Des fantômes dans le placard

Début des années 1990. Olivia et Hugh Craine s'installent provisoirement dans un gigantesque manoir des alentours de Boston avec leurs cinq enfants. Leur objectif avoué est de retaper cette maison et de la revendre pour pouvoir construire la maison de leurs rêves. Malheureusement, tout ne va pas se dérouler comme prévu et des événements mystérieux vont faire leur apparition, jusqu'à la mort de la mère, qui va marquer durablement cette famille.
Près de 30 ans plus tard, les membres de cette famille essayent tant bien que mal de se reconstruire suite à ce drame. Le suicide de la cadette de la famille dans la maison abandonnée de leur enfance va devoir obliger les survivants à replonger dans leur passé et les traumatismes de cette époque funeste et accepter leur vie présente.

Ce qu'il y a d'intéressant et de fascinant dans cette série, c'est que le fantastique et le surnaturel ne sont que des prétextes pour décortiquer et analyser les dysfonctionnements d'une famille et leurs névroses. Comment survivre à un traumatisme d'enfance et continuer sa vie malgré les épreuves. Chaque personnage a une façon différente de digérer son passé et de gérer son présent, comme Steve, l'aîné, sceptique revendiqué malgré ce qu'on vécut ses frangins qui a fait sa carrière et sa fortune en écrivant les événements, ou Shirley, la maniaque du contrôle qui est devenue entrepreneuse de pompes funèbres pour masquer sa trouille de la mort.

Librement inspirée du roman de Shirley Jackson (qui a lui-même inspiré le film The Haunting, de Robert Wise), la grande force de cette série est de proposer un chapitrage avec un personnage par épisode, à force de flashbacks alternant avec les événements présents, pour mieux souligner comment leurs traumatismes affectent encore leur vie. Cela permet aussi au programme de ne pas tomber dans l'écueil de la "série qui s'étire" (syndrome assez récurrent sur Netflix) pour garder un rythme soutenu sur la dizaine d'épisodes.
Chacun de ces épisodes est ainsi un point de vue qui, mis bout à bout, permettent de recoller les morceaux de leur histoire familiale. L'histoire en elle-même est assez convenue et nous restons sur les codes connus de la maison hantée. Mais bien entendu, là n'est pas l'intérêt de The Haunting of Hill House. Quelques "jumpscares" et plans bien pensés nous font comprendre que nous encore dans une histoire fantastique, mais il s'agit bien plus d'une histoire de famille et de ses névroses. On est plus dans une vision paranormale de Six Feet Under, toute proportion gardée, en terme de compréhension du modèle familial qui vole en éclats suite à un événement tragique.

Si l'on peut faire un petit reproche à cette série, c'est qu'elle ne laisse pas le doute longtemps sur le caractère résolument surnaturel de la maison, alors qu'il aurait pu y avoir quelque chose d'intéressant à opposer les idées du rationnel Steve à ce que pensent avoir vécu les autres membres de la famille, pour instiller le doute : ont-ils vraiment vécu ce qu'ils racontent avoir vu ou n'est-ce que le fruit de défaillances mentales?

Mais cela reste un bien maigre reproche à ce programme maîtrisé de bout en bout, tant sur le plan narratif que visuel (l'épisode 6 et son enchaînement de plans-séquences est un bijou en la matière). Les acteurs sont tous au diapason et il est difficile de trouver un véritable défaut à ce programme. Mike Flanagan, qui commence à avoir sa petite carrière dans le milieu du cinéma de genre surnaturel et de suspense (les sympathiques "Ne t'endors pas" et "Hush" sont disponibles sur Netflix eux aussi), va continuer à voir ses cotes de crédibilité et de popularité augmenter avec The Haunting of Hill House. Mon seul souhait cependant : qu'il ne s'attelle pas à une 2e saison ; ces dix épisodes se suffisent à eux-mêmes .