Les meilleurs films de 2008 selon Marius Jouanny

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Après "American Beauty", Sam Mendes ausculte de nouveau le modèle de réussite à l'américaine à travers sa cellule familiale, et on peut dire que dix ans après le cinéaste a sacrément gagné en maturité ! L'éparpillement narratif d'American Beauty laisse place au portrait sidérant d'un couple à la dérive, qui ne fait aucune concession quand à la lucidité de sa démonstration. Le propos en est assez désespérant tellement il dresse un constat négatif de l'american way-of-life, mais loin d'être unidimensionnel, car il montre aussi la possibilité de s'en émanciper. D'un coup, l'académisme de sa réalisation révèle sa noblesse tant il rend beau et émouvant le jeu de Di Caprio et Kate Winslet, ainsi que la dégringolade dramatique de la relation des personnages qu'ils incarnent. C'est donc à la fois un aboutissement sur le plan de la réflexion et de l'esthétique.

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Cela faisait bien longtemps que l'envie de voir ce premier film du déjà grand Jeff Nichols me démangeait. Thriller familial dans ces coins perdus de l'Amérique comme il sait si bien les filmer, avec déjà la sacrée gueule Micheal Shannon, le topo était pour le moins réjouissant. Il y a tout d'abord cette virtuosité toute en retenue, présente ici plus que jamais, et qui contamine réalisation comme interprétations des acteurs, Shannon en tête. Nichols refuse tout spectaculaire au profit de la suggestion : la violence est à ce point sourde qu'on ne la voit jamais frontalement. Il plante ainsi une atmosphère toute particulière : avare en mouvements de caméras, distillant une bande-son superbement épurée, sans oublier ces décors ruraux de toute beauté, attaquant une ville en pleine décrépitude. Les mauvaises langues diront que le long-métrage fut tourné avec trois bouts de ficelles, expliquant ainsi l'austérité du film. Il y a là pourtant toute la démarche démonstrative, tout le langage filmique de Nichols à l'état brut, déployé sous nos yeux.

Ce cadre si réfléchi développe une histoire de conflits entre deux familles, fratricide, quasi-inexplicable. Ce rythme lent que le réalisateur utilisera avec plus de parcimonie et la courte durée du film (1h28) empêchent finalement au script de se déployer avec force de subtilité, d'où une fin un peu abrupte notamment. Si les personnages ne sont pas remarquables d'ambiguïté donc, Nichols les distingue suffisamment bien pour que la sauce prenne. Finalement, "Shotgun Stories" n'est pas le premier grand film du réalisateur, mais sa proposition de cinéma n'en est pas moins admirable : les débuts d'une filmographie qui depuis s'est étoffée avec "Take Shelter", "Mud" et "Midnight Special" de certains des meilleurs films de ces dernières années.

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C'est étonnant de voir James Gray réaliser une romance, qui plus est un triangle amoureux dans notre époque contemporaine. Même un peu perturbant. Mais avec le jeu toujours sublime de Joaquin Phoenix, on retrouve déjà un peu ses marques. Le personnage qu'il incarne est impénétrable, et fait une bonne partie de l'intérêt du film : on ne peut que supposer ses motivations profondes, si tant est qu'il en ai de clairement définies, ce qui est finalement peu probable. Certes, c'est certainement le film de Gray le plus artificiel, tant les enjeux de triangle amoureux qu'il développe sont vus et revus, et que la fin est assez prévisible. Il n'empêche que plusieurs éléments viennent rajouter de la chair au film, à commencer par les parents du personnage. J'aurais voulu un film plus ambigu encore, tant il aurait pu développer une mystique de l'amour proche de la fin de The Lost City of Z... Mais sa manière d'enchevêtrer les deux vies du personnage principal, l'une rattrapant toujours l'autre comme une ritournelle, marque indéniablement.

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Représenter la guerre par la technique de l'animation permet d'insérer des moments décalés et surréalistes, qui viennent renforcer le sentiment d'absurde qui traverse toute l'oeuvre, qui seraient peu acceptables dans un film à prise de vue réelle. Et cela, Ari Folman l'a très bien compris, insufflant dérision et onirisme à un film au contenu par ailleurs très premier degré, entre l'introspection documentaire, le devoir de mémoire et la visée politique d'accuser l'armée israélienne de son laisser faire au moment du massacre des Palestiniens de Beyrouth Ouest. Ce décalage permet de rendre la démonstration plus percutante, tout en donnant à l'oeuvre une aura mystique fascinante.

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Il y a dans l'Orphelinat une aura horrifique indéniablement réussie. Certes, la mise en scène se contente surtout de l'efficacité et tombe dans quelques poncifs. Mais les mystères parsemés par l'écriture du film m'ont complètement immergés dans le récit. Et surtout, l'évolution de la psychologie du personnage rend les dernières séquences très touchantes, un peu à la manière de Les Autres de Aménabar, mais avec plus de fantaisie et moins de mélancolie.

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Un Wachowski qui décoiffe littéralement. Il y a une science du rythme, de la dynamique et du découpage qui fait déjà de ce film une réussite formelle indéniable. Certes, ce surplus d'informations décontenance parfois dans la compréhension du film (rien de bien grave, cela dit) mais cela dessert surtout un effet de vitesse vertigineux. Tout l'aspect visuel du film est aussi très abouti : cet étalage d'image de synthèse fait mouche, alors que ça en dégueule de partout jusqu'à l'overdose. Dans le genre, l'esthétique d'un "Scott Pilgrim" reste la référence absolue, mais celui-ci s'en sort très bien dans ses couleurs flashy à souhait.

Le casting est aussi très surprenant : John Goodman en père de famille moustachu, le héros de "Into the Wild" incarnant le personnage principal... Il y a bien quelques dissonances (le cadet avec son singe est un peu gonflant parfois, et le film tire un poil en longueur) mais je salue encore une fois la maturité des réalisateurs : ils ne peuvent pas s'empêcher de t'ajouter un propos anti-capitaliste même dans une film de course de bagnole ! Cela reste un divertissement familial avant tout, mais quelle maîtrise, quelle audace ! Peut-être le film le plus sous-estimé des réalisateurs...

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J'avouerai que j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi ce film est aussi apprécié. 6,9 de moyenne, 2ème meilleur film avec Ralph Fiennes, 7ème meilleur comédie dramatique, 8ème meilleur film de 2008...

...Et pourtant, les quelques bonnes idées du films sont gloabalement mal exploités. Il est assez intéressant que le film se passe dans un endroit aussi incongru que Bruges. On a pourtant plus affaire ici à une visite touristique de la ville plutôt qu'à un véritable point de vue de réalisateur sur le lieu.

Ensuite, mélanger humour et tragédie, c'est bien, mais encore faudrait-il que l'un et l'autre aient un quelconque impact sur le spectateur. S'il m'est arrivé de sourire et même parfois ricaner, l'aspect comédie reste beaucoup trop sage. Et l'aspect tragédie, lui, est carrément ridicule, porté par un Colin Farrell peu convainquant et une romance véritablement inutile.

Reste que ces bonnes idées marchent parfois dans certaines scènes. Notamment le personnage incarné par Ralph Fiennes, qui occasionne une scène de dialogue par téléphone très drôle, et donne une certaine fraîcheur à la dernière partie du film, tout en ne l'empêchant pas d'être poussive et tirée par les cheveux, comme le reste du film d'ailleurs. C'est certainement fait exprès, mais cela ne m'empêche pas de rester dubitatif.

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En terme de dispositif formel, Scorsese a mis les petits plats dans le grand pour filmer ce concert des Stones, tant les mouvements de caméra et le montage sont souvent virtuoses. La première partie du film en noir et blanc est aussi très drôle sur la préparation du concert où Marty pratique avec malice l'autodérision. Les morceaux s'enchaînent ensuite avec fluidité malgré quelques longueurs. Mick Jagger pète toujours la forme et c'est bien lui qui mène la danse en gesticulant dans tous les sens, tandis que Keith Richards est bien plus stoïque. Seulement, j'aurais préféré qu'il réalise ce film dans les années 70, comme le confirme les quelques images d'archives qui rythment les morceaux de ce concert de 2008. Les Stones aujourd'hui ne sont pas des vieux croûtons, mais renvoient irrémédiablement à ce qu'ils étaient il y a des décennies. D'où la légère frustration.