Un chef-d'oeuvre
Voilà un Drama comme je les aime ! De l'historique, du vrai, et où l'on ne se perd pas dans des embrouilles sentimentales. C'est un régal et c'est justement sur un pan de l'histoire coréenne qui...
le 10 mars 2021
3 j'aime
Finir cette série le jour où j'apprends la mort du réalisateur Kim Ki-Duk n'a sans doute rien entâché des sentiments puissants que cette œuvre de vingt-quatre épisodes à réveillé en moi. Mais outre l'affectif dont on se méfie tant par delà nos régions, il me semble appréciable de vous énumérer les raisons qui font de cette série un nouveau chef d'œuvre coréen.
Produit et réalisé par le talentueux Shin Kyungsoo qui nous avait déjà offert le bonheur de découvrir la naissance de l'écriture coréenne au travers du drama historique Tree With Deep Roots (뿌리깊은 나무) en 2011, Nokdu Flower (녹두꽃) nous entraine dans l'histoire coréenne de la fin du dix-neuvième siècle. La lente agonie de la dynastie Joseon pressée par ses voisins de lancer des réformes modernistes, voit éclore en 1894, le soulèvement du Donghak (동학). Revenant sur l'histoire de cette révolte, nous suivons une famille à l'heure de son plus grand chamboulement. Et c'est là que le talent d'écriture de Jeong Hyeon-Min fait d'un scénario qui aurait pu être banal, un chef-d'œuvre incroyable.
Car Nokdu Flowers est brillantissime à maint-égards. A commencer par l'écriture de ses personnages dont la profondeur et les choix les amènent à évoluer radicalement au gré des transformations que leur impose l'Histoire. Ils échappent si bien au manichéisme facile auquel le sujet politique de ce soulèvement aurait pu les contraindre, que je n'ai pu m'empêcher de croire que le scénario était issu d'un roman historique dont l'écriture aurait laissé le temps à la création d'une profondeur si poussée. Hors, il semblerait simplement que le talent de Jeong Hyeon-Min combinée à l'art de Shin Kyungsoo soit capable de faire naître des personnages forts et vrais. A l'instar du scénario qui réussi à transmettre avec véracité les réalités d'une époque.
Et c'est le deuxième point qui en fait, à mon sens, une œuvre immanquable de tout passionné d'histoire coréenne ou curieux de la découvrir. Le réalisme historique que Shin Kyungsoo dépeint est impressionnant. Les interactions entre les personnages en fonction de leurs classes sociales, les décors attestant d'un réel appui documentaire, les quêtes individuelles des personnages... Tout ces détails contribuent au réalisme de la série. En exemple, la séparation des sexes selon les principes confucéens, amenés avec subtilité en filmant simplement une scène de repas quotidienne dans laquelle les hommes mangent sur une table surélevé tandis que les femmes mangent sur une table basse. Le vœu d'un des révoltés, anciennement bouché, dont le nom signifie "chien" et qui n'espère qu'une chose, donner transmettre des noms dignes et humains à ses enfants. Le plafond de verre - devrait on dire de diamant tant sa dureté empêchait tout éclatement - que l'un des protagonistes principaux rencontre malgré sa richesse et qui l'empêche d'accéder à des postes de pouvoir, d'épouser la femme qu'il aime, de pouvoir assouvir les ambitions de son père. Ainsi c'est toutes les réalités sociales de la fin de l'ère Joseon qui sont dépeinte.
Mais outre ce réalisme historique qui n'échappe pas à un romantisme nécessaire au plaisir de la lecture, ce qui m'a le plus frappée c'est l'omniprésence du peuple. Les fresques historiques aiment à dépeindre les puissants dont les choix marquent l'histoire. Et la Corée offre plus à loisir des drama royaux dans lesquels le peuple n'est qu'un décors de fond. Hors, voilà les fleurs de Nokdu qui germent et occupent l'écran sans demander la politesse ni au roi ni au yangban. Si ben que nous suivons le peuple avec toute sa structure complexe pendant plus d'une dizaine d'épisode avant que des gens de haute lignée n'apparaissent. Et diantre, que ça fait du bien !
Et que dire du décors. Le précieux Jeolla, pays natale du réalisateur, apparait. Terre de la paysannerie coréenne où la corruption et les sévices des castes supérieurs étaient plus marquée qu'ailleurs, la région du sud-ouest a souvent été le terrain des soulèvements paysans. Les épurations dont l'histoire contemporaine a gardé la mémoire sanglante (Gwangju 1980, Jeju-do 1948) ne sont que les plus récentes cicatrices de cette terre aux jacqueries systématiquement réprimées. Laissé de côté par les administrations sud-coréennes au profit du développement économique du Gyeongsang du Sud (région de Busan), la région qui s'en ai fait rival, reste encore aujourd'hui assez pauvre et populaire. Ainsi, même leur accent provinciale qui chantent dans les paroles des personnages se joue des spectateurs et de leur propre apriori. Les personnages à l'accent si comique et aux airs de lourdauds paysans, nous nous y attachons avec ce sentiment si fort qu'aussitôt s'est-on découvert passionné par leurs intrigues que déjà leurs choix nous entraîne dans de nouveaux dilemmes.
Sur le plan photographique, la caméra est bonne et utilisée avec la perfection que l'audiovisuel coréen sait produire. Les derniers épisodes, sont particulièrement marquant alors que la réalisation use de technique visuelle et sonore pour nous sortir simplement de la pellicule classique télévisuelle. Et ces traits artistiques ne sont jamais utilisés pour la beauté du geste mais à des fins précises qui appuie le scénario.
La dualité fraternelle que l'on retrouve en suivant les personnages principaux n'échappe pas au rappel de la nation déchirée. Avant même la dissolution de la royauté, le destin des deux Corées semble déjà se jouer. Pourtant, la série nous extrait du dualisme facile qui tendrait à positionner l'un des frères dans un camps et l'autre dans celui opposé. Au contraire, les personnages évoluent, et ce sont leurs choix qui, jusqu'au dernier instant, définie leur positionnement. Loin de l'image passive et embrigadée des militants, les personnages sont indéniablement libres et ce, où que les poussent leurs dilemmes. L'atmosphère de guerre civile que porte la série est aussi empli de clins d'œil à l'attention du voisin nordique. C'est une œuvre qui, appartenant à son temps, porte les propos de réconciliation que porte le gouvernement actuel de Moon Jae-In.
Ainsi Nokdu Flower est une œuvre immanquable pour qui veut comprendre l'histoire coréenne, plonger dans les réalités de la population de Joseon et profiter d'un instant agréable en visionnant une belle fiction historique.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 13 déc. 2020
Critique lue 3.5K fois
2 j'aime
D'autres avis sur The Nokdu Flower
Voilà un Drama comme je les aime ! De l'historique, du vrai, et où l'on ne se perd pas dans des embrouilles sentimentales. C'est un régal et c'est justement sur un pan de l'histoire coréenne qui...
le 10 mars 2021
3 j'aime
“Ne te laisse pas aveugler par les lumières de la civilisation. Ce sont les hommes qui ont créé les civilisations, et ce sont également eux qui changeront le monde.” The Nokdu Flower, c'est un drama...
le 18 févr. 2022
2 j'aime
Finir cette série le jour où j'apprends la mort du réalisateur Kim Ki-Duk n'a sans doute rien entâché des sentiments puissants que cette œuvre de vingt-quatre épisodes à réveillé en moi. Mais outre...
Par
le 13 déc. 2020
2 j'aime
Du même critique
Bad Guys est une série entrainant très bien réalisé qui met en scène quatre "chiens fous" engagés par la police pour résoudre des affaires que les enquêteurs peinent à dénouer dans le cadre de la...
Par
le 28 nov. 2016
4 j'aime
Après avoir laissé plusieurs jours passés, il importait de revenir coucher par écrit quelques mots concernant ce film. "Press" est ce genre de récit qui attrape le spectateur pour le plonger dans la...
Par
le 31 oct. 2016
4 j'aime
1
Counters est un documentaire impertinent et survoleté qui plonge au coeur des mouvements radicaux au Japon. Décalé et drôle, ce documentaire apporte une approche qui plonge directement dans le...
Par
le 3 nov. 2018
3 j'aime