Douze ans avant Portrait de la jeune fille en feu, il faut se rappeler les débuts de Céline Sciamma et Adèle Haenel au cinéma. Il s'agissait déjà de passion amoureuse, toutefois très éloignée de la relation qu'entretiennent Héloïse et Marianne. Alors que pour son quatrième film Céline Sciamma ose proposer une idylle, catalysant toute une réflexion éthique sur le regard amoureux, son premier s'intéressait aux émois de l'adolescence. Dans Naissance des pieuvres, Marie, Anne et Floriane sont incapables de s'aimer, se heurtant aux malentendus et aux dégoûts respectifs qui les ramènent chacune à leur propre solitude. Sciamma décide de s'en tenir à l'essentiel : tout comme dans Bande de filles, l'absence totale des parents ainsi que les longues scènes d'intérieures exacerbent un intimisme féminin troublant. Il est tentant d'y voir une première proposition moins mature que la dernière, à l'image des relations passionnelles qu'elles narrent. Pourtant, même dans ses aspects les plus maladroits, la mise en scène épurée exprime des vérités profondes sur le malaise adolescent et l'éveil du désir. Elle amène enfin le spectateur à se projeter jusqu'au vertige dans ce triangle amoureux opaque, dont l'apparente futilité renferme une émotion brute.
Cette critique a été écrite pour candidater au Jury 2020 du Prix étudiant du cinéma organisé par France Culture. La seule contrainte était de proposer un texte de 1000 caractères au maximum. Autant vous dire qu'il a fallu que je pèse chacun de mes mots...