Les meilleurs films de 2020 selon Marius Jouanny

Annotation :

Voir ma critique dans le numéro 26 de La Septième Obsession.

Annotation :

Charlie Kaufman est définitivement l'un des cinéastes les plus incroyables de ces 20 dernières années. Certes, la fin est un peu décevante, et comme dans tous ses films scénarisés ou réalisés il y a des maladresses. Mais c'est truffé de recherches de mise en scène, c'est drôle. Et surtout, dans sa manière de réfléchir le cinéma, la vieillesse et les sentiments amoureux, c'est un film qui travaille longtemps l'esprit après visionnage.

Annotation :

Après Trumbo, voilà un deuxième film qu'on peut placer à la fois dans la catégorie "mélancolie de gauche" et dans la catégorie "Hollywood par Hollywood", ce qui est toujours surprenant. C'est avec ce genre de film, au sujet très classique, qu'on distingue les faiseurs des auteurs du cinéma américain. Tandis que Roach propose de belles interprétations avec une narration convenue et pompeuse, Fincher propose une déambulation passionnante, avec des effets de montages et de mise en scène marquants qui parviennent à surmonter l'ombre du chef-d'oeuvre Citizen Kane dont Fincher raconte l'écriture du scénario. Ceux qui attendaient le Fincher tape-à-l'oeil risquent d'être déçus. Mais lorsqu'on constate la manière dont il s'approprie le procédé du flash-back par des montages alternés très ingénieux, ou que l'on admire une scène fabuleuse comme celle du soir des élections à la soirée des Républicains, on reconnaît bien le Fincher dont l'absence se faisait sentir dans le paysage du cinéma américain. Qu'il revienne avec une virtuosité plus feutrée, c'est tout à son honneur.

Annotation :

"Séjour dans les monts Fuchun" est bien la dernière pépite d'une série de plus en plus garnies du cinéma chinois contemporain. Par rapport à "So long, my son", la dramatisation des rapports familiaux et amicaux est peut-être moins radicale et prenante. Mais le film y gagne un sentiment de quiétude inédit, que transmet à merveille le plan-séquence sur les bords de la rivière Fuchun. Il y a certes quelques passages à vide, mais en 2h30 on apprend à connaître le sens du mot habiter, en redécouvrant Fuchun au fil des saisons. Finalement, pas grand-chose ne vient troubler cette douce contemplation du temps qui passe, si ce n'est quelques scènes de comédie et de drame familiale tantôt très drôles, tantôt franchement émouvantes. Contrairement à ce que laisse deviner l'obsession des personnages concernant les dettes et le prix de l'immobilier, le récit ne met pas véritablement en danger cette famille un peu foireuse dont certains membres ont dû mal à joindre les deux bouts. Ce qui intéresse plutôt Xiaogang sont les enjeux de la modernisation urbaine à marche forcée. L'inscription "fin du premier volet" à la fin du film à de quoi surprendre, mais avec cette thématique en arrière-plan c'est aussi la promesse d'une suite qui peut apporter un nouvel intérêt au récit.

Annotation :

Le cinéma de Petzold est feutré, ne cherche pas à être élégant mais à susciter la fascination, des émotions primitives. Ses partis-pris anti-psychologiques et oniriques sont à défendre bec et ongle.

Annotation :

Quelle serait la cause de la révolte d'une Antigone contemporaine ? Cette manière de réfléchir et réadapter un mythe est passionnante. La mise en scène est remarquable par son attention sur le visage de l'actrice. Une scène de fin tombe un poil dans le pathos. Mais le film aurait mérité un traitement médiatique et critique largement plus important, dommage qu'il soit passé en-dessous des radars.

Annotation :

Du très bon post-apo. Certes, Casey Affleck évacue largement les problématiques politique qu'il met en place par cette ingénieuse idée de mettre au centre les questions de genre dans un film post-apo (comment une société dont l'écrasante majorité des femmes sont mortes peut-elle "tenir" ?). Mais c'est pour mieux se concentrer sur la relation filiale qui est explorée avec une attention touchante, notamment lors des scènes sous la tente. Et pour s'aventurer du côté du survival par une tension très bien dosée, mais somme toute plus conventionnelle que le reste du film.

Annotation :

Je ne dirais pas qu'il faut consommer ce film sans modération, parce qu'un film ça ne se consomme pas, bon sang ! Je vois venir tous les journalistes culturels et internautes senscritique avec ce jeu de mot frelaté.
Blague à part, j'avais jamais vu un seul film de Vinterberg et ça donne envie de creuser. On sent que sa volonté de dynamiter la cellule familiale depuis Festen doit être passionnante à scruter.
Quelques longueurs ceci dit, et une fin un peu facile.
Sinon, Mads Mikkelsen est toujours l'un des acteurs les plus talentueux du cinéma contemporain.

Annotation :

Peut-être était-ce une bonne chose que je ne regarde pas d'autres films de Todd Haynes avant de voir celui-ci, étant ainsi vierge de toute attente particulière. Car je présume en effet qu'il doit tomber dans un certain classicisme par rapport à ses précédents films, et force est de constater que pas mal des cases du "biopic à l'américaine" sont cochées paresseusement. Mais il ne faut pas que cela occulte la pertinence avec laquelle "Dark Waters" traite son sujet. En le travaillant presque à chaud puisque son acteur principal est toujours bien vivant et toujours sur le pied de guerre contre les industries chimiques qui ravagent la planète, le film met en lumière avec précision et rigueur un fait d'actualité terriblement important pour comprendre l'impasse du libéralisme économique. Avec un naturel et un sens du rythme assez admirables, il montre un à un les cul-de-sac du labyrinthe dans lequel s'agite cet avocat dont le sens éthique et l'esprit critique s'aiguisent. La scène du coup de téléphone au restaurant, remise en cause globale du système politique, juridique et économique américain qui vient presque clore le film, apparaît donc comme une évidence et un coup de massue. Parmi tous les films plus ou moins écologistes du cinéma américain, "Dark Waters" n'est finalement pas le plus consensuel, car contrairement aux films sur les affaires judiciaires et journalistiques, il ne se clôt pas sur une victoire des institutions mais pointe leurs anomalies ontologiques.

Annotation :

"Histoire d'un regard" intrigue au premier abord par la simplicité de son dispositif. La documentariste se filme chez elle en présentant le photographe sujet de son film, Gilles Caron, puis rencontre sa fille, analyse des séries de photographies prises par Caron en Mai 68... Et finalement, on comprend que le ton est parfaitement juste car le regard de Caron par ses photographies qui nous sont présentés se suffit à lui-même. Au lieu de multiplier les images d'archives spectaculaires des conflits suivis par Caron en tant que reporter-photographe, elle se focalise sur ses photos, les analyse tout en racontant sa brève mais intense vie. Disparu au Cambodge au début des années 70, Caron est un mystère qui s'éclaircit un peu au fil du documentaire, tout en restant une énigme pour le spectateur. Son abnégation, sa prestance taciturne impressionne et intrigue. Sa dernière lettre avant sa disparition n'en est que plus touchante. L'épure du dispositif révèle à ce moment-là sa force émotionnelle.

Annotation :

Peut-être que je modérerai mon enthousiasme quand les mois m'auront éloigné de ce premier visionnage.
N'empêche, difficile de ne pas céder à une certaine euphorie quand un film d'animation pour enfants s'empare d'un personnage et de thématiques avec autant d'intelligence. Et avec un style d'animation aussi somptueux.
Assister à la montée en puissance de Calimity Jane à travers une multitude de scènes marquantes, où en fine stratège elle se défait des pires situations par le travestissement, ça a quelque chose de profondément émouvant.
Dit comme cela, ça paraît maigre et pourtant... Difficile d'y voir une simple recette de storyteller pseudo-féministe comme Hollywood nous en abreuve depuis quelques années. Peut-être est-ce dû à cet univers de western magnifiquement investi, à la structure narrative en roue libre, ou bien à une approche qui ne verse pas trop dans la psychologie en laissant à Calamity l'aura mythique qui la caractérise. Pour ceux qui seraient passés à côté, je conseille d'ailleurs fortement les lettres qu'elle a écrit à sa fille et qui ont été publiées après à sa mort.

Annotation :

Sans mentir, Felicità est le film parfait pour retourner au cinéma après le confinement. Ce serait facile de lui reprocher sa légèreté, se reposant sur un comique de situation et un onirisme en roue libre, alors que ce qu'il propose se suffit à lui-même finalement. Quelques très bonne trouvailles d'écriture, un jeu d'acteur remarquable, il m'en fallait pas plus pour rire à gorge déployée. Les mésaventures de ce couple hors-norme accompagnée de leur fille sont irrésistibles, sans tomber dans la mièvrerie et les bons sentiments. Surtout, le jeu sur ce qui est vrai et ce qui relève du mensonge ou de la rêverie donne un ton au film, jusqu'au final assez mémorable. Bon, ça manque peut-être un poil de consistance dramatique, mais le plaisir de cinéma l'emporte largement.

Annotation :

Suivre pendant 5 ans le quotidien de deux adolescentes, il fallait le faire. Mais en plus, en ajoutant un regard sensible, un montage parfaitement fluide bien que parfois un peu trop elliptique, Lifshitz fait de ce documentaire un cas d'école.

Annotation :

Les cinéastes, tout en objectivant constamment le lieu qu'ils observent, et qui n'est pas anodin (la prison des Baumettes était réputée pour ses conditions de vie déplorables avant de fermer) proposent un regard profondément empathique, et c'est ce qui fait la force du documentaire. La machine infernale du système carcérale est développée sans fard, montrant à quel point elle déshumanise. Mais ce qui intéresse le plus les cinéastes est comment les détenus peuvent, à travers les interstices, continuer à vivre et à déployer leur humanité malgré la folie d'un lieu où, malgré la compréhension et la patience des gardiens qui étaient étonnamment pour beaucoup des gardiennes, est ignoble. Les détenus sont entassés dans des cellules minuscules pour n'en sortir qu'une heure par jour, pour la plupart d'entre eux. Il y a plus de quoi devenir fou que se repentir sur ses fautes passées qui pour la plupart d'entre elles sont disproportionnées aux peines infligées. Bref, la prison en France quoi. Ayant pu rencontrer les cinéastes après la séance, je confirme que leur colère et leur indignation sont proportionnés à l'absurdité de ce système qu'il ont longuement observés.

Annotation :

J'étais un peu réticent, mais finalement Guy Ritchie renoue bel et bien avec son jeu avec le scénario des films de gangsters, proposant une écriture riche et un montage toujours détonnant. Les choses se passent un peu trop bien pour le personnage principal, j'aurais voulu une fin plus radicale. Reste que la mise en abyme est très astucieuse, et le tout impeccablement réalisé. Un bon plaisir cinéphile qui dépasse le simple divertissement pour un recul réflexif aussi intelligent que "Kiss Kiss Bang Bang" et nettement plus que la tendance hollywoodienne au brisage de quatrième mur superficiel et racoleur.

Annotation :

Ceux qui connaissent bien les violences policières, qu'ils aient été en manif ou qu'ils se soient déjà documenté dessus, n'apprendront pas grand-chose en allant voir ce film. Pour les autres, il est d'utilité publique, tant il pose les bonnes questions et interroge avec pertinence le statut des images de violences policières réalisées avec des smartphones. C'est du cinéma politique percutant, qui n'hésite pas à mettre en scène des avis discordants tout en mettant le doigt sur la part la plus sombre de l'Etat français. Toute personne se sentant un minimum concernée par ce qui se passe en France aujourd'hui devrait aller le voir. Je suis donc ravi du succès du film qui a dépassé les 50 000 entrées, et devrait atteindre les 100 000. Au passage, il y a quelques très bonnes interventions d'Alain Damasio et Fabien Jobard.

Annotation :

Après tous ces films sur la Première Guerre Mondiale, il doit être très intimidant pour un cinéaste de s'y coller. L'idée du plan unique était à la fois alléchante et inquiétante, tant elle garantissait un spectacle réjouissant tout en risquant de tomber dans le formalisme. Finalement, Mendes est très malin car il ménage ses effets, préférant une mise en scène anti-spectaculaire, qui fait oublier la performance visuelle au profit de l'émotion. Ce, pour mieux ménager une dernière partie grandiose, avec une scène nocturne incroyable comme le cinéaste commence à avoir coutume de les faire. La puissance d'empathie et d'immersion du film finit par l'emporter sur son classicisme et son propos héroïque finalement très convenu.

Annotation :

Le film se repose beaucoup sur l'interprétation de son acteur principal.
Ceci dit, très bon portrait d'un village dont les rapports sociaux sont conditionnés par la religion.

Annotation :

Voir critique.

Annotation :

Monos est un film paradoxal tant il traite un sujet lourd de références historiques et politiques (la guérilla réfugiée dans la jungle dans un contexte sud-américain et les enfants soldats dans le contexte particulier de la Colombie) de manière totalement décontextualisée. Cela lui permet certes de parvenir à la hauteur du récit intemporel, et de se focaliser sur la vie de ces jeunes adolescents qu'on laisse autonomes s'occuper d'une otage dans une forteresse puis en pleine jungle. Cela lui permet aussi d'éviter tout manichéisme, genre les-gentils-guérilleros contre le-méchant-gouvernement. Mais en dépolitisant sa mise en scène Alejandro Landes, qui ne traite pas vraiment avec consistance des questions d'aliénation et d'embrigadement qui sont pourtant centrales dans le récit, laisse la profusion d'effets visuels et sonores de son film se déployer un peu à vide, presque pour eux-mêmes. Ne serait-ce concernant l'écriture des personnages, il y a un vrai manque. Il n'empêche que cette plongée immersive dans la lutte armée a l'atout de rester empreinte de mystère, comme si elle refusait de nous faire croire qu'on peut faire l'expérience d'une telle condition par le cinéma, laissant délibérément des zones d'ombres.

Annotation :

Il faut bien avouer que c'est jubilatoire de voir les patrons du CAC 40 enlevés et séquestrés pour obliger Macron à mener une politique de gauche radicale. Au-delà de la simple politique-fiction, le film propose des bons moments de cinéma politique, qui prennent le temps de dérouler les arguments, de réfléchir sur la situation en cours. Dommage que la réa soit fragilisée par une écriture et des interprétations inégales.

Annotation :

Quelques petites maladresses d'écriture viennent parasiter un film qui est par ailleurs somptueux et très bien mené. La relation entre Josep et le flic confère au film une véritable identité au-delà du "biopic édifiant" qu'il aurait pu se contenter d'être.

Annotation :

Le genre du faux documentaire avec une caméra embarquée est comme celui du found-footage à qui il ressemble, il peut mener à des propositions intéressantes tout en restant assez bancale. En l'occurrence, l'idée de départ est assez entraînante (un homme dont les jours sont comptés se met subitement à croire en la réincarnation, et part avec des amies chercher des traces de sa précédente vie en Europe de l'Est) et son développement l'est aussi puisqu'il prend à bras-le-corps le thème de la foi pour le traiter de manière assez étonnante. Le problème, c'est que le film ne parvient pas à émouvoir comme il le voudrait. S'il permet aux acteurs et notamment à Adèle Haenel de produire de belles performances, il ne parvient pas à saisir complètement toute l'ambiguïté qui semble contenue dans la recherche un peu folle du personnage principal. Peut-être est-ce parce que celui-ci ne doute jamais de rien, alors que dans une telle situation narrative le faire douter aurait pu le rendre plus empathique.

Annotation :

"Mickey and the Bear" transpire le cinéma indépendant américain par tous les pores, profitant des beaux décors montagneux du Montana pour nous en mettre plein la vue. Et il faut préciser que c'est très réussi, surtout pour un premier film. La direction d'acteurs est impeccable, le drame familial plutôt bien écrit, et la mise en scène se permet même quelques petites incartades pour exprimer le malaise de la relation père-fille. L'inconvénient est de rester sur l'impression tenace que le film ne raconte rien de particulièrement surprenant, et qu'il entre même dans une lignée d'innombrables drames du cinéma américain sur des marginaux en quête de liberté. Certes, parmi ces films celui-ci est plutôt au-dessus du panier, même si concernant ce credo le chef-d'oeuvre de la décennie reste "Mud" de Jeff Nichols.

Annotation :

Toute la première partie du film, qui se déroule durant une soirée de fête de Noël dans une richissime villa brésilienne, est très efficace. Le regard teinté d'ironie sur cette famille d'ultra-riches fonctionne très bien car contrairement à ce que je craignais il n'en fait pas des tonnes. Au milieu d'eux, la majordome hyperactive est haute en couleur, même si le personnage peut s'avérer un peu agaçant au fil du récit. La deuxième partie installe un rythme décalé, irréel, qui est bien adapté au moment étrange que vivent les employés de la maison. Le problème c'est qu'en terme d'écriture il y a un creux dans la troisième partie qui déçoit un peu : la scène de révélation du personnage principal est réussi, mais je pense que le film aurait pu pousser un peu plus loin la satire. Finalement, moi qui redoutais qu'il en fasse trop, je lui reproche d'être un peu trop sage. Quand je repense à d'autres films (ne serait-ce que Parasite pour en citer un récent) qui exposent les inégalités sociales avec autrement plus de férocité, celui-ci s'en démarque en exposant une absence de conflictualité sociale. Il gagne en mélancolie ce qui perd en radicalité.

Annotation :

On retrouve quelques fragments de ce qui fait la beauté de Six Feet Under. Avec quelques grandes idées de portraits de famille, comme l'araignée dans les cheveux de la grande tante veuve et un peu à côté de la plaque.
Malheureusement, tout cela est un petit peu gâché par une conclusion larmoyante et convenue en se voulant réconfortante. Tout connement, Alan Ball semble avoir écrit un pilote de série qu'il a fallu adapter tant bien que mal en film.