Où comment rater son adaptation
L'espionnage comme sujet d'un film, d'une série, d'un roman, c'était hier pour glorifier le camp du bien (l'OTAN et les USA en tête). Des figures d'hommes héroïques, ayant souvent combattu la barbarie nazie dans des appartements londoniens sous le Blitz lorsqu'ils créaient l'OSS. Robert Littell a participé à cette littérature. De même que John Le Carré ou Ian Flemming. Inutile de parler du va-t'en guerre Tom Clancy.
Depuis le fiasco des renseignements US incapables de déjouer les attentats du 11 septembre, la littérature traite l'espionnage non plus pour en faire son hagiographie, mais pour nous en faire découvrir les faces les plus sombres. Des services de renseignements prêts à mentir sur les ADM irakiennes, à pactiser avec des services de renseignements de régimes dictatoriaux, à se placer au dessus des lois. Est-ce nouveau ? Bien sûr que non. et c'était celà, me semble-t'il le véritable sujet du roman de Littell. Comment des hommes justes (les figures de Jack et Ebby) ont participé aux dérapages de la CIA.
Une adaptation coupe, nettoie, se passe parfois de certains passages. Oui mais celle-ci non seulement coupe, mais trahit à mon sens l'oeuvre de Littell.
Les deux premiers épisodes, tout en occultant l'alliance contre nature entre la CIA et le réseau Gehlen (du nom d'un ancien nazi) dans la guerre froide à Berlin Est, sont plutôt fidèles à l'oeuvre. La suite, elle, est un massacre, un élagage sans queue ni tête. Seul passage bien traité, la traque de Sacha. Pour le reste on se croirait dans un James Bond, les gadgets en moins. C'est bien James Bond. Mais là il s'agissait de rendre compte de la complexité du travail des services de renseignements, du jeu entre deux blocs s'affrontant à la mort. De la "jungle des miroirs" ne subsiste qu'un petit jardinet à la française.
Pas d'Afghanistan, alors qu'il occupe une bonne partie de l'ouvrage. Rien sur les nouveaux russes et l'ascension de Poutine. Rien sur l'alliance objective entre Jack et Léo. Rien sur le népotisme dans l'agence. Rien sur Kennedy.
Bref, une série sans saveur. on n'a plus l'impression de regarder une vidéo promo à la gloire de la CIA que de voir une adaptation du roman. Signe des temps, il faut redorer le blason de l'Agence. Littell est tout en nuance. La série est à l'image du ralenti sur la mort d'un des insurgés de Budapest : écoeurante de pathos et de mièvrerie. Dîtes moi que je vous ai donné envie de la voir.