sorte d'autiste paumé aux multiples personnalités et adepte de relations BDSM (que Gypsy Rose rencontre via un site de dating chrétien) il vient parfaire le tableau d'une foutue bande de tarés, mais lui aussi sera à l'écran aussi détestable que parfois touchant comme lorsqu'il comprend le regard perdu que sa Gypsy Rose ne l'accompagnera pas jusqu'au bout comme Bonnie and Clyde. On pourras d'ailleurs s'interroger jusqu'à quel point Nicholas Godejohn s'est fait réellement manipulé par Gypsy Rose ??

The Act est une série prenante, touchante, glaçante, perturbante,malaisante et plein d'autres choses qui hante. La série est surtout portée par un casting vraiment extraordinaire avec tout d'abord Patrica Arquette fabuleuse dans le rôle pour le moins ingrat et difficile de Dee Dee Blanchard. La bombe de True Romance incarne ici un personnage viscéralement et physiquement désagréable et repoussant au possible, une femme qui semble même de plus en plus abject à mesure qu'il suinte de bons sentiments. Le personnage est parfois froidement effrayant mais un seul regard triste de Patricia Arquette suffit parfois à regorger le personnage d'un minimum d'humanité. C'est la jeune comédienne Joey King ( Conjuring – The Dark Knight Rises) qui incarne magnifiquement Gypsy Rose avec un mimétisme absolument bluffant que ce soit dans le physique, les postures et même la voix. Pour avoir vu la véritable Gypsy Rose avec le documentaire Mommy Dead And Dearest (Très bon complément à la série) on comprends à quel point la comédienne a fait un boulot remarquable qui va au bien delà de la simple imitation en parvenant à rendre crédible à l'écran toute la complexité du personnage et à quel point son monde ne peut être compris que par le prisme de ce qu'elle a vécu. Quant à Callum Worthy il est lui aussi formidable dans le rôle de Nick Godejohn et ses petite sourires de gamin psychopathe vous resteront longtemps en tête. Mais The Act propose également une belle galerie de seconds rôles marquants et très réussis avec Juliette Lewis, Chloë Sevigny formidable et surtout AnnaSophia Robb bouleversante dans le rôle de celle qui restera l'une des seules amies de Gypsy Rose et son regard rempli de larmes lorsque cette dernière l'appelle de la prison ou elle est détenue et un des grands moments d'émotion de la série.

Si vous n'êtes pas totalement ravagé par la série vous pourrez vous replonger dans les marécages de cette sordide histoire avec le documentaire de HBO Mommy Dead And Dearest ( Pourquoi j'ai tué ma mère en VF) qui permet de constater à quel point The Act est une reconstitution assez saisissante et minutieuse des faits bien que parfois édulcoré. Le documentaire permet aussi de voir Gypsy Rose interrogé depuis sa prison, de même que d'entendre son père mais aussi son grand père qui fait des révélations glaçantes sur Dee Dee racontant par exemple avec froideur qu'après son incinération il a balancé les cendres de sa fille dans les chiottes sans le moindre regret.

The Act est une excellente série même si objectivement elle aurait peut être gagné à resserrer son intrigue sur six épisodes. La série ressemble au plus apaisant et coloré des films d'horreur qui semble nous murmurer viens te réfugier dans les bras de maman pour qu'elle t'étouffe comme le chante Roger Waters dans Mother  

"Mama's gonna make all of your nightmares come true
Mama's gonna put all of her fears into you
Mama's gonna keep you right here under her wing
She won't let you fly but she might let you sing
Mama's gonna keep baby cosy and warm "