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The Crown
7.6
The Crown

Série Netflix (2016)

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Entendons-nous bien : c'est plutôt bien mis en image, les costumes sont formidables, la musique est réussie et l'idée de changer de casting à chaque nouvelle période est déstabilisante mais fonctionne. Parmi les acteurs il y a des choses formidables (Josh O'Connor par exemple qui nous fait un Charles parfait) et d'autres beaucoup moins (Helena Bonham Carter semble vraiment à côté de la plaque en Margaret alors que Vanessa Kirby était très bien) mais l'ensemble tient plutôt solidement la route. Il y a des qualités indéniables à The Crown. Le problème c'est que le prisme de la couronne à travers la couronne donne un ton vraiment hors sol à la série.
En démarrant la série j'étais persuadé que la famille royale était une bande de parasite aussi gâtés qu'inutiles et après 4 saisons, c'est pareil... peut-être même pire. Les enjeux sont parfois d'un intérêt proche du zéro, certains ressemblent à des caprices individuels alors qu'on traverse 70 ans d'histoire d'un Pays en pleine mutation dans l'occident (presque) post colonial. C'est une très bonne chose d'avoir fait rentrer les caméras dans les palais du royaume mais la Grande Bretagne véritable est ailleurs. Ce n'est sûrement pas un hasard si les meilleurs épisodes sont ceux qui apportent, enfin, un peu de point de vue extérieur : ceux qui mettent en scène le peuple ou qui confrontent les monarques à leur inutilité patente (soit lorsqu'ils ne font rien d'intéressant ce qui concerne 90% de leur temps ou soit quand ils essayent quelque chose mais en sont empêchés par tout un tas de raisons absurdes). La saison 4 est d'ailleurs bien moins froide que les autres avec plus d'humour et de situations nous montrant à quel point ces gens sont loin de la réalité de leur peuple. C'est également la saison avec Margaret Thatcher et forcément, à côté d'elle, la famille royale semble plus aimable (même s'il y a une tentative amusante d'inverser cela lors de l'épisode à Balmoral. Rebondissement qui n'a d'ailleurs jamais eu lieu dans la réalité... c'est assez cocasse quand on y repense : le seul moyen qu'ils ont trouvé pour humaniser la Dame de Fer est de s'éloigner du réel). Le moment où Elisabeth réalise avec un certain effroi que ses quatre enfants sont des horribles personnages reste d'ailleurs un des passages les plus intéressant du show. Mais il est difficile de savoir si cette inflexion est vraiment l'angle du show ou s'il cherche à être comme la reine, neutre au milieu des tumultes. Beaucoup d'efforts sont déployés pour offrir à ces gens une humanité, nous la voyons mais difficile, pour autant, de s'attacher. Leurs problèmes paraissent souvent tellement absurdes et répétitifs que ça ne prend pas.
La dimension historique reste intéressante malgré tous les éléments de pure fiction qui jalonnent l'écriture mais même là, on a une sensation de verre à moitié plein. Comment passer 40 épisodes sur un sujet tel que la monarchie britannique et n'évoquer qu'une seule fois le problème nord irlandais ? Et quand c'est fait, on ne voit que l'attentat contre Mountbatten, donnant à la cause irlandaise un visage de barbarie unilatéral alors que c'est un tout petit peu plus complexe que cela. L'oppression anglaise ? Le Bloody Sunday ? Les grèves de la faim ? Rien. Cela donne vraiment la sensation de tout contempler par le petit bout de la lorgnette. Certains événements importants semblent ainsi arriver comme un cheveu sur la soupe aux truffes. Certaines fulgurances permettent de transcender les limites du point de vue, comme l'épisode sur l'espion ou celui avec la crise du smog, mais globalement on se retrouve coincé avec des personnages qu'on a envie de décapiter alors qu'on aurait aimé voir et vivre la métamorphose culturelle d'un pays. Peut-être est-ce là le message de la série : être une reine, c'est chiant mais ce simple état de fait ne suffit pas à créer de l'empathie. Dans tous les cas, cela donne des épisodes à l'intérêt dramatique aléatoire, souvent trop longs pour leur propre bien. Les travelling lents sur des bâtiments prestigieux ont leurs limites. C'est donc malheureusement un ennui poli qui domine.
Reste le plaisir de la reconstitution, de certaines interprétations et l'espoir de tomber sur un épisode plus inspiré que les autres et c'est ça le grand paradoxe : dans ses meilleurs moments, The Crown sait être vraiment captivant. Hélas, ils sont trop rares.

Mise à jour suite à la fin de la série : Les deux dernières saisons n'ont pas changé grand chose à mon avis général. La débauche de moyens impressionne et Imelda Staunton en Elisabeth II et Elizabeth Debicki en Diana sont vraiment parfaites. J'ai beau adoré Dominic West, il n'en reste pas moins un erreur de casting tellement il est vraiment trop beau pour le rôle. L'épisode final est vraiment formidable, et c'est toujours une gageure de réussir à terminer une série, mais comme pour les autres saisons : il y a aussi beaucoup de moments propices à la sieste et des choix narratifs pas toujours aussi pertinent que le souhaiterait le show runner, Peter Morgan. Celui-ci avait déclaré au tournant de la saison 5

Je suis arrivé en étant complètement antimonarchiste et j'ai complètement changé d'avis. Je suis royaliste, maintenant.

Effectivement, Peter, ça se sent. Sans aller jusqu'à l'antimonarchisme (et, soyons honnête, même dans les premières saisons on peine à le déceler, ce qui fait donc douter de la conception même que pouvait en avoir Peter Morgan), on regrette souvent la tempérance critique vis-à-vis de ce régime. La série s'efforce d'être à l'image de la reine : apolitique, soit un positionnement un peu lâche permettant de valider l'ordre des choses tant que celui-ci ne nous contrarie pas. Il est d'ailleurs amusant de mettre en parallèle la bienveillance du traitement de John Major et le fait que la série consacre un épisode entier à une victoire symbolique, petit sourire en coin inclus, de la reine sur Tony Blair. Symbole narratif assez saisissant du royalisme conservateur que peine à cacher Peter Morgan : faire de William le point de vue principal de la fin de la série, avec toutes les redondances sur l'importance du devoir que cela entraîne, alors qu'adopter celui de Harry aurait permit de dynamiter un peu le carcan de la série.

Le gros problème de The Crown reste donc cette focale qui zoome sur des problèmes de gens qui n'ont pas grand chose d'autre à faire que de s'en créer.

Vnr-Herzog
5
Écrit par

Créée

le 8 oct. 2021

Modifiée

le 15 févr. 2024

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