Une insulte à l'oeuvre originale...

J’ai entendu une blague un jour : un scénariste va chez le toubib, dit qu’il n'a plus l'inspiration, que les fans sont durs et exigeants. Il dit qu’il se sent tout seul dans un monde menaçant. Le toubib dit : « le remède est simple, la série Watchmen passe à la télé. Regardez la, ça vous inspirera. » L’homme éclate en sanglots : « mais docteur, qu’il dit, je suis le scénariste. » Bonne blague, tout le monde rigole, roulements de tambour, rideau.

Watchmen, la série, est un pure produit marketing, tant elle n'a rien à voir avec le comics, si ce n'est qu'elle se veut la suite de celui-ci et non pas du film (La nature de la menace n'est pas la même entre le comics et le film). La série renie le comics et le réadapte pour les besoins d'un scénario bancal qui ne tient pas la route sur la longueur...

Pour introduire cet critique je me permets de mettre ici un extrait d'une interview d'Alan Moore au sujet de la série :

Quand j'ai vu les récompenses que l'industrie de la télévision avaient accordé à Watchmen, je me suis dit : Oh, mon Dieu, peut-être qu'une grande partie du public pense maintenant que c'est ça Watchmen ?! Ils pensent peut-être que ma BD était une franchise de super-héros sombre, granuleuse et dystopique qui avait quelque chose à voir avec le suprémacisme blanc [...] Mais est-ce qu'ils n'ont rien compris à Watchmen en fait ? J'ai fait ça il y a près de 40 ans et c'était pourtant relativement simple par rapport à beaucoup de mes travaux ultérieurs. Quelles sont les chances qu'ils aient compris quoi que ce soit depuis ?

Watchmen va donc puiser de ça de là des éléments pour tenter de se donner une légitimité et se raccrocher au comics : des références à d'anciens personnages, des come-back d'autres et des clins d'oeil, le fan-service est donc là pour persuader le chaland amoureux de l’œuvre originale qu'il est face à une véritable suite.

Le scénario nous projette de nos jours dans une Amérique uchronique mais relativement proche de notre réalité, tout du moins dans ses problématiques raciales : les Showrunners ont décidé que l'histoire se focaliserait sur le racisme entre suprémacistes blancs et communauté afro-américaine... L'intrigue prend place dans l'Oklahoma à Tulsa et non plus à New York (qui était un personnage à part entière de par son esthétique et ses couleurs). Noble intention de vouloir dénoncer le racisme mais cela n'a plus grand chose à voir avec l'esprit du comics même si celui-ci se voulait une critique de son époque et relativement politique, ici la série fait une fixation sur le problème racial, au point qu'elle pourrait aisément ne pas s'appeler Watchmen. Cette thématique aurait pu être intéressante mais elle l'aborde de manière relativement maladroite et peu subtile, au point de tomber elle même dans des clichés raciste, un comble !!!

Pour séduire Angela, l'héroïne afro-américaine de la série, le Dr Manhattan n'a d'autre choix que de devenir un afro-américain car elle n'est pas capable d'être attirée par quelqu'un qui n'est pas black.... Totalement dingue mais véridique. D'ailleurs au passage, le Dr Manhattan fuit l'Allemagne nazi car il est juif, il ne quitte plus la terre... Son background est totalement changé et dénaturé, ce n'est plus le même personnage.

Cette fixation sur ce problème racial finit par être redondant et la série n'arrive presque jamais à s'en détacher, laissant de côté tous les autres aspects de l’œuvre originale, allant même jusqu'à la remettre en cause sur des points indiscutables... Sacrilège. Mais de nos jours quand il s'agit de dénaturer une oeuvre existante, les showrunners et autres scénaristes ne reculent plus devant rien pour satisfaire leurs lubies :

Le Dr Manhattan est immortel et invincible dans le comics, mais là dans la série il se fait stopper par 3 suprémacistes et la moitié d'un, équipés d'un canon. Ridicule et absurde

Ozymandias, l'homme le plus intelligent du monde, se fait rouler dessus par à peu près tout le monde dans la série... (même par une simple femme de ménage) Totalement absurde encore une fois.

Le scénario tente également de reprendre par moment la structure narrative du comics notamment en ce qui concerne le Dr Manhattan et ses allés et retours à différentes époques, le tout saupoudré de discours pseudo philosophique, malheureusement cette narration tout comme le discours de ce bon vieux Docteur ne sont pas maitrisés et en deviennent eux aussi pompeux et ridicules.

On en arrive à un autre problème : l'écriture des personnages qui oscille entre le correct et le n'importe quoi, décrédibilisant des personnages clés (encore le Dr Manhattan)... Souvent ces derniers trainent avec eux un passé complexe et mystérieux, ou ne veulent pas révéler ce qu'ils savent, complexifiant inutilement une intrigue, le récit en devient par moment confus et décousu.

Par exemple quand Le Dr Manhattan "tombe amoureux" de l'héroïne rien ne marche, on y crois pas un seul instant, ça ne fonctionne pas et encore une fois ça remet en cause le comics.

Mais ce n'est peut être pas seulement la faute à l'écriture car le casting est médiocre à quelques exceptions près : Regina King peine à convaincre tout comme Yahya Abdul-Mateen, étant tout deux au centre de l'intrigue, cela n'aide pas trop. D'autres, des seconds rôles ne s'en sortent guère mieux, à l'image de Jean Smart en pilote automatique qui ne semble pas comprendre son personnage tout comme Jeremy Irons qui a du mal avec le sien. Tous ces acteurs ne connaissent visiblement pas du tout le background du comics.

Seule lumière dans ce néant : la réalisation, correcte, voir par moment capable de fulgurances sur des épisodes entiers (le 6 par exemple), parvenant à donner, par moment, un peu d'intérêt.

Malgré tout on ne retrouve pas l'identité visuelle du comics (point fort du film), notamment en ce qui concerne la photographie. Alors certes me direz vous, par moment visuellement c'est beau, mais ce n'est pas Watchmen.

Enfin la musique mélange electro, musique classique, rock etc. Un mix qui ne prend pas vraiment car régulièrement les morceaux ne semblent pas adaptés aux scènes ou sont en décalages avec, même si de temps en temps on a le droit à quelques bons assemblages visuels et sonore, c'est notamment le cas quand la série ne tente pas de copier le film sur cet aspect là.

Watchmen est une série prétentieuse et maladroite qui plus est mal écrite, reniant ses origines. Elle tente d'imiter mais sans jamais parvenir ne serait-ce qu'un peu a se rapprocher du model d'origine. Elle aurait pu s'appeler autrement vu qu'elle ne fait presque que traiter du racisme aux USA, l'abordant de manière simpliste et caricaturale. L'ensemble est servi par un casting très inégal, heureusement la réalisation vient quelque peu sauver ce qu'il reste. Préservez-vous de cet ersatz et contentez-vous de (re)lire le comics voir du film très fidèle à ce dernier.