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Album de Diapsiquir (2016)

La décadence de la décadence

Un ensemble de titres qui sonnent bâclés, patchworks et inconsistants à la première écoute : pas de structure couplet/refrain, pas de gros break, pas de grosse accélération ni de chevauchée épique - et qui pourtant prennent tout leur sens et dévoilent une cohérence au fil des écoutes, essentiellement par les thèmes des paroles qui tendent à former une suite incrémentielle plus ou moins logique, qui s'autoréférence et procède par boucles répétitives. Si bien qu'à la fin ils sonnent comme une évidence, malgré les nombreux choix sonores improbables et décalés : chant faux, autotune, jeu de guitare "naïf", essentialiste, "déconstructionniste". Des sérénades comme habitées d'un troisième degré éthylique sur la forme, collé au cul du sérieux le plus strict, triste et macabre (je vous ferai pas l'affront (national) d'utiliser "glauque") sur le fond.


Un album bien plus travaillé et riche qu'il n'y paraît, et qui fait la part belle aux paroles ; presque autant qu'aux instruments, ce qui donne une double lecture à la fois littéraire (et littérale), ainsi qu'instrumentale, de l'oeuvre. L'attention se porte donc plus ou moins sur l'un ou l'autre en fonction des écoutes. Une approche diamétralement opposée au background Metal (au sens large) des sieurs, pour sûr. Ledit Metal qui a tendance à mettre le signifié du chant sur la touche, pour le considérer comme un instrument supplémentaire, plus organique. Remarque d'autant plus valable quand on est francophone et que de toute manière on ne comprend rien à ce qu'on nous assène comme allant de soi (merci le plan Marshall) avec un accent des States des plus parfaits.


Evidemment, l'instrumental est d'emblée le plus évident (combo x2), mais une fois que les paroles nous sont plus familières, à force d'écoute et de décodage attentif au casque pour discerner au mieux les élucubrations en syllabes, troncatures et phonèmes, et ainsi mieux situer les instrus, on s'accroche à une punchline, à une citation, à un refrain fugace, et en bout de course ça éclaire le reste. On pénètre alors petit à petit l'univers par la lame et le vit, jusqu'à ce que les imperfections n'en soient plus, mais contribuent à faire tout le charme de cette peinture au vitriol de la (sale) vie (comme Bataille, Lautréamont et Sade ont pu la décrire ; wink wink). Tout ça sans jamais épuiser la quintessence de cette succession de plans improbables au mariage hétérogène, enclavé qu'on est dans une perpétuelle redécouverte masochiste (le fameux syndrome de Stockholm de "Tabula Rasa").


L'instru et les paroles se complimentent, se parlent d'égal à égal, dans un décorum étrange, urbain, pervers, vicieux, sexuel, homophobe, (anti)pédophile, puérile, innocent, lucide, alcoolisé, égoïste, libertaire, déçu, solitaire, nihiliste, autodérisoire, décadent, drogué, violent, malsain. En somme, profane, puis religieux, puisque Dieu semble bien être le fil conducteur de ce chemin de croix. Tout ça mâtiné de l'esprit tordu du Rap hardcore, de la froideur mécanique du Trip-Hop, de la malice du Post-Punk déglingué, de chanson française (clin d'oeil à Michel Berger dans "Minute de silence"), de BO de film et de musique extrême (BM, Noise, Drone) plus que digérée ; comme chiée sur la moquette, sans artifices.


À bas les masques, à bas la beauté. La mission de ces saltimbanques est accomplie : renverser les valeurs de la monarchie morale et culturelle et faire du mardi gras un jour éternel.


"Vous m'ennuyez. Ouais, toi qui écoutes, pire, qui écris ce que tu ne comprends pas. Alors chut... chut...".

Adrast
9
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le 1 déc. 2016

Critique lue 754 fois

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Adrast

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