Vendue comme une innovation majeure par France TV, la mini-série VORTEX, dont le concept est dû à Franck Thilliez (un grand nom du thriller français), emmène la fiction française sur le terrain glissant mais si excitant du voyage temporel et de ses paradoxes.
Ici, pas d’allers-retours intempestifs comme dans le cultissime RETOUR VERS LE FUTUR, mais une “fenêtre” entre 1998 et 2025. Ainsi, un couple séparé par le meurtre de l’épouse (Mélanie) va tenter de modifier le cours du temps, et d’empêcher sa mort. L’enquête est menée en parallèle dans les deux époques, l’époux de la victime étant flic lui-même (Ludovic).
Injecter un peu de SF pour pimenter et dynamiser le polar traditionnel ? Pourquoi pas. Sauf que passée cette idée de base, tout ici est raté, à commencer par le principe même de cette histoire. Quand Mélanie modifie le passé en 1998 avant sa mort, les répercussions sont instantanées pour Ludovic en 2025. Certes.
Mais le problème c’est que la série suit leurs DEUX points de vue. Or, une fois le passé modifié, 2025 est automatiquement corrigé, et le Ludovic de 2025 également. Il ignore donc tout du VORTEX..
Cette histoire aurait pu être racontée seulement du point de vue de Mélanie qui se bat dans le passé pour assurer son futur. Mais ici, on nous vend une histoire d’amour impossible entre deux époques. Deux amants séparés par 27 ans de deuil, qui ne peuvent que se voir et se parler, sans se toucher, à travers des lunettes de réalité virtuelle.
Admettons qu’on accepte cette grosse aberration, pour se laisser emporter par la série… et l’enquête pour découvrir qui a tué Mélanie. Et bien, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Les rebondissements policiers sont ridicules, et les faux suspects ne sont pas crédibles une seconde.
Nos deux héros font preuve d’égoïsme et d’immaturité pendant 6x52 minutes ! Les personnages secondaires sont creux, et n’ont droit qu’à servir de cobayes pour les deux apprentis sorciers temporels. Quant au “tueur”, sans rien révéler à celles et ceux qui auraient le courage de voir la série en entier, son personnage et sa trajectoire sont d’un ridicule affligeant. De plus, sur le plan moral, le couple principal n’hésite pas à sacrifier leur entourage, quand ils ne font pas de caprices puérils parce que les effets collatéraux sont trop “durs” à supporter.
Côté scénario, c’est donc totalement raté. On assiste à une sorte de longue liste de tout ce qu’il faut éviter en fiction en 2023.
La réalisation, alternant des choix douteux à une platitude extrême (on ne sent aucune différence entre les époques), se révèle incapable d’insuffler un rythme et une tension suffisants pour faire accepter les lourdeurs et la bêtise du scénario.
On ne s’attardera pas sur les choix concernant la touche “SF” de la série… La salle de VR de la police en 2025, et ses “lunettes” semblent tout droit sorties d’un court-métrage de collégiens. (problème de budget sans doute ?)
La musique, pourtant signée par l’excellente Audrey Ismaël, est sous utilisée sans raison. D’ailleurs, une telle série se serait prêtée parfaitement au jeu des chansons iconiques de chaque époque pour marquer l’ambiance 1998 versus 2025, et incarner la nostalgie du héros. Visiblement, le top 50 était trop cher.
Enfin, l’interprétation finit d’achever cette tentative de thriller temporel. La palme revient à Tomer “Balthazar” Sisley, qui se révèle incapable de changer de registre depuis que TF1 en a fait un légiste star. Les séquences où il pleure valent le détour ! Quant à son épouse, incarnée par Camille Claris, elle n’a aucune crédibilité. Censée être une juge respectée, elle ressemble plutôt à une lycéenne immature. Le reste de la distribution fait de son mieux pour se dépêtrer de scènes et de dialogues parfois grotesques.
Pour conclure, on peut se demander ce qu’aurait pu être cette série si Thilliez avait été disponible pour l’écrire. Les deux autrices avouent elles-mêmes avoir eu du mal avec les alternances temporelles, d’autant que la SF n’est visiblement pas vraiment leur culture. Le résultat : un gâchis bancal, dont les audiences ont été sauvées par un matraquage publicitaire et la présence de Tomer “Balthazar” Sisley au générique…
Alors croisons les doigts pour que cet essai ne décourage pas France TV de tenter de se renouveler.