C'est un superbe cadeau de Noël que nous a offert Netflix cette année. Dès le pilote, on sentait qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire, de grandiose dans cette série.
La série commence par des images volées. Une jeune femme enjambe la rambarde d'un pont et saute dans le vide.
Cette jeune femme sera reconnue par ses parents adoptifs. Il s'agit de Prairie Johnson, qui a disparu depuis sept ans maintenant.
Mais les mystères vont s'accumuler très vite autour de la jeune femme. Elle ne reconnaît pas son prénom, elle refuse d'être touchée, elle tient des propos incohérents (prétendant s'appeler l'AO et être « morte un nombre incalculable de fois ») et surtout, elle n'est plus aveugle. Ce sont toutes ces questions qui vont d'un coup happer littéralement le spectateur.
Ça, et une réalisation qui se fait sensible. Au lieu de nous dire que Prairie était aveugle, le réalisateur va nous le faire sentir. Des mains qui frôlent les objets, des pieds qui s'enfoncent dans un tapis, le vent dans les cheveux, on se met immédiatement au diapason d'une femme qui vit avec d'autres sensations que la seule vue.
Et, déjà, un paradoxe se fait jour. Là où, d'habitude, on dit des aveugles qu'ils sont enfermés dans leur obscurité, Prairie parle de sa cécité comme d'une libération. Alors que les voyants font tellement confiance à ce qu'ils voient qu'ils sont victimes des illusions et croient que ce que l'on voit est forcément la seule vérité, Prairie, par sa qualité d'aveugle, a compris que le monde réel n'est pas le seul, qu'il n'est qu'un mince vernis cachant tant d'autres choses...
Vont ainsi s'inscrire dans la narration de la série deux thèmes essentiels qui seront développés tout au long des huit épisodes.
D'abord, la notion de frontière. Les personnages de la série sont tous en équilibre précaire sur une frontière. Un équilibre entre deux mondes, entre deux attitudes, entre deux vies possibles. Michelle, la jeune ado qui veut devenir un garçon. Steven, qui s'enfonce dans la violence et la petite délinquance mais parvient à peine à cacher une sensibilité à fleur de peau.
La série va littéralement concrétiser cette notion de frontière par le décor lui-même. La série se déroule dans une banlieue à demi construite, à la frontière entre la ville et la campagne, entre la civilisation et la sauvagerie.
Entre la vie et la mort.
L'autre thème essentiel,peut-être le plus important, et celui de l'emprisonnement. Le récit va multiplier les figures d'enfermement : emprisonnement dans un système scolaire qui est fait pour exclure les plus faibles, enfermement dans un corps que la maladie détruit inexorablement, enfermement dans des familles qui empêchent les personnages de développer pleinement leur potentiel enfermement dans un rôle, enfermement dans une réalité trop étroite.
« La captivité c'est un état d'esprit. Tu la portes en toi ». The OA, c'est finalement, en plus de tout le reste, une série sur la liberté. Une liberté qui vient souvent, paradoxalement, par un repli sur soi. Une liberté à trouver en soi-même. Ainsi Prairie aveugle est beaucoup plus libre que les voyants, par exemple.
Bien sûr, la série n'est pas totalement exempte de défauts. La représentation de l'au-delà est très kitsch et surtout, les réponses apportées aux questions réduisent un peu le côté poétique de l'ensemble. Le mystère était extraordinaire, il avait tout à gagner à rester le plus mystérieux possible. Les réponses le rabaissent un peu.
Mais qu'importe. Toutes les objections sont balayées dans un final éblouissant.
Vraiment, Netflix a livré un superbe cadeau de Noël, une série extraordinaire, sortant complètement des sentiers battus, intelligente, sensible, émouvante, mystérieuse, passionnante.