Les meilleures BD de 2017 selon Marius Jouanny

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C'est simple : en mettant en scène son travail de recherche, en reprenant des témoignages d'acteurs méconnus de la Commune et surtout en juxtaposant ces centaines de gravures d'époque en guise de narration (le travail est titanesque !) Raphaël Meyssan révolutionne la manière de traiter un événement historique en BD. Et propose au passage des moments de vie authentiques qui deviennent grâce à cette mise en image inédite très émouvants. Le deuxième tome sort ce mois-ci, quand le troisième de cette trilogie sortira il faudra que je m'épanche plus sur cette proposition dont la radicalité et l'exigence n'ont rien à envier à Peter Watkins concernant le cinéma

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Il est de ces récits tellement vertigineux sur le plan de la réflexion et de l'émotion qu'on voudrait longuement écrire dessus sans toutefois y parvenir (justement à cause de cette sensation de vertige). « Ces jours qui disparaissent » en fait clairement parti. Passé le manque de personnalité des dessins et le caractère éculé de certains procédés narratifs qui puisent largement leur inspiration dans le manga, ce récit-fleuve d'un homme dont une autre personnalité que la sienne prend le contrôle de son corps un jour sur deux est bouleversant. Il prend de l'ampleur au fil des pages et propose finalement un drame déchirant sur le temps qui s'écoule et qui nous échappe, sur la pureté originelle de notre vie sociale que l'on voudrait à tout prix préserver. La perception du personnage principal finit par fusionner avec celle du lecteur dans un enchaînement narratif d'une fluidité affolante et addictive. Rarement l'idéal platonicien sur l'immortalité de l'âme n'aura été aussi bien mis en récit. Même si le projet narratif repose sur des postulats peu engageants, il parvient donc à les transcender pour une montée en puissance dramatique remarquable.

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C'est un plaisir immense de retrouver Christophe Blain pour l'un de ses deux séries de BD avec "Isaac le pirate" qu'il a délaissé depuis trop longtemps. La mise en scène est toujours aussi virtuose et bluffante, pour un récit réjouissant qui ménage ses rebondissements. Du grand art, comme d'habitude, l'auteur s'approprie le western avec génie, et dessine des personnages forts et reconnaissables jusque dans leur physique : une démarche finalement assez anachronique qui n'est pas sans rappeler un certain Hergé. Mais un Hergé qui aurait troqué sa ligne claire parfois trop froide pour un univers impresionniste éclatant de couleurs,et de formes en mouvement.

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C'est fascinant comment Jérémie Moreau désamorce le registre épique qu'il prépare et promet tout au long de l'album. Annonçant à son personnage principal orphelin un destin exceptionnel dans l'Islande occupée par les Danois au XVIIIème siècle (où règne l'arbitraire de ce joug étranger et celui des catastrophes volcaniques). Mais c'est pour mieux sonder sa colère intime, et comment il parvient à la sublimer d'une manière pour le moins inattendue. Dense et somptueux avec ses décors de montagnes et ses images de lave en fusion, Moreau est généreux tout en étant toujours juste dans sa mise en scène des émotions. Il ne l'a pas volé, son fauve d'or !

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Tillie Walden a réalisé cet épais récit autobiographique alors qu'elle avait à peine 20 ans. Quand on sait cela, la réussite de l'album n'en est que d'autant plus impressionnante. Elle y relate sa relation au patinage artistique et synchronisé qu'elle a pratiqué toute son enfance et jusqu'à seize ans. La mise en scène épurée est très maîtrisée, parvenant toujours à trouver le ton juste. La discrète mise en couleur est du même acabit, ajoutant parfois une touche de jaune pour signifier une émotion. Ce qui est frappant surtout, c'est comment l'autrice parvient à sublimer son sujet : il n'est pas vraiment question de patinage. En réalité, il s'agit plutôt d'un document qui relate comment un individu peut se retrouver passionnellement lié à quelque chose contre son gré. Pendant des années Tillie Walden s'est forcée à continuer le patinage, n'osant dire à ses parents qu'elle veut arrêter.

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Mattotti propose ce qui relève ni plus ni moins de la claque esthétique : avec un trait vif en noir et blanc, il développe un univers de conte onirique frôlant parfois l'abstraction sur presque 400 planches. Après, j'aurais quand même tendance à dire que la forme l'emporte sur le fond, tellement les rebondissements sont surtout propices aux expérimentations graphiques plutôt que narratives. Mais sur ce plan-là, c'est tout de même fabuleux.

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Vivès nous revient avec un nouveau pavé graphique intime, chose qu’il n’avait pas faite depuis 2011 avec Polina. S’il reprend la veine de cette œuvre-là plutôt que celle, plus expérimentale, de « Dans mes yeux » et « Le goût du chlore », c’est avec une expérience accrue et une maîtrise de la mise en scène et la gestuelle toujours aussi impressionnante. L’auteur ne tâtonne plus, ce qui fait un peu perdre du charme sensible de ses premiers albums, mais c’est pour mieux exprimer une pudeur adolescente qui diffuse un parfum unique. C’est avec un certain idéalisme que Vivès aborde son récit puisqu’il y raconte ce qu’il aurait voulu connaître : la découverte de la sexualité à l’adolescence, entre un garçon de treize ans et une fille de seize ans lors de vacances d’été en Espagne où deux familles partagent une maison de vacances. Les dialogues, les postures sont esquissés avec une spontanéité typique de l’auteur, et avec la même justesse. Vivès ose montrer, sans faire dans l’étalage de fesses et de seins, mais surtout il voile les expressions, en se préoccupant surtout de l’esquisse, la forme des corps pour un résultat souvent foudroyant.

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Montellier ressort un de ses récits de SF période Métal Hurlant de ses tiroirs pour le redessiner entièrement et l'augmenter d'une trentaine de pages. Bien lui en a pris, tant le propos est toujours aussi incisif sur l'ingénierie sociale qu'elle décrie à travers la publicité et les agissements de l'autorité étatique. Au premier abord, le passage d'un trait noir et blanc classique style Tardi des années 80 à un style coloré et photoréaliste est assez surprenant. Mais au fil des pages, cette nouvelle esthétique se révèle très bien adaptée au récit, tant elle détourne à merveille l'imagerie hypnotisante du décor, un grand centre commercial souterrain aux allures de prison douillette. En particulier, son insistance sur les messages subliminaux, comme le sourire de la mascotte de MacDonald's, fait froid dans le dos tant elle touche du doigt une vérité criante de notre société.

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Trondheim et Velhmann abordent la question de la religion sans complexe avec une réflexion sur l'aspect vain des querelles d'interprétation des textes divins qui n'est pas nouvelle mais qui apporte un véritable enjeu à l'album. La découverte divine en cours de récit lui apporte ensuite un souffle inattendu, qui laisse quelque peu rêveur et place mine de rien assez haute les ambitions des auteurs. L'esthétique tout en aplat des dessins d'Olivier Balez est enfin assez osée pour un album de SF, ce qui rend la lecture d'autant plus plaisante.

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Dorison introduit avec ce nouveau diptyque de Undertaker un méchant rare : médecin chirurgien hors-pair et fou des démembrements, "L'Ogre de Sutter Camp" incarne un paradoxe : à la fois utile pour ne pas dire indispensable à la société, son comportement psychopathe en fait aussi un terrible criminel. Quand on quelqu'un 10 personnes de la mort et qu'on utilise le onzième pour ses expériences atroces, doit-on mettre cette personne hors d'état de nuire ? Avec une telle idée, ce troisième tome ne pouvait que me réjouir, d'autant que la narration est toujours très fluide et les dessins de Ralph Meyer toujours aussi somptueux et scrupuleusement détaillés.

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Ma joie est tellement grande de retrouver Lapinot que je dois certainement manquer d'un peu d'objectivité. Mais quel plaisir de se familiariser de nouveau avec cet humour et cet univers si irrésistible, porté par le duo Lapinot/Richard. Tous les ingrédients d'un bon Lapinot sont présents : des tiraillements moraux, des thèmes très actuels (le traitement médiatique du djihadisme, les sites de rencontres) et un soupçon de spiritualisme avec les auras que Richard peut voir durant l'album, qui déterminent les mensonges et la malfaisance des gens. Trondheim n'oublie pas d'être débile et irrévérencieux, le faisant avec sa subtilité narrative habituelle basée sur des dialogues ciselés. Alors certes, tout cela laisse l'auteur dans une certaine zone de confort, mais celle-ci est parfaitement maîtrisée et fait un bien fou.

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Lu en avant-première pour faire l'interview du scénariste pour le numéro 107 de Casemate.

Cyril Pedrosa, pour son premier projet de BD qu'il ne dessine pas, propose un one-shot de science -fiction très étonnant de sa part. La mise en danger est à saluer, d'autant qu'elle n'est pas gratuite tellement l'auteur emplit son récit de réflexions politique intéressante. Traitant de la vérité et de l'autoritarisme, sujets ô combien actuels, l'univers développé n'est pas d'une grande originalité mais se tient très bien jusque dans une conclusion pertinente et lucide.

La dernière suprise, et pas des moindres, est la qualité des dessins de Nicolas Geignard qui signe son premier album, proposant des décors épurés mais parfaitement cohérents, dans un style qui évoque celui de Frederik Peeters, mis en valeur par une mise en couleur impeccable. Ce n'est assurément pas un album audacieux ou novateur, mais aux piliers très solides.

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Hussenot tente avec Les Etoiles du temps de proposer une réflexion philosophique qui évolue au fil de l'album, sur le thème du temps. Les difficultés qu'il a rencontré au court de sa réalisation, jusqu'à faire une dépression, rendent de ses propres mots le livre inabouti dans sa réflexion. Cela est assez frustrant de s'imaginer jusqu'où il aurait pu porter sa réflexion s'il avait été plus loin. Mais en l'état, il esquisse déjà une déconstruction pertinente du terme pour se le réapproprier avec sa propre expérience et son imagination fertile. Il va jusqu'à inventer plusieurs cartographies du temps qui montrent à quel point penser par l'image peut être une méthode fertile.

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Perrodeau trouve avec Crépuscule une bonne approche pour introduire une esthétique de l'abstraction en bande dessinée, tout en renouvelant en profondeur le genre de la science-fiction. On suit une longue déambulation sur une planète inconnue, où rien ne nous est expliqué quand aux phénomènes étranges qui s'y produisent. Seule compte la plongée progressive dans une forme d'abstraction qui est certes avant tout formelle (les décors s'épurent et le lecteur y perd ses repères) mais qui augure finalement un récit de survie et d'exploration plutôt excitant. Peut-être qu'à certain moment la narration tire trop en longueur, la conséquence notamment à une sous-écriture volontaire des personnages. Mais la proposition a le mérite d'être originale et de sortir le lecteur de sa zone de confort.

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Pignocchi, ex-chercheur en philosophie, marche dans les pas de l'anthropologue Descola en imaginant un monde où notre société occidentale aurait adopté le mode de vie et le rapport au monde des Indiens d'Amazonie, ne faisant plus la distinction entre nature et culture et considérant notamment les animaux comme des individus à part entière. Certes, cela ressemble fort au trip intellectuel d'un universitaire cherchant un peu de piment à sa vie de rat de bibliothèque, mais c'est avant tout un délire ludique et très drôle, qui subvertit de manière satirique l'actualité politique sans que les réflexions parsemées ne désamorce l'humour aiguisé des récits. Et finalement, le fait de rire de bon cœur tout en accédant mine de rien à des thèses essentielles de l'anthropologie contemporaine est surprenant.

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Il est vrai que Tronchet ne renouvelle en rien ses thèmes, sa narration et le registre doux-amer qu'il a amorcé avec "Le fils du Yéti". Il est vrai aussi que son récit se lit très rapidement et peut manquer d'ambition. Mais le postulat métaphorique de départ et sa déclinaison tout au long de l'album (le cinquantenaire bien rangé qui voit sa femme subitement redevenir une enfant lors de leur départ de vacances) est tellement attendrissant, tellement juste et sensible, que le charme ne déchante pas au cours de la lecture.

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Le pari de Tripp avec cette BD, étaler sa vie sexuelle en y posant un regard réfléchi, est plutôt osé. Plus encore, il pointe une sorte d'impensé en bande dessinée, un médium qui a tôt fait de représenter le sexe mais beaucoup moins d'en parler, d'en faire un sujet à part entière, surtout en prenant un angle autobiographique. En mettant à nue sa vie sexuelle et surtout en retranscrivant de manière visuelle ses sentiments, ses désirs et ses sensations, Tripp parvient à dépasser le prosaïque et l'anecdote graveleuse qui sont la matière première de son récit. Son partis pris de décrire et dessiner tout de manière simple et explicite fait mouche tant le récit y gagne en fluidité et permet d'objectiver la place de la sexualité dans nos vies, démontrant à quel point nos désirs et nos dégoûts sont construits socialement. L'utilisation de la voix-off est peut-être un peu trop systématique pour rendre complètement empathique les différents personnages, mais c'est du pinaillage tant l'auteur réussit son audacieuse confession.

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Voilà un diptyque très appréciable qui tient à son idée narrative de départ (un travailleur de chantier sur les gratte-ciel new-yorkais dans les années 30 tient une correspondance avec la femme d'un de ses collègues mort durant le chantier en se faisant passer pour lui) et à l'ambiance de l'époque qu'il valorise à merveille par les décors et le souci du détail à chaque instant.

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L'aspect graphique et esthétique n'a rien d'exceptionnel. Mais pour qui veut se renseigner sur la situation politique aux Antilles sous ses différents aspects avec un regard personnel et autobiographique, l'album est une réussite. Avec Françoise Vergès en guest.

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Duhamel propose avec cette bande dessinée une réflexion sur l'art qui a le mérite de ne pas sombrer dans le dogmatisme, allant toujours à rebrousse-poil de ce qu'elle semble vouloir démontrer. L'artiste-démiurge qui retourne sur son île pour la protéger de la horde de financier voulant en faire une attraction touristique n'est-il qu'un opportuniste tendance marketing artistique ou son geste est-il sincère ? La réponse n'est pas univoque, et c'est bien tout le sel du propos de l'auteur qui parvient, comme il l'annonce dans l'introduction, à penser contre lui-même, ce qui est toujours un bon exercice. Après, il est vrai que le récit est tellement cérébral qu'il oublie un peu de donner de la consistance à ses différents personnages, les présentant tous de manière expéditive. Et la fin est certainement un peu facile aux vues des différentes péripéties. Mais il n'empêche que c'est un beau cas d'école d'une narration qui se met pleinement au service d'une réflexion, liant des éléments complexes en tombant rarement dans le simplisme.

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Les revirements idéologiques du personnage principal au cours de l'album sont très peu crédibles et gênent clairement le cours du récit. Mais il faut avouer qu'on se prend quand même complètement au jeu, tant il est jubilatoire de voir la tête d'Hitler dans du formol tenter de recréer le 4ème Reich, dans un univers aussi dense visuellement et aussi bien mis en scène. Cela peut sembler purement régressif à la manière de "Dead Snow" ou "Iron Sky" mais c'est sacrément bien réalisé, et doublé d'un fond ironique bien envoyé sur la capacité des peuples à oublier leur histoire. La réflexion tout aussi ironique sur l'esthétique nazi devenu objet de consommation est dans cette optique bien percutante.

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C'est graphiquement sublime, tant les expérimentations formelles et l'univers visuel développé est riche. J'ai malgré tout l'impression que cette version du mythe reste trop sage, bien qu'elle accentue l'érotisme de l'oeuvre originale. Contrairement à Milady de Winter, Maupré ne trouve pas un angle particulier à traiter pour bénéficier d'un effet de surprise. Reste que le récit se suit très bien, et certaines planches sont somptueuses.

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On retrouve avec grand plaisir Mattéo au cœur de la guerre d'Espagnol, même si la narration plus diluée de ce quatrième album le rend un peu moins marquant que les précédents.

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J'avais peur que Neyestani tombe dans une BD très scolaire avec cette adaptation d'un documentaire sur un tueur de prostituée islamiste en Iran. Finalement il n'en est rien, tant la personnalité et l'inventivité de sa mise en scène explose à chaque séquence. Il démontre toute la violence sourde des entretiens effectués par la journaliste. Et surtout, dévoile le problème de la radicalisation religieuse en Iran avec une lucidité sans faille : l'homme a beau avoir été condamné à mort, une certaine partie de la population, endoctrinée par les dirigeants religieux, le voit en héros. On peut clairement y voir un nouveau cas de "banalité du mal" que Arendt avait théorisé dans "Eichmann à Jérusalem".

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Preuve que l'esprit de la série Valérian est encore pertinent aujourd'hui : les auteurs qui l'ont réinterprétés en 2017 (Besson au cinéma, Lauffray et Lupano en bande dessinée) l'ont fait dans la droite lignée de la série originale tout en abordant des sujets parfaitement d'actualité. Reprenant le credo de Christin de dénoncer les travers du capitalisme en lui donnant une dimension intergalactique, Lupano imagine qu'une intelligence artificielle très perfectionnée puisse détenir à elle seule deux des plus gros paradis fiscaux existants. Il imagine aussi que la Terre puisse devenir la propriété d'une compagnie de revente de planètes. Évidemment ce sera à Valérian et Laureline de résoudre les problèmes que cela provoque, dans un enchaînement de rebondissements assez dense pour un récit de cinquante pages. Le scénario est donc généreux, drôle et bien fichu, bien que peut-être un peu trop chargé. Les planches de Lauffray sont quand à elles superbement détaillées et très bien architecturées. Cet auteur reste un des meilleurs façonneurs d'univers dessinés de la bande dessinée française actuelle. Les trouvailles visuelles sont légions, et ce même si la tronche de Valérian est pas toujours très réussie. Alors que Manu Larcenet proposait une vision très personnelle de la série Valérian, Lauffray et Lupano sont plus dans une démarche d'hommage respectueux mais sans pour autant brider leur inventivité.

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Il y avait de nombreux intérêts à faire une bande dessinée sur l'origine des zombies provenant de la culture haïtienne. En effet, pour un phénomène qui a largement contaminé la culture de masse et en particulier Hollywood, utiliser le support bande dessinée est logique : il permet de faire un pas de côté sur la récupération occidentale du zombi pour décrire son origine méconnu. D'autre part, la documentation ethnologique que la BD développe est ainsi mise en valeur par sa partir visuelle, ce qui est là aussi très logique puisque le rituel de zombification s'explique très bien par l'image. Après, il est vrai que le format de la Petite Bédéthèque des savoirs reste encore une fois trop court pour proposer des essais en bonne et due forme : cela reste inachevé, tronqué. Mais dans ce cadre restreint, c'est satisfaisant.

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Mes sentiments sont très paradoxales pour ce premier tome : l'univers est génialement organique, on voit que Bertail y a mit tout son amour du pulp et de la chair dégoulinante, et que Trondheim s'efforce de créer un puzzle narratif ambitieux. Sauf que le récit fait du sur-place, les personnages sont tous agaçants excepté l'héroïne principale, et Trondheim nous a habitué à bien mieux dans l'écriture des dialogues et dans la subtilité des ressorts comiques. Il faut y voir en partie la participation de Zep, dont je n'aime pas beaucoup la démarche. C'est une petite déception, mais je ne peux tout de même pas nier avoir pris beaucoup de plaisir à le lire et attendre tout autant de pied ferme les tomes suivants.

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La cause défendue par la BD, celle des éléphants au Laos, est particulièrement intéressante car elle fait prendre conscience de son importance dans l'écosystème. Proposée en deux partie réalisée par deux auteurs différents, l'un a suivi une procession d'éléphants traversant le pays, l'autre restant dans un centre de conservation d'éléphants. Il faut bien constater que Dumontheuil, dont c'est le premier récit de ce type, n'est pas très à l'aise avec la narration documentaire, et tombe dans le factuel sans épaisseur, malgré une reconstitution graphique bluffante et un souci de générosité descriptive. Troub's, plus chevronné dans ce style, propose un récit nettement plus appréciable, par une rencontre organique avec les éléphants, et un aspect psychologique et historique assez profond. C'est donc inégal, mais jamais mal foutu, il y a pour les deux auteurs un contenu suffisant.