Artistiquement on se balade

On va commencer par la principale critique adressée à 13 Organisé : les morceaux sont systématiquement trop longs et inégaux. C'est vrai ! Mais qu'est ce qu'on s'en bat les couilles !

C'est quoi que les gens comprennent pas dans l'esprit de ce projet ? Sa raison d'être, c'est de rassembler, avant même de faire un bon disque de rap. Dire que les nuls ont autant leur place que les bons, ça dépasse les frontières de la musique, sinon pourquoi Menzo aurait autant de couplets que le Rat Luciano sur les albums de la FF ? Et si Banguiz, que vous ne connaissez pas et moi non plus, touchera autant de thunes que Jul pour cet album, c'est bien parce que le mec qui l'a conçu avait une vision et qu'il est allé au bout de celle-ci. Ou la preuve qu'on peut s'habiller en Kalenji et avoir la classe absolue.

Après, clairement, quand tu vois qu'Elams a 4 couplets alors que Don Choa n'en a qu'un, bon... Et je parle même pas des quelques absences assez surprenantes (YL, 3e Œil), et d'autres certainement plus politiques (Mehdi YZ, Kalif Hardcore) qui nous rappellent que Marseille c'est pas non plus Eurodisney dans les couloirs. Mais avec un projet aussi ambitieux, il était de toute façon impossible d'avoir un casting exhaustif, et ça ne doit pas nous faire oublier comment on a tous saigné du nez quand le tracklisting a été révélé. C'est prodigieux d'avoir rassemblé autant de rappeurs, autant d'écoles, autant d'époques sur une compilation. C'est encore plus prodigieux d'avoir ramené un Stone Black à un niveau aussi honorable. Et oui, Sysa est aussi prodigieux sur un sample de Polnareff que dans du PAW PAW PAW PAW.

Mais posons quand-même la vraie question : c'est qui le meilleur sur 13 Organisé ? Alors évidemment il y a SCH, dont tous les gens sérieux savent déjà qu'il a sa place chez les plus grands, mais qui lui, contrairement aux autres monuments phocéens présents, vit actuellement son prime. Donc ok, il est facile. Mais perso, je sais que le premier qui me viendra en tête en repensant à cet album, c'est l'Algérino. Venu comme pour réparer l'injustice de n'être jamais cité dans les rappeurs qui ont le plus influencé la musique de cette ville (y'a des gens qui pensent vraiment que c'est Luciano le papa de Jul ?), il rappelle au passage qu'il a été un vrai kickeur avant de se consacrer à la zumba, sans pour autant mettre de côté le chant et l'autotune, et déborde d'attitude. Bref, il est flamboyant le 100.

Plus globalement, quelques titres resteront classiques, c'est une évidence.

Je suis Marseille, pour commencer, parce que sur le papier y'avait de toute façon pas moyen qu'il en soit autrement : l'instru mythique, mais pas cramée non plus, de Marseille la Nuit revisitée grâce à l'incroyable refrain autotuné de Fahar, Jul qui se fait plaisir en calant son couplet entre AKH et Shurik'n, SCH et le Rat qui se répondent, Alonzo plutôt que Sopra, la chemise à l'Algé... On en oublierait presque de se demander pourquoi y'a la voix de Morgan Freeman au début du morceau.

Combien, aussi, dans la plus pure tradition marseillaise des morceaux adorés de tous mais à jamais pas clippés. D'ailleurs, j'ai plus l'impression d'entendre un morceau de Jul en feat avec 13 gars qu'un morceau du 13 Organisé. Peut-être c'est à cause de ce refrain dont il a le secret, fédérateur et mélancolique à la fois, ou alors son couplet... bordel mais ce couplet les amis, des frissons à chaque fois.

Et puis Bande Organisée, forcément. De toute façon on aura pas le choix. Mais plutôt que la qualité du morceau, dont on pourra toujours discuter le surcotage, ou le fait qu'il bénéficie de l'incontestable hype marseillaise de 2020, retenons le symbole : le tube de l'année est un freestyle de 6 minutes où la moitié des couplets sont rincés. On en revient à ce que je disais au début : parfois, y'a des choses plus importantes que la musique, c'est comme ça.

Et pour un casting plus sélectif, des combinaisons bien pensées et des morceaux mieux construits, on attendra Chronique de Mars vol. 3 dont le premier feat annoncé, Akhenaton et SCH, me rend déjà nostalgique des quartiers de Napoli que je n'ai jamais connu.

Par contre le J, t'as pas un peu oublié le Muge ?