Brushing, pantalon à pinces, rousse en tailleur, paranoïa, extra-terrestre, monstres, ésotérisme et complots... tel est le programme de "X-files", série emblématique des années 90.
À une époque où le film fantastique en général n'était plus vraiment au goût du jour, le show de Chris Carter est arrivé avec un concept aussi simple que riche en possibilité pour reprendre le flambeau.
Dana Scully et Fox Mulder sont dans un service "placard" du FBI, celui des affaires non classés (que l'on classe justement à la lettre "X" puisque peu de "vrais" dossiers commencent par cette lettre. D'où le titre de la série) où il s'occupent de dossiers auxquels personne ne s'intéresse... officiellement en tout cas. Ces affaires ont toutes un lien avec l'étrange, le paranormal.
La grande force du show de Chris Carter est de puiser dans le folklore connu des films de la Hammer mais également d'embrasser toutes les légendes possibles et même d'en créer des originales.
Que ça soit le Golem Yiddish, le traditionnel vampire européen, l'ordinateur fou américain ou le chupacabra mexicain; chaque épisode est une sorte de mini film fantastique/horreur/science-fiction. Les scénarios sont riches et la réalisation s'adapte toujours à son sujet, empruntant tantôt à la peur suggestive, tantôt à la violence démonstrative.
L'image est elle aussi parfaitement soignée avec des jeux de lumières travaillés, des ambiances immédiatement efficaces, des effets spéciaux solides et des maquillages de qualité. Certains épisodes ont un peu moins bien vieillis que d'autres mais l'ensemble fait bien moins cheap que de nombreuses autres séries, le travail cohérent sur la direction artistique y est sans doute pour beaucoup.
Si le ton est généralement froid et sérieux la série s'autorise aussi des pauses comiques voire absurde avec le même talent.
Évidemment certain ne manqueront pas de remarquer que Mulder connait systématiquement chaque légende sur le bout des doigts. Mais le personnage étant présenté d'emblée comme très intelligent et surtout incroyablement persévérant et obsessionnel ça ne gêne pas vraiment.
Si Mulder voit le paranormal à tous les coins de rue Scully est une cartésienne sceptique et apporte un regard plus distancé, plus scientifique (On sait qu'elle a un diplôme de médecine légale et un autre de physique). Un antagonisme mais surtout une complémentarité qui est l'un des moteur principal de la série.
La série s'appuie aussi sur un arc narratif plus global qui traverse les neuf saisons, généralement appelé "mythologie". Cette mythologie s'articule autour de l'obsession première de Mulder : l'enlèvement de sa soeur par des Extra-terrestre (acte fondateur de ses convictions puisqu'il en a été témoin étant jeune) et le complot international qui semble se cacher derrière. En modernisant la paranoïa typique des films de SF des années 50 la série puise la force nécessaire pour transformer son audience la plus fidèle en véritable fanatiques. Cet arc narratif puissant et riche en chausse-trappe est aussi malheureusement ce qui deviendra la faiblesse du show sur la longueur.
La cassure se produit à la fin de la saison 5, l'épisode final s'appelle d'ailleurs "la fin" et apporte un rebondissement majeur. Loin d'apporter toutes les réponses cet épisode marque néanmoins la fin d'un cycle et aurait pu faire office de fin de série. Ca aurait été une fin frustrante mais finalement logique et pas complètement déplacée.
Mais nous sommes en 1998 et la série est un véritable phénomène de société (imaginez un peu l'importance du truc : je regardais même M6 à l'époque rien que pour ça !) et Chris Carter veut passer à la vitesse supérieur pour ne pas perdre le vent arrière qui pousse son navire.
"X-Files" arrive donc au Cinéma avec un long métrage chargé de faire le lien avec la future saison 6 et à partir de ce moment la mythologie commence à multiplier les fausses bonnes idées (un échange de point de vue entre les deux héros un poil lourdingue, une orientation mystique pas super maitrisée ) pour se trainer vers un final vraiment décevant. La série débute tellement fort, le mystère est tellement opaque et bien entretenu que son dénouement bancal tombe forcément à plat.
Si les 4 dernières saisons perdent petit à petit en puissance et en intérêt la série continue néanmoins de proposer des épisodes "indépendants" (et même certains appartenant à la mythologie) d'excellente qualité et qui valent largement le détour mais l'ossature se fait plus fragile. On perd alors une partie de l'intérêt pour les personnages et donc pour la série.
Malgré ce dérapage en fin de course les "X-files" reste une série marquante et indispensable, jalonnée d'épisodes inoubliables : Le Diptyque "Tooms", "Le shérif a les dents longues", "Projet arctique" (un hommage réussi à "The Thing"), "Lundi", "Promethée post-moderne", "Triangle", "Tungunska", "Anasazi", et tant d'autres...
Ce sont également des personnages secondaires mythique tel qu'Alex Krycek, l'Homme à la Cigarette, Gorge profonde, Mr X, les lone gunners (qui ont eu droit à leur série spin-off), Walter Skinner, etc...
Sans oublier l'angoissant générique porté par la géniale mélodie de Mark Snow qui est depuis devenue à elle seule la métaphore auditive de l'étrange.
Raccourcie de 2 (voir 3) bonnes saisons et avec un final plus maitrisé les "X-files" serait devenue une série grandiose, en l'état c'est "juste" l'une des meilleures séries jamais crées.