Les meilleurs films français selon Marius Jouanny
35 films
créée il y a presque 10 ans · modifiée il y a environ 4 ansLe Trou (1960)
2 h 12 min. Sortie : 18 mars 1960. Policier, Drame, Thriller
Film de Jacques Becker
Marius Jouanny a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Film d'évasion magistralement orchestré, "Le Trou" fascine par le mécanisme astucieux et parfaitement huilé que les cinq prisonniers conçoivent pour s'évader. Il y a quelque chose de complètement grisant à les voir s'affairer jour et nuit à l'application de leur échappatoire, avec une volonté inébranlable.
On est transporté par l'espoir distillé tout au long du film, les rebondissements, et bien sûr par des acteurs aux gueules marquantes, qui ajoutent un aspect très réaliste au film. Chaque détails amplifient d'ailleurs cette sensation de réalisme, tout comme la mise en scène qui se place souvent au plus près des personnages. Reste un plan, où deux des prisonniers, bougies en mains, s'enfoncent dans un tunnel. La caméra fixe, située derrière eux, filme leur lente avancée, plongeant peu à peu le cadre dans l'obscurité. L'effet est saisissant.
Le Salaire de la peur (1953)
2 h 28 min. Sortie : 22 avril 1953 (France). Aventure, Drame, Thriller
Film de Henri-Georges Clouzot
Marius Jouanny a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
J'ai du mal à trouver les mots pour qualifier un tel chef-d'oeuvre du cinéma français. Clouzot réunit en un seul film tout ce qui fait son génie de narrateur et de formaliste du cinéma. En terme de pure tension cinématographique, il organise le montage et le rythme des séquences d'une telle manière que le film est un cas d'école unique en son genre comme l'est "Les Diaboliques". Il faut dire que le postulat narratif est pour le moins fertile (la traversée d'un désert sur un chemin chaotique par deux camions remplis de nitroglycérine) mais c'est surtout son traitement qui m'a rendu ébahi et accroché de bout en bout. Les obstacles s'enchaînent avec une gradation parfaitement maîtrisée, rendant les quatre personnages victimes de leur peur, leur appât du gain et tout simplement d'un hasard mortel et arbitraire.
Mais surtout, la toile de fond sociale, qui réunit des paumés capables du plus abject et dangereux des travaux pour sortir de leur trou, est d'une pertinence rare. Elle croise un propos sur l'exploitation humaine à plusieurs couches, que ce soit l'exploitation du corps d'une serveuse par son patron, l'exploitation des populations et des ressources d'Amérique du Sud par la compagnie pétrolière, et plus largement l'exploitation de la misère humaine. Dans cette optique Clouzot ne fait preuve d'aucun manichéisme, tant les deux personnages principaux sont des salauds sans nom. Loin de les excuser, il va pourtant les rendre empathique à mesure que leur chemin de croix les rabaisse et les détruit physiquement et mentalement. Je suis ressorti de la séance lessivé, comme Yves Montand au retour de son périple dans la dernière scène du film.
Mauvais sang (1986)
1 h 56 min. Sortie : 26 novembre 1986. Policier, Drame, Thriller
Film de Leos Carax
Marius Jouanny a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Rétrospectivement, « Mauvais Sang » est un des sommets lyriques du cinéma français parmi les plus sincères et hors-normes. Deuxième film de Carax, il a déjà tout du métrage indomptable et indétrônable, passant chacun de ses éléments narratifs et visuels au fil d’un imaginaire débridé et imprévisible. Bourré de fausses pistes, le film ressemble au premier abord à un polar avec comme toile de fond une vision fantasmée de Paris où les immeubles comme les rues paraissent provenir d’un autre monde. Pour parachever cet univers romantique où les fruits tombent de nulle part et les corps s’enlacent dans un sublime saut en parachute, Carax y ajoute même une épée de Damoclès atypique : les rumeurs d’une maladie touchant les personnes faisant l’amour sans s’aimer…
Mais tout cela est finalement bien secondaire, et le réalisateur prend les attentes du spectateur à contrepied, en faisant durer à l’envi une nuit où les chaînes d’un amour contrarié et impossible vont sceller le cœur de Denis Lavant, toujours le regard perçant et l’élégance marquée par une énergie vitale quasi-érotique et en tous les cas éreintante. Sa puissance émotive, il la consume par une succession de fuites en avant dont l’une d’entre elle, rythmée par « Modern Love » de Bowie, tient carrément du génie. Il faut dire qu’avec Juliette Binoche, sa tête a de quoi tourner, et ses tripes ne faire qu’un tour, bétonnés qu’ils sont d’une solitude qui ne l’a pas quittée depuis son séjour en taule. Ebouriffant et inventif à chaque plan, le cinéma de Carax ne néglige ici ni le rythme, ni la dramaturgie et encore moins la mise en scène, qui dans les derniers moments du film accompagne la tragédie avec une pudeur foudroyante.
La Vérité (1960)
2 h 10 min. Sortie : 2 novembre 1960. Drame
Film de Henri-Georges Clouzot
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Clouzot semble formuler ici sa réflexion sur la société la plus directe et la plus percutante. Film de tribunal, dialogue de rupture générationnelle, tragédie romantique « La Vérité » est tout cela et bien plus encore. C'est un brûlot contre le système judiciaire et une plaidoirie défendant l’irrationalité et l'oisiveté moderne contre un regard moralisateur qui ne cherche jamais à comprendre, mais seulement à accabler. L'ambiguïté de la position morale de Brigitte Bardot dans sa relation avec un bourgeois égocentrique jusqu'au meurtre est ainsi parfaitement exprimée, aussi bien par l'interprétation de l'actrice que par l'écriture du film. L'avocat général parfait salaud interprété par Paul Meurisse, l'avocat de la défense, les jurys et le public, Clouzot décrit scrupuleusement une mascarade qui laisse un goût amer. Les faits se dévoilent peu à peu au spectateur par des flash-back au montage très astucieux, proposant une radiographie de la jeunesse des années 60 typique et pourtant si juste. Clouzot avait beau avoir 53 ans à la sortie du film, c'était loin d'être un vieux con et il montre qu'il a bien compris les contradictions et les paradoxes de la vie d'une jeune femme encore trop jeune pour être adulte mais trop âgée pour être tout à fait innocente. A la fin du film c'est pourtant son innocence qui nous éclate au visage, et la pureté immaculée de son geste fatal. J'avais lu finalement que Clouzot abandonnait son classicisme formel avec « La Vérité ». Si dans la non-linéarité de sa narration je peux l'admettre, je ne vois pas trop comment justifier globalement un tel commentaire sur ce film, qui aborde surtout les thématiques du cinéma de Clouzot avec moins de détours et d'humour, plus d'acidité et de noirceur.
La Passion de Jeanne d'Arc (1928)
1 h 40 min. Sortie : 25 octobre 1928. Drame, Historique, Muet
Film de Carl Theodor Dreyer
Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
L'Armée des ombres (1969)
2 h 25 min. Sortie : 12 septembre 1969 (France). Drame, Guerre
Film de Jean-Pierre Melville
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Ce classique du cinéma français mérite bien son titre : avec une atmosphère dont la noirceur est à couper au couteau, Melville peint le portrait brillants de quelques résistants aux débuts de l'occupation. C'est ici moins une guerre asymétrique qu'un combat désespéré pour rester debout face à l'envahisseur : trop peu épaulés par les alliés, les résistants de 1941 à 1943 furent massacrés alors qu'ils faisaient parti d'une organisation impuissante. Ce n'est pas pour rien que les personnages passent tout le film à fuir, se faire arrêter, torturer, emprisonner, à exécuter les traîtres et à vainement tenter de délivrer leurs compagnons d'armes.
Ce cercle vicieux, dont le paroxysme est certainement la scène d'exécution où les Allemands laissent courir les condamnés en leur laissant croire à une chance de survie, est retranscrit avec une rigueur narrative remarquable par le cinéaste. Au point de donner à son récit des accents distopiques : on se croirait parfois dans une adaptation officieuse de "1984" tellement le regard des résistants, toujours terrés dans l'ombre, toujours à sillonner les endroits déserts pour se réunir, est celui de condamnés en sursis. Certains effets ont peut-être un peu mal vieilli (la pluie artificiel du générique de début est... risible) mais n’entachent pas le plaisir de découvrir un Lino Ventura fidèle à lui-même, pris dans un engrenage excluant tout moment d'accalmie et tout plaisir . C'est lorsqu'il rentre dans un bar à Londres peu avant son retour en France, voyant des couples s'enlacer et prendre du bon temps, qu'il prend conscience de sa condition de fantôme bientôt gisant.
Les Amants du Pont-Neuf (1991)
2 h 05 min. Sortie : 16 octobre 1991 (France). Drame, Romance
Film de Leos Carax
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Avec « Les Amants du Pont-Neuf », Carax révolutionne son rapport à l’amour : beau et idéalisé (platonique, aussi) dans « Mauvais Sang », notamment par une pudeur jamais mise à nue bien qu’éclaboussée par le sang et les larmes dans la conclusion, il devient ici tout l’inverse. Denis Lavant et Juliette Binoche sont toujours au rendez-vous, mais tous deux en tant que SDF profitant de la fermeture du Pont-Neuf aux passants pour y trouver refuge, lui le crâne rasé et le front écorché, elle borgne bientôt aveugle et les cheveux encrassés. La vision n’en est pas moins sublime : le réalisateur montre que d’une réalité matérielle des plus indésirables peut naître un sentiment d’autant plus profond et viscéral. Surtout que la relation est malsaine sous bien des aspects : Denis Lavant est maladivement possessif, désirant la cécité de Binoche pour mieux exercer son emprise sur elle, là où un Chaplin fait tous les sacrifices pour faire recouvrir la vue à sa bien-aimée dans « Les Lumières de la ville ». Quant à Binoche, on peut légitimement se demander si elle ne cède pas à lui par pur opportunisme.
Seulement, l’osmose qu’ils forment tous deux n’est jamais affaiblie, jamais essoufflée, même par le plus long et étranglé des fous rire, même par la séparation et le faux désamour. Carax est plus que jamais un cinéaste de l’effervescence du mouvement, et s’en donne ici à cœur joie : d’une fête du 14 juillet proprement surréaliste et brillante de mille feux aux corps sans cesse pris d’un souffle de vie d’une vitesse folle, il occupe toujours sa place hors-norme dans le paysage cinématographique français. Impulsif, cracheur de feu et violent, le personnage de Denis Lavant aurait pu parasiter toute la subtilité de l’affect, il n’en est pourtant rien : en équilibrant les rapports du couple par un troisième SDF usé par la vie, puis par la plus charmante déclaration d’amour (« Le ciel est blanc, aujourd’hui ») Carax tempère ses ardeurs parfois à la limite du grotesque pour finir sur l’émulsion improbable de deux êtres que tout séparait a priori, sur Les Rita Mitsouko. Qui, je le rappelle, avaient aussi chanté « les histoires d’amour finissent mal en général ». Comme quoi…
Les Diaboliques (1955)
1 h 57 min. Sortie : 29 janvier 1955 (France). Drame, Policier, Thriller
Film de Henri-Georges Clouzot
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Difficile de trouver les mots pour un tel chef-d’œuvre, qui concentre toute l'amertume que le réalisateur porte sur les relations sociales et toute la virtuosité qu'il déploie pour produire un thriller en bonne et due forme. Twist narratif, scènes glaçantes, phénomènes inexplicables et potentiellement surnaturels, toute la recette est récitée sans que pourtant à une seule seconde Clouzot ne tombe dans le domaine du prévisible. La tension est alors gérée d'une main de maître, à grand renfort d'effets de montage visuels géniaux parfaitement accouplés au montage sonore et de mouvements de caméra qui font tout le sel de la scène de dénouement, terrifiante et monumentale. M'est avis qu'on pourrait démontrer sa richesse formelle dans les écoles de cinéma au même titre que la scène de la douche de « Psychose » ou celle de l'avion dans « La Mort aux trousses ». La violence distillée par le métrage est d'autant plus perverse avec cette conclusion, qui fonde l'ambiguïté d'un trio de personnages forts et excellemment interprétés (Simone Signoret, notamment) alors que le postulat narratif initial se basait déjà sur une situation de de domination phallocrate révulsante. Dans les moindres détails, de l'expression « ma petite ruine » à la scène de la baignoire, Clouzot impose au spectateur une posture morale ambivalente qui déconstruit le monde de l'enseignement scolaire et la cellule familiale jusque dans leurs dernières fondations. « Les diaboliques » révèle toute la perfection du cinéma de Clouzot, à la fois classique et iconoclaste, jouant aussi bien avec la crédulité du spectateur qu'avec ses représentations sociales.
Le Corbeau (1943)
1 h 32 min. Sortie : 28 septembre 1943 (France). Drame, Policier
Film de Henri-Georges Clouzot
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Je n'en reviens pas que ce film ai pu sortir pendant l'occupation, car quelle satire sociale ! Clouzot dresse le portrait acide d'un petit village de campagne comme les autres, où le vernis des relations sociales est gratté par un rédacteur de lettre anonymes, signées Le Corbeau. Les opinions de l'époque sont décrite avec une lucidité et un sens du verbe remarquables, avec au centre du terrain d'observation un médecin de campagne bien mystérieux car beaucoup trop distingué pour le milieu dans lequel il vit. La révélation de son secret dans une scène flamboyante et sa romance avec la voisine aux mœurs légères sont improbables, mais admirablement traitées car elles confèrent à la narration un fil rouge et un contrepoint moins détaché à un récit qui est d'autre part presque flaubertien. Sondant aussi bien les relations entre classes sociales qu'entre sœurs et entre mari et femme, Clouzot ne relâche jamais sa verve théâtrale interprétée par des acteurs au phrasé irrésistible pour nous présenter une société en conflit perpétuel, où les notables ne pensent qu'à conserver leur poste en cherchant un bouc émissaire pour résoudre l'affaire du Corbeau et où les élans cathartiques de la foule rappellent ceux de « M le maudit » et de « La Nuit du Chasseur ». Tout cela est certes traité avec une forme très classique, mais Clouzot propose en réalité une discrète virtuosité tant ses cadrages et le montage accompagnent la dramaturgie avec un sens aiguisé de la mise en scène. Voilà du très grand cinéma français, je ne peux expliquer le mépris qu'avaient les auteurs et critiques de la Nouvelle Vague pour Clouzot que par une seule chose, si ce n'est son style d'écriture très théâtral : ils enviaient secrètement son génie cinématographique.
Jusqu'à la garde (2018)
1 h 33 min. Sortie : 7 février 2018. Drame
Film de Xavier Legrand
Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Xavier Legrand, pour son premier long métrage, s'impose avec grandiose dans le paysage du cinéma français. Il prend à revers tous les automatismes de mise en scène dramatique que les cinéastes français ont tendance à rabâcher depuis un certain temps, et ce avec le sujet très galvaudé du divorce et des violences conjugales. A mi-chemin entre le réalisme sobre et le thriller intimiste, il emprunte un chemin cinématographique fertile, se reposant principalement sur l'interprétation exceptionnelle de ses acteurs et sur quelques effets de mise en scène discrets (sur la profondeur de champ, notamment) qui viennent renforcer la tension dramatique jusque dans une acmé comme il est rare d'en voir au cinéma. Le cinéaste embrasse l'ambivalence à tous points de vue, jusque dans son écriture où le père violent, bien qu'acteur de la violence masculine, est aussi un monstre de désespoir parfaitement incarné. En contrechamp, son fils inquiet d'assister à de nouveaux coups portés à sa mère est aussi incroyable de justesse. Entre pudeur intimiste (les derniers instants dans la baignoire après la tempête sont les plus intenses du film) et tension psychologique, "Jusqu'à la garde" étonne et réjouit tant il s'écarte avec pertinence des productions dramatiques habituelles.
Portrait de la jeune fille en feu (2019)
1 h 59 min. Sortie : 18 septembre 2019. Drame, Historique, Romance
Film de Céline Sciamma
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Il y aurait beaucoup à dire sur ce quatrième film de Céline Sciamma, tant il se révèle être son métrage le plus ambitieux. Partant d'un intérêt pour une période de l'histoire (la seconde moitié du XVIIIème) qui fut une parenthèse enchantée pour les femmes peintres voulant exercer leur art en France, elle réalise un anti-biopic tellement son film dépasse très largement ce postulat initial. Car c'est avant tout un film sur l'amour, décrivant avec une sensibilité et une virtuosité peu commune la naissance du désir et de la passion amoureuse. Peu commune car le film prend son temps pour amener les choses, quitte à être un peu déconcertant dans sa première partie, pour mieux foudroyer ensuite. La démarche est d'autant plus louable qu'elle déploie une éthique de l'amour très touchante, avec un duo d'actrices furieusement douées. Et puis, entre le travail sur la bande-son, sur la suggestion des sentiments par la mise en scène, la forme est finalement aussi admirable que le fond.
Réalité (2014)
1 h 27 min. Sortie : 18 février 2015. Comédie
Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Génialement indescriptible.
Un prophète (2009)
2 h 35 min. Sortie : 26 août 2009. Drame, Policier, Gangster
Film de Jacques Audiard
Marius Jouanny a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Jacques Audiard signe une oeuvre-somme sur le système carcéral français et son économie souterraine fortement liée à celle des banlieues françaises. Ce, pour deux raisons : d'une part pour sa précision documentaire remarquable étayée par une narration qui permet de déballer l'attirail de détails signifiants sans que le rythme du film ne s'enraye. D'autre part parce que la superposition de registres fait des merveilles, là où elle dessert quelque peu le propos de "Dheepan" par exemple. "Un prophète" est tout à la fois un film ancré dans le réel et un film poétique sur la culpabilité d'un homme et son audace presque surnaturelle pour transcender sa condition. En cela, s'il reprend presque l'architecture narrative des films de Scorsese sur la montée sociale des mafieux (sans reprendre la deuxième partie qui en décrie la chute), il n'embrasse pas le registre mythologique pour lui substituer un onirisme surprenant et émouvant qui justifie pleinement le titre.
Les Misérables (2019)
1 h 44 min. Sortie : 20 novembre 2019. Drame
Film de Ladj Ly
Marius Jouanny a mis 7/10.
Annotation :
J'étais très lien de m'attendre à une telle claque. Ladj Ly a percuté précisément ce qui fait la grandeur d'un bon film politique : affirmer une vérité trop peu dite à un moment où il est crucial de la dire, avec un point de vue qui ne l'assène pas de manière dogmatique mais vient la scruter de manière empathique et dialectique. En l'occurrence, bien que le cinéaste et les acteurs du film soient tous issus et habitent les quartiers populaires du même acabit que celui du film, il ne s'agit pas d'un récit manichéen opposant les méchants policiers aux jeunes banlieusards victimisés. Le cinéaste, à la manière de Xavier Legrand l'année dernière à propos de la violence conjugale, explore les deux points de vue, non pas pour tomber dans le relativisme du style "oui, mais il y a aussi des flics gentils" mais pour montrer les logiques sociales à l'oeuvre, et un état d'esprit autoritaire qui dépasse les responsabilités individuelles.
Mais finalement ce qui en fait un film si marquant au delà de sa pertinence politique est l'inventivité de son écriture et de sa mise en scène. Les personnages brossés, l'enchaînement des événements rendant l'escalade de la violence parfaitement logique et compréhensible, le rythme sur un fil tendu qui fait monter la tension jusqu'à la scène finale paroxysmique... C'est d'abord du grand cinéma avant d'être un film à visée politique. Et ce ne sont pas les superbes images aériennes, l'interprétation impeccable des acteurs (et même les enfants !) et la force dramatique de certaines scènes, contrebalancées par quelques touches d'humour salvatrices, qui nous contrediront. Je veux bien parier mon poster de Romy Schneider que ce film s'en tire avec un prix à la fin de la semaine.
Naissance des pieuvres (2007)
1 h 25 min. Sortie : 15 août 2007. Drame, Romance
Film de Céline Sciamma
Marius Jouanny a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
L'épure de la mise en scène est désarmante, et rend très touchante ces émois d'adolescentes tourmentées. Sciamma décide de s'en tenir à l'essentiel : on ne voit jamais leurs parents, on suit les personnages à un nombre limité d'endroits, sur un temps court. Si un tel dispositif ne peut pas produire un drame en bonne et due forme, il peut conduire à un intimisme à fleur de peau, et c'est exactement ce qu'il fait. Et finalement, il n'en parle que d'autant mieux des contradictions de l'adolescence, des espoirs et des aspirations éveillés, permettant ainsi au spectateur de se projeter jusqu'au vertige dans la position ambiguë du personnage principal.
Le Cercle rouge (1970)
2 h 20 min. Sortie : 20 octobre 1970 (France). Policier, Thriller, Drame
Film de Jean-Pierre Melville
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Le genre du polar sied à Melville comme un gant : personnages solitaires et taciturnes (autant Delon en ex-taulard abandonné de la femme qu'il aime que Bourvil le flic vivant avec ses trois chats) se croisent dans une narration implacable, tout en non-dit. Il y a une science du rythme, par ce récit choral où l'on suit un bon moment plusieurs personnages sans déceler de liens entre eux, qui impose une rigueur contemplative sans jamais tomber dans la digression. Cela fait pas mal penser à Friedkin, finalement. Peut-être que cette histoire de cambriolage est vue et revue, mais la maîtrise formelle se délecte sans mdération au sein d'un casting haut en couleur, notamment Yves Montand délectable en tireur d'élite alcoolique.
La Cité des enfants perdus (1995)
1 h 52 min. Sortie : 17 mai 1995 (France). Aventure, Fantastique, Science-fiction
Film de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
L'expo Caro/Jeunet à Paris m'a donné furieusement envie de découvrir ce film, qui m'a finalement bien plus conquis que "Delicatessen". L'explication est simple : avec cette relation filiale entre Ron Perlman et une petite fille, les cinéastes introduisent du cœur au milieu de l'étrangeté, ce qui manquait au film précédemment cité. Certes, le déroulement est inégal, le film souffre de quelques passages à vide, mais c'est le prix à payer pour une ambiance poisseuse et passant d'un instant à l'autre du glauque au sublime. Et puis surtout, l'inventivité visuelle et le ludisme sont plus écrasants que jamais, tant le film regorge de détails étonnants et insolites. Voilà un credo du cinéma français qui manque cruellement aujourd'hui.
Casque d'or (1952)
1 h 36 min. Sortie : 13 mars 1952. Policier, Drame, Romance
Film de Jacques Becker
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Becker exploite une veine lyrique de son cinéma qui s'incarne de manière sublime par l'interprétation de Simone Signoret. Elle symbolise à elle seule toute la lucidité bienveillante dénuée de tout mépris qu'il porte sur ceux dont certains diraient qu'ils "ne sont rien". La narration dramatique fonctionne à merveille, porteuse de grands moments d'émotions. Mine de rien, sans aucune lourdeur démonstrative, Becker filme toute la perversité de la domination masculine. Doublant cette critique de celle d'une société où la police est complice de la délinquance, et l'on a tout de même un drame sublime doublé d'une satire sociale pertinente, même si elle n'est peut-être pas aussi aiguisée que celle d'un Clouzot.
La Haine (1995)
1 h 38 min. Sortie : 31 mai 1995. Drame
Film de Mathieu Kassovitz
Marius Jouanny a mis 6/10.
Annotation :
Certes, Kassovitz vers dans le spectaculaire voire le sensationnalisme. Certes, tout comme Les Misérables il prend fait et cause pour les émeutiers tout en évitant de trop se mouiller, de prôner explicitement l'autodéfense populaire et émeutière. N'empêche. La plupart des effets de mise en scène ne sont pas putassiers, ils sont surtout très bien réfléchis. Ils traduisent la subjectivité des personnages. Et malgré son caractère fictionnel, La Haine exprime une vérité sur la condition des banlieusards qui est constamment ignorée, méprisée. 25 ans après, il est toujours d'actualité. Du coup, en faire une suite me paraît presque hors de propos. Les Misérables de Ladj Ly et les films qu'il compte faire par la suite s'inscrive très bien dans la continuité de La Haine.
Ne croyez surtout pas que je hurle (2019)
1 h 15 min. Sortie : 25 septembre 2019. Biopic, Drame, Expérimental
Documentaire de Frank Beauvais
Marius Jouanny a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.
Persepolis (2007)
1 h 36 min. Sortie : 27 juin 2007. Animation, Biopic, Drame
Long-métrage d'animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (Winshluss)
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
N’y connaissant rien en cinéma français, celui-ci reste l’un de mes favoris. Il faut dire que la maîtrise du fond comme de la forme en fait un cas d’école en matière de cinéma d’animation français. Le travail d’adaptation est intelligent tout d’abord : Marjane épure le récit autobiographique de sa bande dessinée pour n’en garder que l’essentiel, et se permet de rajouter certains éléments qui n’étaient pas dans l’œuvre originale : si bien que le film est parfaitement complémentaire à la BD, bien que celle-ci reste plus complète et poignante. Cette épure impose en tout cas un rythme au cordeau : la fluidité réside dans les transitions, l’humour irrésistible au milieu du drame, notamment par un langage peu châtié, et une bande-son particulièrement bien travaillée.
En passant sans complexe de la couleur au noir et blanc pour les changements d’époques, et à une épure stylistique encore plus prononcée pour les passages de narrations historiques, le film est dense, propose à la fois une lecture historique de l’Iran des années 70 à 90 et le parcours d’une femme, de son enfance à son adulescence. Formellement, c’est aussi une petite merveille : le savoir-faire visuel est prodigieux, impressionnant de simplicité, d’expression et d’efficacité. Le mérite n’est d’ailleurs pas entièrement dû à Marjane mais aussi à Vincent Paronnaud co-réalisateur du film, connu sous le nom de Winshluss pour sa casquette d’auteur de BD, autre grand auteur de la BD indépendante des années 2000. « Persepolis », se voulant à la fois universel, intimiste, drôle, émouvant, parvient à un résultat peu commun, lançant la carrière ciné d’une réalisatrice plutôt discrète depuis. « The Voices » qu’elle a sortie l’année dernière est néanmoins tout aussi inventif et réjouissant, et son prochain long-métrage est prévu pour l’année prochaine. Marjane ne s’est donc pas non plus éclipsée du paysage cinématographique après ce premier film, bien qu’elle ai malheureusement arrêtée la BD depuis 2004.
Ridicule (1996)
1 h 42 min. Sortie : 9 mai 1996 (France). Comédie dramatique, Historique, Romance
Film de Patrice Leconte
Marius Jouanny a mis 8/10.
Les Frères Sisters (2018)
The Sisters Brothers
2 h 02 min. Sortie : 19 septembre 2018. Western, Drame, Policier
Film de Jacques Audiard
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Après Scott Cooper avec "Hostiles", c'est à Jacques Audiard de se réapproprier le genre western cette année, avec tout autant de réussite. Le cinéaste s'aventure là où on ne l'attendait pas,et parvient à garder ses mêmes registres intimistes et oniriques dans un décor pourtant chargé de poncifs. La réussite est tout d'abord sur le plan de l'écriture, et celle des personnages (interprétés par quatre excellents acteurs) en particulier : par moult détails narratifs (surtout pour le personnage de John C. Reilly, qui touche droit au cœur), Audiard parvient à humaniser un duo de frères salauds, et à les faire évoluer face à l'idéalisme de leurs deux antagonistes sans que cela paraisse artificiel.
Cette confrontation est l'occasion de considérations idéologiques et morales essentielles pour remettre en cause l'hégémonie de la violence et du pouvoir économique dont les frères Sisters sont les chiens de garde en voie de repentance. L'épilogue, certes un peu facile, est l'achèvement profondément touchant de cette évolution. Ne se contentant pas de faire l'anthropologie de la violence et des dérives de la science, Audiard fait donc dans le même temps celle de l'amour et de l'utopie. Tout cela dans une forme somptueuse, où les scènes nocturnes hérissent le poil, la bande-son porte l'émotion à bras-le-corps, et où les échappées irréelles qui caractérisent le cinéaste, si elles se font discrètes, rajoutent à la consistance de la réalisation.
Un long dimanche de fiançailles (2004)
2 h 13 min. Sortie : 27 octobre 2004. Drame, Romance, Guerre
Film de Jean-Pierre Jeunet
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
L'avis général sur ce film m'est assez incompréhensible, tant j'y vois un fier représentant du cinéma de Jeunet, qui s'adresse à n'importe qui avec une sensibilité très personnelle et intimiste. Pourquoi ne rien concéder aux qualités de ce "Long dimanche de fiançailles" et pardonner les grosses errances d'écriture du récent "Au revoir là-haut" qui en est une version édulcorée à mon sens ? Certes, ce Jeunet est un peu long et moins bien rythmé que d'autres, mais en alliant un regard sans filtre sur la guerre des tranchées et un idéalisme amoureux assez similaire à celui d'Amélie Poulain, il propose un regard admirable sur un traumatisme national. Surtout, son montage si caractéristique est toujours aussi efficace, et me rappelle à quel point l'effusion d'idées drôles et réjouissantes de ce cinéaste manque au cinéma français actuel.
Le Cinquième Élément (1997)
The Fifth Element
2 h 06 min. Sortie : 7 mai 1997. Action, Aventure, Science-fiction
Film de Luc Besson
Marius Jouanny a mis 8/10.
Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001)
2 h 02 min. Sortie : 25 avril 2001. Comédie romantique
Film de Jean-Pierre Jeunet
Marius Jouanny a mis 8/10.
Nikita (1990)
1 h 58 min. Sortie : 21 février 1990 (France). Action, Drame, Thriller
Film de Luc Besson
Marius Jouanny a mis 8/10.
Un condamné à mort s'est échappé (1956)
1 h 41 min. Sortie : 11 novembre 1956. Drame, Guerre
Film de Robert Bresson
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
La réussite de ce film de Bresson tient en un mot, comme il l'annonce en introduction : simplicité. Il n'atteint certes pas la précision chirurgicale et la force empathique du "Trou" de Becker, mais sa science de la narration est d'une très grande efficacité pour décrire avec pudeur le quotidien de ce résistant condamné à mort. Le suspens est soigneusement amené, et même la voix-off n'est pas trop encombrante.
Les Quatre Cents Coups (1959)
1 h 39 min. Sortie : 3 juin 1959. Policier, Drame
Film de François Truffaut
Marius Jouanny a mis 8/10.
Annotation :
Truffaut propose une introspection dans la vie d'un enfant criante de vérité, et d'autant plus émouvante qu'elle est d'une sobriété et d'une pudeur très mature pour un premier long-métrage. Le traitement de la vie de cet enfant qui fugue une cellule familiale éprouvante m'a étrangement beaucoup évoqué "Un condamné à mort s'est échappé" de Bresson. Mais la comparaison ne me paraît pas si absurde, tant il s'agit dans les deux cas d'un individu face à un système qui l'enferme et qui l'opprime.
Nocturama (2016)
2 h 10 min. Sortie : 31 août 2016. Drame, Policier
Film de Bertrand Bonello
Marius Jouanny a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Voir critique.