Nice hook, Marty

Alors que je venais de me prendre ma première claque de novice des séries avec Breaking Bad, un gars sûr m'a conseillé de jeter un oeil à True Detective. Dès les premières secondes du générique, l'esthétique m'a totalement happée; une chanson de bluegrass dépressif, une atmosphère à la fois poisseuse et vaporeuse, des symboles mystico-glauques-trash, tout ça dans ma tronche en moins de deux minutes. C'était la première fois que je voyais un tel rendu cinématographique des codes du southern gothic, ce genre littéraire bien spécifique mêlant le sinistre, l'onirique et le chelou dans le sud profond des Etats Unis.
Avant la fin du premier épisode, j'étais amoureuse du personnage de Rust Cohle. A l'époque, j'ignorais tout de la filmographie de McConaughey, et j'ai eu du mal à imaginer qu'il ait pu un jour incarner un autre rôle que celui de ce champion de punchlines nihilistes aux pommettes saillantes. Aujourd'hui encore, je pense que ça reste et restera son meilleur rôle. Ce personnage sombrissime, mutique et mystérieux était à deux doigts de la caricature, mais McConaughey l'incarne avec une finesse qui en fait l'un meilleurs character development que j'ai pu observer au cinéma, films et séries confondus. En quelques scènes, tu sais que tu as affaire au pire à une source infinie de memes internet, au mieux à un personnage de légende. La transformation du personnage d'une époque à l'autre est de haut niveau; gros choc lorsque je capte enfin que le beau ténébreux de l'enquête et le poivrot moustachu qui s'enfile des canettes Lone Stars au commissariat sont la même personne. Woody Harrelson est également excellent, mais c'est pour moi la légende Rust Cohle qui fait de cette première saison bien plus qu'un bon polar. La mise en scène y est également pour beaucoup (le fameux plan séquence de l'épisode 4 !), le choix de BO est impeccable, et j'aurai presque honte d'avouer le nombre de screenshots pris au cours du visionnage de la série tant j'en ai apprécié la photographie. Finalement, ce n'est pas tant l'intrigue policière en elle-même qui happe mais les tribulations existentielles des personnages, tous deux écorchés à leur manière, dans cette amérique moite, consanguine, post-industrielle et hantée par les délires religieux des prêcheurs d'autrefois.

Plutôt que de poursuivre par le visionnage de la saison 2, anecdotique en comparaison, je conseille l'écoute prolongée de la BO, la lecture du Galveston de Nick Pizzolato ainsi que d'une petite sélection southern gothic à base de Flannery O'Connor et de Faulkner. La série Carnivale, (malheureusement annulée au bout de deux saisons) peut également valoir le coup d'oeil.