Comme son imprévisible serial killer qui prend un malin plaisir à engager d'innocents caméramans pour leur faire vivre d'improbables poussées de malaise avant de les occire, "Creep" (et sa suite "Creep 2", tous les deux disponibles sur Netflix) faisait figure d'un véritable found footage en mode OFNI, trouvant un ton complètement singulier par son brassage d'humour noir, de tension, de situations dérangeantes ou de pure folie engendré par un Mark Duplass absolument génial dans ce rôle désormais fameux de Peachfuzz et de ses multiples prénoms de couvertures.
On sait que les films ont divisé à cause de ce mélange des genres atypique -et on peut tout à fait le comprendre, le 2 est par exemple plus faible à nos yeux- mais pour ceux qui ont apprécié la rencontre avec ce grand malade et qui attendaient de le retrouver dans un troisième opus, Patrick Brice et Mark Duplass ont encore la bonne idée de surprendre en produisant, écrivant et réalisant ces nouvelles retrouvailles avec Peachfuzz sous la forme d'une série préquelle de six épisodes !
Eh oui, l'idée n'est pas bête, on savait que la collection de vidéos du tueur était bien fournie, autant que ses deux créateurs nous ouvrent cette armoire à souvenirs filmés pour amener l'assassin à de nouvelles victimes soient engagées (un nouveau caméraman dans l'épisode 1, un blogueur véhément dans le 3 ou un documentariste indé dans le 4) ou de circonstances (un passionné d'ornithologie dans le 2).
Si vous adorez le premier film, vous ne pourrez que prendre votre pied devant le premier épisode qui en rejoue une partition plus que similaire, sur un mode cours d'actorat déjanté, pour nous laisser sur un éclat de rire du plus bel effet "haché".
Le deuxième, lui, aussi amusant soit-il (la rencontre avec la victime est juste folle), tend peut-être déjà à faire apercevoir les limites de la répétition d'un concept pouvant possiblement s'user s'il n'en reste qu'à ses acquis désormais connus sur la durée. Heureusement, et c'est là que le duo Brice/Duplass vont contourner en partie le problème d'une potentielle redite, les variations de rencontres au cours des six épisodes, ainsi que les numéros irrésistibles que cela induit pour un Peachfuzz en marionnettiste complètement allumé de ceux-ci, parviennent toujours à engendrer un lot certain de situations absurdes et d'instants gênants jouissifs jusqu'aux inévitables lames tranchantes finales (on saluera ainsi plus particulièrement la prestation en soutane déjantée de l'épisode 3 et l'autodérision sur son image d'acteur indé dans le 4 -en compagnie du réalisateur Josh Ruben en guest- d'un Mark Duplass fascinant par le caractère jusqu'au-boutiste qu'il confère à la menace délirante de son personnage sur ses victimes).
Mieux, les épisodes 5 et 6 vont, eux, chercher à rompre le schéma dans lequel la série aurait pu avoir tendance à s'enfermer en confrontant, pour l'un, son tueur à "lui-même" dans des proportions de folie irrémédiables et, pour l'autre, à un entourage proche dont on ne peut que comprendre l'influence néfaste sur notre adorateur de loups (le plan final sur lequel nous laisse cette première saison est une parfaite envolée du numéro de funambule entre grotesque et dérangeant auquel la série, comme les films, se sera délicieusement livrée).
Bien sûr, ne soyons dupes, heureusement que cette saison ne dure que six épisodes d'un peu plus d'une vingtaine de minutes car il y a fort à parier que les trouvailles imaginées par Patrick Brice & Mark Duplass pour prolonger les aventures de leur Peachfuzz n'auraient pas pu faire autant illusion sur un format plus long. Mais, sur cette simple salve de courte durée, on est toujours diablement preneur. Et puis, bon sang, rien que pour la prestation de ce grand dingo de Mark Duplass, on en redemande même...