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Album de Kaaris (2020)

Accepter la disparition d’un être cher

En 2015, Kaaris sort Double Fuck en réponse à la réception mitigée de son album précédent intitulé Le Bruit de Mon Âme. Ce projet sera alors la dernière collaboration « exclusive » entre Kaaris et le collectif Therapy Music.
Nous ne le saurons évidemment seulement que plus tard, après la sortie du projet OG.
Le public commencera alors à réclamer le retour de Therapy, en partie à cause de la proposition artistique de Kaaris plus édulcorée qui ne plait pas, surtout par nostalgie (déjà en 2016 !)
6 ans et 4 albums plus tard sortira le morceau Château Noir, annonçant le retour de cette collaboration iconique sur long format. Le public est joie, il est hype. La population étant sensible au MK Ultra (merci les amerloques), elle semble avoir oubliée que MōC était déjà de la partie sur Or Noir pt 3. Mais soit.


La question que l’on est donc en droit de se poser assez rapidement est la suivante : est-ce que ce retour de Therapy est une bonne idée ? Et est-ce que ce dit retour est gagnant ?


Château Noir est à mes yeux un projet mi-figue mi-raisin.
Il n’est en aucun cas aussi hétérogène que 270 , ce qui le rend plus digeste, moins insipide. Disons que c’est l’avantage majeur quand un artiste travaille avec un nombre de producteurs restreint.
Il ne cherche pas le hit inutilement et c’est louable, c'est moins fatigant que sur 270 où on se tapait trois feats nuls destinés à gonfler la SACEM et dilapider l'or du SNEP.



Et j'ai juré d'être hardcore, jusqu'à ma mort



Pour autant, est-ce qu’il me fait vibrer ? Pas vraiment.
Kaaris ne bouge pas niveau écriture depuis 270 mais il fait le taff, le taff étant ici d’employer des mots d’un champ lexical dans l’ordre approprié, sans être méchant. La punchline n’est plus aussi forcée comme sur Or Noir pt3 et 270, tout comme son sens de la formule.
J’ai l’impression qu’il a trouvé un certain équilibre même,
Parfois drôle comme sur le morceau Merci où il dit : « J'pourrais pas sourire dans l'miroir, tant que tes couilles sont pas dans mon hachoir ».
Un brin introspectif et touchant aussi comme sur 2363 : « Mes larmes n'ont pas encore séché sur la tombe de mon père, J'ai traversé océan de haine comme un soldat d'hiver »
Rien d’honteux donc, rien d’incroyable non plus.
Petit remarque légère aussi concernant la présence vocale de Kaaris. Les quelques personnes qui parlent des refrains comme si c’était quelque chose de terrible sur l’album ont l’air d’avoir la mémoire courte : on est VRAIMENT loin de ce qui était présent à l’époque de Dozo Et OG (encore heureux lol) et ça souffle juste le chaud et le froid.


Alors, même si l’écriture me touche beaucoup moins qu’à la grande époque et même si Kaaris n’est pas un grand topliner, je suis parfois content de le retrouver sur certains morceaux. Je pense qu’avec le temps, Akrapovic et sa cadence épileptique auront leur place dans une playlist imaginaire que je pourrais intituler sobrement « Morceaux de Kaaris post Double Fuck qui sont cools et qui nous rappellent qu’avec un coup de pied au cul on peut toujours faire des bonnes choses ». 2363 et Pégase quant à eux me confortent dans l’idée que Kaaris est beaucoup plus intéressant quand il prend des intrus de darons (sisi Jay-Z). Plus sérieusement, je le trouve plus intéressant quand il s’éloigne un peu de la trap de guerrier bas du front pour aller vers quelque chose d’un peu plus aérien. Mention spéciale à 2363 qui est surement mon morceau préféré. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais il me rappelle un peu le morceau Deeper Than The Ocean de Future, peut-être à cause des cordes et de l’ambiance qui se veut un peu mélancolique.


D’autres morceaux sont quoi qu’on en dise un peu trop dans la nostalgie et dans le clin d’œil gros comme un camion pour que je sois intéressé, je pense surtout à Merci dans ce cas-là.
Parfois aussi on retombe dans certains travers. On pensera au refrain de Monte-Carlo, probablement piqué autre part par un topliner et on repensera alors au fameux moment gênant sur 270 où Maes faisait un feat sans être là grâce à une superbe mélodie proposée par un petit plaisantin dans le studio. On pensera aussi à Rosé qui flirte avec la zumba sans pour autant s’y aventurer totalement.



Évidemment que j'suis pas le même qu'hier
Évidemment que j'suis plus le même
J'ai changé



Je relisais ce que j’écrivais à l’époque d’Or Noir pt3 et cette critique peut simplement se voir comme une extension de la première : la nostalgie du public, la nostalgie peut-être aussi de celle de Kaaris et une envie de revenir aux bases sont le squelette de Château Noir.
Là où Or Noir pt3 se servait du nom et de l’aura des deux premiers opus pour essayer de faire quelque chose d’un brin différent, Château Noir est l’étape au-dessus. Si on était dans un laboratoire, on essaierait de prendre un protocole vieux de 10 ans, l’appliquer du mieux que l’on peut à nouveau mais avec des produits un peu différents et surtout des gens un peu moins vifs qu’avant.


Alors on aura toujours des choses à redire et on pourra toujours débattre sur certains points en soulignant – à juste titre - qu’on n’est encore pas tout à fait comme à l’époque d’Or Noir.
Oui, le Therapy qui chapeaute la production de ce projet n’est en réalité qu’un mensonge doux-amer : Therapy 2093 est le seul rescapé d’Or Noir premier du nom, les deux autres producteurs - Therapy 2077 et 2067 - n’étant pas présents initialement. Aucune trace de 2031 qui était pourtant sur Or Noir pt3 avec son collectif MōC comme dit précédemment, chose assez triste quand on sait que c’est ce même collectif qui était à l’origine des rares morceaux intéressants du projet maudit. Phantomm lui aussi ne répond pas à l’appel. Si ces absences peuvent potentiellement s’expliquer par des soucis internes ou des incompatibilités de planning, on trouvera dommage que ce retour annoncé ne soit au final qu’un mirage.
Mais pour être totalement sincère, je pense que pour le public, Therapy c’est 2093 depuis le départ et pas autre chose.
Et oui, on pourrait aussi mentionner les ambitions de ce long format, qui n’est au final qu’une simple réédition, loin du monstre Or Noir qui portait en lui les espoirs de toute une vie.


Si cet album n’a rien de grandiloquent ou d’important de par son statut même de réédition destinée à venir gratter quelques certifications pour le projet 270, j’ose espérer au moins une chose : qu’il fera comprendre à son public et à Kaaris que même avec TOUS les ingrédients réunis, que ça soit Therapy, Kaaris et le champ lexical du sexe anal, rien ne sera comme avant, un exploit comme Or Noir et Or Noir pt2 ne pourra JAMAIS se reproduire car c’était l’œuvre d’une vie. Kaaris peut avoir quelques fulgurances lyricales ici et là comme sur Exoplanète ou le Freestyle 270 mais il ne sera plus jamais aussi fin et intéressant dans son écriture, tout comme son compagnon de guerre Therapy 2093 ne sera plus jamais aussi fort qu’à l’époque, plus aussi inspiré peut-être aussi. Je pense que lui-même en a parfaitement conscience et ne cherche plus à se tordre le crâne quant à tout ça. Et ce n’est pas grave.


Je n’attends plus rien de Kaaris depuis un moment déjà et pour être totalement franc, je ne comprends pas comment certains peuvent avoir autant d’espoir à CHAQUE projet. Def Jam à l’époque s’amusait déjà à lancer la promo de Dozo avec un extrait trap bateau qui permettait à Kaaris de briller pour au final enculer tout le monde, même chose plus tard avec 270. Au bout de la troisième fois, je pense qu’on commence à comprendre…
Kaaris tel que l’on a pu le connaitre n’existe plus et ne reviendra jamais, Therapy ne possède pas à ma connaissance l’élixir de jeunesse et une photo dans un château avec des noirs saturés ne changera rien (j’y connais rien en photo désolé).
On pourrait penser que je suis « laxiste » et que je devrais être encore plus dur avec les artistes que j’ai adoré fut un temps, ce qui est une remarque assez juste. J’ai peut-être finalement fini par accepter après Or Noir pt3 que les longs formats du « roi de la trap française » ne seraient jamais très intéressants. La question est la suivante : est-ce que je me dois d’être exigeant avec quelqu’un dont je connais pertinemment les limites ou est-ce que je dois accepter les 12/20 permanents ? Ne disposant pas d’une formation en philo et n’en ayant peut-être, au fond, pas grand-chose à faire, je me contenterai d’accepter ce 12/20.


Dans un autre monde, Kaaris aurait vendu plus de disques avec LBDMA, il aurait emprunté une autre trajectoire et n’aurait pas oscillé entre sons pour boîte de nuit et sons trap. Il aurait alors probablement eu une aura différente lui permettant de s’émanciper du statut d’Or Noir, émancipation qui aurait alors permis au Sevrannais de ne pas devoir toujours regarder dans le rétro à chaque nouveau projet.
Mais comme il le disait si bien lui-même….



Ni dans ce monde, ni dans le suivant


StolenDog
6
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le 26 mars 2021

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StolenDog

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