Oui, ce concert du 15 décembre 78 fait partie des albums que tous les fans du Boss doivent posséder, et possèdent déjà sans doute car il circule depuis des lustres sous forme de bootlegs. Cette tournée 78 a suivi la sortie de « Darkness on the edge of town » et elle reste peut-être sa meilleure à ce jour (quoi que, dans le cas de Bruce, il est bien difficile de trancher !). Ca n’était pas encore les stades qui allaient suivre mais de grandes et prestigieuses salles à travers tout le pays, là où la tournée 75 n’avait concerné que les grandes villes surtout sur la côte Est et Ouest et où celles de 76 et 77 avaient été très courtes, se limitant à quelques dates. 15 jours avant sa fermeture définitive, Bill Graham a convié Bruce et son E Street Band dans sa salle du Winterland à San Francisco. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il va littéralement atomiser le public pendant près de 3h d’une intensité folle !
Bruce sait construire une setlist pour varier les ambiances, alterner les moments festifs et débridés et d’autres plus graves. Mais il ne laisse pas une seconde de répit aux spectateurs et spectatrices. Bien entendu, les fabuleux titres extraits de « Darkness on the edge of town » ont une place de choix dans la setlist mais la surprise, c’est que Bruce a commencé à interpréter des morceaux inconnus du public, puisqu’ils ne figureront que 2 ans plus tard sur « The River » et ce soir-là, il « teste » grandeur nature « The ties that bind » et « Point Blank ». Pour le reste, du très lourd qui emporte tout sur son passage, « Badlands » pour ouvrir les hostilités dans une version atomique, « Prove it all night », « Candy’s room ». C’était encore l’époque rêvée où il jouait chaque soir « Jungleland » ET « Backstreets » ! Tout s’achève de façon classique mais fabuleuse avec un « Detroit Medley » à rallonge qui finit d’achever ceux et celles qui ont survécu à ce qui a précédé. Il s’arrête même au milieu pour demander aux personnes qui ont des problèmes cardiaques de bien vouloir quitter la salle car la suite va être encore plus folle !!!
Des photos de ce concert montrent Bruce juché sur les enceintes surplombant le public, guitare Fender Telecaster aux mains ! Quelle image, la quintessence du rock ! Bruce avant même les punks (dont il a salué la nécessité) mettait un grand coup de pied dans la fourmilière du rock seventies souvent endormi ou complaisant ; il reprend d’ailleurs ici « Because the night » qu’il avait signé avec Patti Smith mais dont sa version personnelle restait alors inédite. Le clin d’œil à son amie Patti est aussi visible dans l’intro de « Prove it all night » où Roy Bittan glisse quelques notes de « Frederick ». Bruce a même repris souvent lors de cette tournée « I Fought the Law » que les Clash ont eux-mêmes repris en 79. Un immense concert, un de ses tout meilleurs. Allez, on peut aller jusqu’à dire que même si c’est le Grateful Dead qui a donné le tout dernier concert au Winterland pour le Réveillon 78, c’est bien cette performance monumentale de Bruce qui en a été la plus belle fin.