Intrigue confuse et personnages fades.
Par Louise Riousse
Entre un suspens quasi-inexistant, des intrigues emberlificotées et un jeu d’acteurs souvent proche de la caricature, on a tôt fait de décrocher de cette fresque historique pour le moins empesée.
Adapté d’un roman d’Alexander Rose (Washington’s spies : the story of America’s first spy ring), Turn retrace les débuts du Culper’s ring, un cercle d’espions désireux de s’affranchir de l’autorité de la couronne britannique, mené par le général Washington. Pour lui prêter main forte, Abraham Woodhull (Jamie Bell), un fermier de la petite colonie de Setauket, fils du magistrat loyaliste local et Benjamin Tallmadge (Seth Numrich) son ami d’enfance devenu soldat pour le compte des patriotes. Dans le camp des opposants, colonels et soldats britanniques au premier chef desquels Simcoe, un capitaine tordu prêt à en découdre.
C’est en juillet 1776, alors que les Etats-Unis ont proclamé leur indépendance quelques jours plus tôt, que l’on découvre Abe Woodhull, un jeune père de famille qui s’apprête à devenir l’un des espions les plus recherchés de la côte est. L’ambition louable de réaliser une série sur la révolution américaine aboutit malheureusement à une tentative mitigée. Turn se résume bien trop souvent à la description des états d’âme d’un agent double rongé par la culpabilité de trahir sa famille : son père, juge loyaliste profondément lié aux puissances britanniques, et sa femme, qu’il trompe avec Anna Strong, elle aussi patriote, amour de jeunesse qu’Abe n’a jamais pu épouser. Si ces deux intrigues se font écho de façon un peu balourde, elles tendent surtout à éclipser le reste, un récit épique qui demeure à l’état d’esquisse. La confusion règne dans les deux camps, engagés l’un comme l’autre dans des batailles apparemment circonscrites à de petites bourgades et dont personne ne mesure en fait l’importance.
Si elle avait été une série réussie, Turn serait parvenue à montrer l’Histoire en train d’advenir. La mise en scène semblait s’être donné cette ambition, elle qui montre des soldats égarés entre les archipels et les sous-bois de la côte Est, des hommes qui livrent bataille pour un royaume en perdition et d’autres pour un empire encore inexistant. C’est à l’édification d’un territoire et d’une nation que les patriotes aspirent, mais sans vraiment le savoir, perdus qu’ils sont dans des espaces illisibles (terres, mers, parchemins codés). La première rencontre entre Washington et Tallmadge expédiée au fond d’un sous-bois poursuit le même but, cette recherche du « petit fait vrai », loin d’une histoire romanesque et clinquante. Mais la confusion règne et gagne peu à peu l’esprit du spectateur, bringuebalé d’intrigue en intrigue, témoin des complots ourdis par les deux camps sans jamais pouvoir entrer au cœur d’aucun d’eux. Imperméable aux faits, le spectateur l’est aussi face à des personnages devenus des fantoches, Simcoe, Hewlett et Mrs Woodhull en tête… Interprétés à gros traits par des acteurs engoncés dans d’absurdes déguisements, ils desservent un propos qui s’étiole à mesure que les épisodes se succèdent. Abe Woodhull quant à lui, ne sera même pas parvenu à nous rallier à sa cause, lui qui lui sacrifie pourtant tout.