C'est dans les mauvaises marmites, vieilles ou récentes, qu'on fait les mauvaises soupes.

Je suis embarrassé : Je ne comprends pas les retours critiques, positifs voir dithyrambiques, à propos de Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes et je peine à y voir autre chose qu'une forme de complaisance. D'ailleurs il n'est pas rare d'y lire des formules pour dire en substance 'si on excepte tout ce qui est mauvais c'est vraiment très bien' ou sa variante ambiguë 'c'est old school', comprendre par là à la fois que c'était mieux avant et que ça justifiera aussi tout ce qui semble raté. Nonobstant par là le fait qu'il y avait dans un lointain passé des jeux sans les défauts que l'on prête aujourd'hui aux jeux 'old school' et que partie de ces défauts tenaient moins à des choix de game design qu'à des contraintes techniques injustifiables aujourd'hui (raison pour laquelle ils ont disparu à la première occasion).


Mon impression est Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est un jeu qui, tout en proclamant son héritage 'old school', transpire une forme de paresse intellectuelle en ne cherchant ni à donner du sens à ses nombreuses mécaniques souvent superficielles, ni à proposer une aventure particulièrement rythmée ou inventive, et encore moins à rendre l'expérience de jeu agréable pour le joueur.


Le système de combat ne présente quasiment aucun intérêt tactique et la présence d'un mode de résolution automatique (mais qui n'épargne pas de voir l'affrontement se dérouler à l'écran) est une forme d'aveu de l'ennui ludique qu'il propose. Le jeu tente péniblement d'injecter de l'intérêt lors des combats de boss, en particulier avec la mécanique peu convaincante des 'gimmicks', un genre d'action contextuelle ad hoc.

Pire les combats reprennent la formule des rencontres aléatoires non matérialisées à l'écran (et donc inévitables) et n'offrent aucune contrepartie, même pas celui (très old-school justement) du levelling : les récompenses sont rares et sans intérêt et, pour contrôler la progression, le gain d'xp chute brutalement une fois le niveau de la zone en cours atteint (l'utilité de ces combats se limitant à permettre le rattrapage de niveau des personnages inusités). J'ai l'impression d'une punition chaque fois qu'un combat commence.

Et pourtant ça reste mieux que les duels ennuyeux ou les longs et pénibles combats façon wargame simplifié sur un champ de bataille.


Le level design se limite soit à des donjons sous forme de couloirs plus ou moins labyrinthiques (et avec un concept très intrigant qui consiste à passer derrière le décor, sans effet de transparence ou déplacement de la caméra, qu'on ne contrôle que sur la carte où c'est parfaitement inutile) dont les cul-de-sac se terminent invariablement par un coffre, des puzzles basiques et rarement intéressants, soit à des villages vides et sans vie. Le tout délimité par des clôtures grossières pour enfermer le joueur dans son pré en attendant la suite du scénario.

Et si je n'ai pas joué suffisamment pour me prononcer sur le scénario la narration est très poussive, tronçonnée entre courtes cinématiques (avec personnages stéréotypés à outrance et humour niveau primaire) et contrôle laissé au joueur souvent sans raison évidente (genre franchir une porte ?). Le tout avec, 3D oblige, un temps de chargement assez court mais omniprésent. Jusqu'à offrir des moments absurdes comme nous laisser en pleine cinématique avec le contrôle d'un PNJ inconnu dans un lieu inconnu, histoire de tourner en rond pour trouver le lieu qui déclenchera la suite de ladite cinématique...


L'ergonomie est une plaie permanente : de l'inventaire exagérément réduit (et la nécessité de passer par un PNJ - mais pas en donjon - pour échanger entre son inventaire et son stock), aux runes qui ne peuvent être changées que via un PNJ donné, tout comme la composition de son équipe, aux menus sont nombreux et parfois très mal organisés, à l'indicateur de quête qui brille régulièrement par son absence (et pour ne rien gâcher certains événements sont assez mal scriptés) qui fait qu'on se retrouve à refaire le tour des lieux accessibles pour trouver la suite, en passant par le tutoriel qui explique certaines choses évidentes et en passe d'autres sous silence et, évidemment, jusqu'à la sauvegarde limitée aux points de sauvegarde parfois chichement distribués (une sauvegarde automatique en quittant le jeu serait quand même la moindre des choses).


Le pire c'est que je sais que je n'ai pas encore tout vu : les ressources et le commerce, le développement de son château, les mini-jeux, et sans doute plein d'autres systèmes superficiels et inaboutis. Et pour le peu que j'en ai découvert l'univers me paraît proposer de la fantasy lambda (on retrouve les poncifs de pas mal de vieux - et jeunes - J-RPG justement, ce qui n'empêche pas certains d'être d'excellents jeux par ailleurs) sans chercher la moindre idée percutante ou encore à proposer un monde fouillé et crédible.

Peut-être que toutes les pièces s'assemblent à un moment et font sens entre elles mais, après 10 heures de jeu (ressenties comme une punition), je n'y crois plus guère et ça me semble de toute manière trop attendre du joueur si c'est le cas.


Je me sentais un peu embêté avec ma critique en jachère jusqu'à jouer le donjon des Proving Grounds : je me suis ravisé devant un level design aussi calamiteux. A ce niveau on touche à une forme de torture et je ne suis pas masochiste (enfin pas trop).

Tout ça me laisse l'impression de développeurs qui ont travaillé en vase clos, déconnectés du monde vidéo-ludique et sans se soucier de proposer quelque chose de cohérent et de satisfaisant sur le plan ludique, manifestement surtout préoccupés par leur 'Hundred Heroes' (tous doublés... pour un résultat honorable d'ailleurs - quand ce n'est pas confondant de niaiserie il y a même quelques punchlines réussies - mais je ne suis pas certain que ce soit la meilleure utilisation faite du budget compte tenu du reste).


Étant entendu que ce pavé relève moins d'une critique que d'impressions à chaud qui peut-être auraient été démenties si j'avais poussé l'expérience plus loin au lieu de soulager mon SSD de 20 Go.

bunnypookah
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le 26 avr. 2024

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bunnypookah

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