**ATTENTION SPOILER
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Alors qu'une saison 5 est déjà annoncée pour le début de l'année prochaine, arrêtons-nous quelques instants sur l'une des révélations télévisuelles de ces dernières années : The Handmaid"s tale (La servante écarlate). Adaptée d'un roman de Margaret Atwood, publié en 1985, cette série, bien que dystopique, prend place dans notre monde réel. Nous sommes aux États-Unis, en 2017 ; un coup d'État militaire, aux circonstances floues, suivies d'une révolution théocratique font tomber tous les lieux de pouvoir emblématiques du pays. Dans un contexte dramatique de chute de la natalité, de crise écologique et civilisationnelle, la "République de Gilead" naissante (du nom de la chaîne de montagnes qui, dans la Bible, jouxte le Jourdain) se propose de régénérer l'espèce humaine par un retour ultra réactionnaire à la loi de la Bible et à ses principes les plus rigoristes. Le pouvoir, désormais exclusivement entre les mains des hommes, se met au service de Dieu, dans une optique de purification de l'espèce. Les femmes fécondes, asservies, déshumanisées, ne sont plus que des esclaves sexuels au service des "commandants" qui ont pour charge et responsabilité de faire respecter la loi de Dieu sur le nouveau continent américain. L'une de ces femmes, June, personnage principal de la série, est affectée à la maison du commandant Waterford, l'un des premiers instigateurs de la révolution, homme de pouvoir sans vergogne, prêt à tout pour défendre la Loi. Entre le début de la série et le tout dernier épisode de la saison 4, c'est-à-dire entre la mise en esclavage de June et sa terrible vengeance, quelle force triomphe, quelles valeurs, quelle morale ?
Difficile à dire, tant la série est difficile à comprendre d'une part, et à supporter de l'autre. Si les raisons qui ont amené le pays à sombrer dans une dictature fasciste et théocratique semblent à peu près claires (baisse natalité, crise écologique et civilisationnelle), et si les crimes atroces commis par les responsables de Gilead sont explicites, il est bien difficile cependant pour le spectateur d'épouser absolument le point de vue moral de tel ou tel camp. L'un comme l'autre, et c'est un point fort de la série, est ambivalent, ambigu ; le manichéisme n'a pas sa place ici. Avant que la saison 4 ne tombe dans un pathétisme affligeant, la série propose pendant 3 belles saisons une époustouflante et cruelle démonstration de l'ambiguïté humaine, surtout lorsqu'elle est soumise au pire. Qui n'a pas apprécié, dans la saison 1, la gentillesse de Waterford à l'endroit de June, la laissant entrer dans son bureau et jouant au Scrabble avec elle ? Qui n'a pas relevé, parfois, la délicatesse de Séréna Joy au moment de sauver Nicolle de Gilead, et ce malgré toutes les cruautés qu'elle a pu commettre ? Qui n'est pas resté bouche bée devant la complicité de Joseph Laurens dans la résistance, lui le théoricien, lui le grand penseur des colonies, ces camps de travaux forcés dignes des pires totalitarismes ? Qui, enfin, n'a pas souligné l'extrême ambivalence et le grand mystère régnant autour de Nick Blane, ce chauffeur propulsé au rang de commandant, prêt à tout pour aider June, mais qui, malgré lui peut-être, a participé à l'essor et au contrôle de Gilead ? Personne n'échappe à cette ambivalence morale ; ce n'est pas le camp du bien face au camp du mal, c'est deux conceptions contraires de l'humanité qui s'opposent, rendues possibles par la faillite de la justice, la grande absente de cette série. Commencée dans la douleur et le sang, celle-ci se termine dans la douleur et le sang ; la justice, incapable de condamner les Waterford malgré les nombreux crimes de guerres qui leurs sont imputés ; cette justice, asservie à des intérêts purement politiques, corruptible, cette justice de façade rendue par des hommes et des femmes qui la trahissent, finit par devenir la maîtresse de la vengeance, en permettant à June de s'acharner à mort, avec d'autres femmes rescapées, sur Waterford, traqué, puis assassiné et pendu en lisière de forêt. Il n'y a pas là de quoi se réjouir ; si la justice de Dieu a failli dans cette série, celle des Hommes n'est guère mieux ; si bien que l'on peut se demander si, en fin de compte, la justice n'est plus, en ce XXIe siècle bien sombre représenté dans la série, qu'un lointain et inexpugnable souvenir.

rimbyssinie
7
Écrit par

Créée

le 14 août 2021

Critique lue 177 fois

rimbyssinie

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