Suite à une remarque de son éditeur, lui conseillant d'aller observer un coin de rue à Baltimore, pour écrire son prochain livre, David Simon livre The Corner: A Year in the Life of an Inner-City Neighborhood. Écrit en collaboration avec un ancien inspecteur de la brigade criminelle de Baltimore, le livre est le résultat d’un an d’observation et d’interview des âmes en perdition peuplant le bout de goudron entourant La Fayette Street.
En 2000, David Simon est invité par HBO à adapter son livre dans un format télévisé en 6 épisodes. Il sollicite pour l’occasion l’un de ces anciens collègues, David Mills, pour écrire le script de la série. En découle The corners, une série HBO au fond terriblement attachant, narrant la tranche de vie des trois membres de la famille éclatée sur laquelle se focalisait les écrits de David Simon.
6 épisodes, soit 6 heures pendant lesquelles sont illustrés les tourments de trois êtres que la vie malmène, dans un coin de rue où la drogue décide de chaque destin. Deux parents, Fran et Gary, dont chaque artère bouillonne de drogue en tout genre et leur fils, DeAndre qui tente de trouver sa place dans cette rue qui est la sienne : dealer semblant être, pour lui, la seule alternative qui lui apportera respect et pouvoir. Armé de ses dreadlocks fétiches et de son caractère bien trempé, il essaye, avec les moyens dont il dispose, d’éviter de suivre le chemin de vie de ses parents, tous deux perdus dans la même routine depuis que son père a perdu ses confortables revenus, à savoir celle de trouver suffisamment de dollars pour s’offrir leur shoot quotidien.
En partant de cette famille, The corner dresse un bilan acide de la condition des camés du coin de rue qu’ils habitent. C’est avec un réalisme morbide, mais nécessaire, mêlé d’une empathie touchante que Mills et Simon tentent de redonner à ces junkies, aux yeux vidés d’émotion, leur statut d’être humain, que cette drogue qu’ils aiment tant leur ôte petit à petit.
The corner est emprunt de cette singularité qui fait la qualité des grandes séries HBO. A savoir des personnages finement écrits qui parviennent, par leur simple présence, à rendre chaque épisode passionnant. Il convient également de saluer le talent de leurs interprètes. Beaucoup de têtes connues qui rempileront par la suite dans d’autres succès de la chaîne: de The Wire, qui sera l’aboutissement de la plume des mêmes scénaristes de ce galop d’essai déjà réussi, à Trème, on retrouve, avec grand plaisir, les acteurs habitués des séries de David Simon et notamment Khandi Alexander qui parvient à trouver le chemin de nos petits cœur en jouant sans retenue l’explosive Fran, l’un des rôles les plus poignants de The corner.
Toute l’émotion qui transpire de cette mini-série nous embarque pour 6h que l’on ne voit jamais passer. Chaque habitant de La Fayette street devient un voisin, dont le sort, souvent macabre, emplit notre cœur de tristesse. A tel point qu’il est Impossible de finir The corner sans un pincement au cœur pour Gary, Fran, Boo, Blue ou Fat Curt, le big Chief philosophe, la voie de la raison de cette rue qui a mis en cage sa personnalité, malgré toute la sagesse qui l’habite. Il est certainement l’illustration parfaite du piège que représente cette substance génératrice d'un rêve éphémère qui, le temps d’un shoot, ajoute une touche de couleurs aux gris d'une rue insipide mais dangereuse, dans l’esprit des coeurs lacérés qui y sont emprisonnés.