Les meilleurs films de David Lynch selon Dany Selwyn

Annotation :

UGC des Halles (Paris Ier), le 07/07/2020.

Note inchangée (quoiqu’on frôle le 9, mais il est vrai que Blue Velvet n’a pas tout à fait la puissance des fresques lynchéennes à la Twin Peaks ou Mulholland Drive).
Il vient un moment où c’est inutile de tenter de comprendre ou d’expliquer l’oeuvre de Lynch. C’est frustrant, certes, de ne pas savoir ce qu’il veut dire; on peut même penser que c’est du foutage de gueule, ces personnages secondaires qui surgissent dans le décor comme par magie, ces situations improbables, ces scènes qui s’enchaînent de façon déconnectée. Mais ce n’est pas grave. Parce que Lynch ne s’adresse pas à notre raison, mais à nos sens, à notre subconscient. Il interroge nos émotions de spectateur dans ce qu’elle ont de plus primaire: ces séquences fortes où tout arrive de façon désaccordée, c’est pour nous faire réagir, provoquer chez nous fascination, intrigue et/ou dégoût. Cette attention accordée au corporel, qu’il soit beau (dans certains actes sexuels) ou laid (dans la représentation de la pourriture), c’est pour nous faire plonger les mains dans la glaise. On regarde avec lui, on triture avec lui. Et pas question de se laver les mains...
Blue Velvet est peut-être l’un des Lynch qui ménage le moins son public. Il est noir, glacial, doté d’un effrayant (et assourdissant) travail sur le son. Et il donne à voir des choses pas très jolies. Mais pour peu qu’on sache voir au-delà de la putréfaction, et qu’on accepte de ne plus raisonner devant ce film mais simplement de se laisser porter, eh bien on découvre autre chose derrière le rideau bleu qui ouvre et clôt le film. Ce ne sont plus une histoire et des personnages bien définis, mais plutôt des formes, des couleurs, des mélodies. C’est étrange, cela interroge, mais c’est d’une richesse sans égal. On peut repasser le film encore et encore qu’on en tirera toujours quelque chose. C’est là le non-sens absolu du cinéma Lynch: celui qui consiste à ne rien savoir, mais à être constamment hypnotisés par l’univers proposé, où chaque visionnage est meilleur que le précédent.

Annotation :

Probablement le film le plus déstabilisant que Lynch ait jamais produit. Trois heures, trois longues heures au cours desquelles on avance à l’aveuglette, où on n’arrive jamais à suivre, où l’on s’épuise (un conseil : regardez ce film la nuit, cela lui donne une atmosphère particulière et, à mesure que la fatigue vous gagne vous plonge dans une torpeur proche de l’état des personnages), tout ça pour, au final, ne pas être très bien sûr de ce que l’on vient de voir. Difficile de raccrocher les wagons (même si une cohérence interne se fait sentir), difficile de retrouver son chemin dans ce labyrinthe conçu par un architecte fou ou après-demain arrive avant hier et où le passé se confond avec le présent, difficile même de s’attacher aux personnages (alors même que dans des œuvres aussi obscures qu’ « Eraserhead » ou « Mulholland Drive », une sympathie émergeait assez vite pour eux). Lynch, en bon Lewis Carroll du cinéma, nous fait suivre ses lapins (noirs, en l’occurrence, et en train de repasser plutôt que de regarder leur montre) pour nous entraîner dans un monde de cauchemars et nous en refaire sortir à l’aube, au terme d’une longue, très longue nuit en clair-obscur. Deux femmes s’y croisent, sans que l’on sache si l’une est l’autre, si l’une imagine l’autre, ou si, vu leurs époques séparées, l’une est la réincarnation de l’autre. L’occasion pour le cinéaste de prouver une nouvelle fois son amour du sexe féminin, qui apparaît ici dans toutes ses déclinaisons possibles (épouses, mères, actrices, starlettes, prostituées, victimes de la violence des hommes et guerrières vengeresses, rien ne manque) et nous repasse, de façon très approfondie, sa petite musique sur la mise en abyme cinématographique avec ses écrans dans l’écran et ses personnages qui finissent par se confondre avec leurs interprètes. Le tout en courte focale pour déformer sans cesse l’espace. C’est très beau, c’est impressionnant, mais on s’essouffle vite passée la première heure. Difficile, en outre, de dire précisément ce qu’il nous a apporté, même si quelques images restent en tête. Certainement qu’un deuxième visionnage s’impose.

Annotation :

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