Un soir, le bonheur marital apparent de Nathan est sur le point de voler en éclats. Sur le pas de sa porte, sous une pluie diluvienne, se trouve Bob, un homme qu'il n'a pas revu depuis dix ans et dont il espérait ne plus jamais croiser la route. Celui-ci lui annonce une nouvelle inquiétante à propos d'une femme disparue à cette époque. Une disparition à laquelle les deux hommes ne sont pas étrangers. De plus, cette femme avait une sœur, Holly. Holly à laquelle Nathan est marié depuis sept ans...
Tirée du roman "L'Homme qui rêvait d'enterrer son passé" que son auteur Neil Cross porte lui-même à l'écran en en signant le scénario, cette minisérie anglaise en quatre épisodes tire forcément son épingle du jeu par son pitch alléchant en forme de whodunit inversé. En effet, ici, si les coupables sont directement pointés du doigt pour les voir ensuite se débattre avec le retour de flammes de leurs agissements passés, la teneur et les motivations de leur acte vont quant à elles rester opaques durant un bon moment.
En s'articulant autour de trois temporalités décisives (le crime, la rencontre amoureuse entre Nathan et Holly, le présent), "The Sister" va bien sûr majoritairement s'inscrire dans une mécanique familière de ce type de mini-thriller british pour privilégier le suspense et les twists, l'offre en ce domaine sera d'ailleurs très efficace avec de savoureux moments de tension et une résolution plutôt originale (le pourquoi du comment a le mérite de faire son petit effet par son excentricité notamment), mais, peut-être plus que tout, la série va briller par la sincérité d'un personnage principal ne sachant plus comment se défaire du poids de sa culpabilité.
En optant pour une ambiance à la lisière d'un surnaturel qui menace en permanence de s'amplifier, la bien-nommée "The Sister" fait de cette disparue une ombre qui plane sans cesse autour de Nathan pour lui rappeler sa faute. Le châtiment qu'il a lui-même choisi de s'infliger en se rapprochant de sa sœur Holly peut paraître aussi naïf que malsain sur l'instant mais force est de constater qu'il s'est mué en un amour authentique, un amour qui, aujourd'hui, est mis en danger par le retour de son ancien complice. La série va ainsi sans doute délivrer ses plus beaux instants lorsqu'elle se concentre sur la construction de ce couple né sur le plus terrible des non-dits et, mieux encore, quand elle les met en parallèle du chaos du présent, où la quête désespérée de Nathan pour maintenir les apparences à tout prix se fracasse à la violence de cette culpabilité trop longtemps enfouie.
Avec ce portrait d'un homme pris au propre piège de ses remords, le décidément très doué Russell Tovey ("Years & Years") livre une prestation incroyablement touchante, créant une empathie instantanée envers un héros pourtant délicat à appréhender, à la fois empli de détresse et détermination pour éviter que l'engrenage dont il est captif ne fasse encore plus de dommages (même les traits physiques innocents et sans âge de l'acteur sont une précieuse plus-value en ce sens). Les autres personnages/interprètes sont sur la même ligne qualitative : Holly (Amrita Acharia) est particulièrement bouleversante dans ce rôle de soeur survivante qui, sans le savoir, s'est difficilement reconstruite sur les bases d'un mensonge, Bob (Bertie Carvel) est un électron libre toujours intrigant, entouré d'une aura de mystère par sa seule obsession, et celui de Jacki (Nina Toussaint-White), qui se fixe à l'intrigue en cours de route, aura évidemment un rôle capital à jouer dans la montée en puissance des événements.
Enfin, "The Sister" est également pourvue d'une esthétique travaillée, donnant du cachet à la frontière trouble entre rationalité/fantastique de l'ensemble et qui, habilement, détermine le rendu visuel de chaque période traitée pour ne pas perdre le spectateur dans les méandres de ses flashbacks.
En définitive, même si elle ne cherche pas à révolutionner certains codes inhérents à ce genre de minisérie/thriller éphémère, "The Sister" n'en demeure pas moins une représentante réussie en sa catégorie, consciente du meilleur que son intrigue à offrir, de l'atmosphère trouble qui peut en découler et des failles de ses excellents personnages sur lesquelles s'appuyer. En tirant profit de ses atouts les plus convaincants sur ce court format de quatre épisodes, "The Sister" fait figure de petite surprise aussi addictive qu'efficace. À découvrir !