Lâcheté et mensonges
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Chaque mois qui passe nous offre, outre le désormais habituel lot de mauvaises nouvelles sur une certaine pandémie qui a mis à mal tout l’Art du monde, une quasi-moisson de bons disques français, qui confirme tout le bien qu’on peut désormais penser du Rock hexagonal. Plus étonnant encore, la pop, la vraie (rien à voir bien entendu avec la soupe tiède, écœurante et bête, que l’on qualifie désormais de pop dans les media incultes), celle qui vient des sixties et prône la mélodie-reine, l’élégance avant tout, la finesse et la subtilité à la rescousse de l’émotion, se décline désormais en France. Bon, pas, ou tout au moins peu, en langue française, mais à l’impossible nul n’est tenu !
Ce mois-ci, pointons ici le triomphe artistique – pour l’instant, en attendant un vrai succès – de Music on Hold, trio parisien, avec son premier album 30 minutes of… : on passera d’emblée sur la bonne blague de qualifier sa propre musique de bonne à servir pour faire patienter les gens au téléphone, encore que… dans un monde idéal, pourquoi pas ? On préférera plutôt vous parler de ces 10 chansons en trente minutes – le format idéal, sans aucun doute – dont la plupart constitue un véritable enchantement. On entend même à l’occasion des mélodies qui peuvent nous évoquer d’autres choses déjà entendues (""Steve Wonder"", pour notre part), mais tout cela reflète bien le classicisme le pur, alimenté par une inspiration ébouriffante ("Adam’s War", "A Thousand Eyes", qui déversent du bonheur sur nos vies…) mais heureusement légèrement décalé par une utilisation gourmande de synthés, de claviers, de sons électroniques alors qu’on aurait naturellement attendu des guitares légères. Le tout sonne donc un peu eighties, comme si Human League avait été moins ringard et moins robotiques. Ou plutôt, et c’est l’un des plus beaux compliments que nous sachions faire, à du Metronomy en encore plus enchanteur.
Car, comme chez Joseph Mount, il y a dans la voix d’Emile Cartron-Eldon, le compositeur et chanteur de Music On Hold, une sorte de fragilité légère qui introduit au cœur des mélodies les plus sûres d’elles comme une fissure. Oui, ce genre de fissure qui s’agrandit au fur et à mesure qu’on écoute 30 Minutes of… et qui laisse, comme on le dit, entrer la lumière ("Wow & Flutter", ou encore le magique "Bread"). Bien entendu, l’esprit DIY bien de notre époque est là – Water a par exemple cette (fausse) simplicité qui nous engage dans un rapport familier immédiat avec cette musique -, mais ne fait jamais tomber Music On Hold dans la facilité du bricolage au détriment de l’exigence.
Il nous faut maintenant recommander aux services publics français de revoir leur politique en matière de musique d’attente au téléphone : voici 30 minutes délicieuses qui rendront le sourire à tous ceux qui attendent patiemment que le Pôle Emploi ou la CAF veuille bien décrocher. Un peu de beauté dans ce monde de brutes, pour paraphraser une publicité bien mal à propos, voici ce que Music On Hold nous offre en cette froide fin d’hiver. Et ça, ça ne se refuse pas…
[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/03/08/30-minutes-of-music-on-hold-la-lumiere-de-la-pop-classique-ca-ne-se-refuse-pas/
Créée
le 8 mars 2021
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