№4
6.9
№4

Album de Stone Temple Pilots (1999)

Lentement mais sûrement, Stone Temple Pilots a entamé une période de déclin commercial. Si Tiny Music s’est vendu correctement, il n’a pas atteint les scores démentiels de leurs premières sorties. Sa reconnaissance critique sera même tardive. Probablement parce qu’il fallait un temps d’adaptation pour s’avouer que ce disque inattendu de leur part était réussi. Et si certains l’ont depuis considéré comme une incroyable réinvention, vers la fin des années 1990, tout cela n’a aucune importance pour un groupe sur le point de basculer dans l’oubli.


№4 est une œuvre de crise reflétant le désarroi de leurs auteurs. Parce qu’il faut bien le dire, ils sont désormais plus connus pour les incessantes frasques de leur chanteur que pour leur musique. Scott Weiland rencontrant de fréquents problèmes de drogue et ses démêlés avec la justice n’y changent rien : il continuera à se remplir les narines jusqu’à commettre l’impardonnable (cette ordure battait sa compagne). Une situation intenable pour une formation qui s’éparpille alors dans divers projets avant de, finalement, revenir vers leur vaisseau mère pour remplir le tiroir-caisse. Et pour y parvenir à moindre frais, c’est de tenter le coup du retour aux sources. Vers ces premiers albums qui ont apporté la gloire qui leur fait tant défaut.


Heureusement, la situation n’est pas si simple. STP ayant un flair pour s’adapter à son époque tout en réussissant à composer de très bonnes chansons. Et qu’est-ce qui marche en 1999 ? Le néo-metal évidemment. Korn, Limp Bizkit et Deftones raflent la mise et séduisent une jeunesse torturée en manque de repères. Cela ne signifie pas que le gang des frérots DeLeo se sont mis à un style auquel ils sont étrangers. Seulement en durcissant le ton (les paroles étant aussi très noires), ils parviennent à s’insérer dans ce paysage musical redessiné depuis quelques années sans perdre leur identité.


Enfin, leur identité. Disons leur savoir faire à se réapproprier ce que les autres ont créé. Entre le post-grunge et la britpop, il y a de quoi perdre la tête avec eux. Par conséquent, ils ne vont rien renier et mettre tout dans leur mixeur pour créer ce qui fut leur dernier (petit) succès commercial. Scott Weiland représente bien cet état de confusion. Il retrouve sa voix grave mais l’alterne avec ce chant androgyne qu’il a hérité depuis le polémique précédent album. Les morceaux sont dans un esprit similaire. Car si la production est énorme, les riffs brutaux et la rythmique agressive, les mélodies séduisantes sont omniprésentes.


C’est une révélation. Quand la bande charge avec furie, son songwriting fait toujours le sel de leur musique. Finalement, STP n’était-il pas un groupe pop ? D’ailleurs, il reste bien quelques vestiges de leur brève ère britpop tel que ce nostalgique « Sour Girl » qui devint leur ultime tube. Le Beatles en diable « I Got You » est également concerné et même quand ils envoient la sauce sur le formidable « No Way Out », des effluves psychédéliques se font entendre entre deux ouragans sonores.


Hélas, c’est au moment où on se rend compte de leur insolent talent mélodique qu’on découvre aussi leurs limites. A force de se concentrer sur le songwriting, le quatuor épure trop ses compositions. Car si le disque est plaisant et accrocheur, des morceaux peu inspirés se font remarquer. Qu’il soit répétitif (« Sex & Violence », « Heaven & Hot Rods ») ou vide (« MC5 »), c’est ce type de remplissage qui nous rappelle pourquoi ils n’ont jamais pu composer une œuvre définitive.
Stone Temple Pilots ou les Nirvana du post-grunge ? Certes, mais comme ces derniers, ils sont capables de sortir un chef d’œuvre de leur chapeau. Ici, il s’agit d'« Atlanta ». Une magnifique ballade où Scott Weiland se transcende. Changeant une nouvelle fois sa voix (rien à voir avec le ton machiste de Core ou glam de Tiny Music), il se lamente sur de belles orchestrations s’achevant sur un splendide sifflement Morriconien. Les paroles le sont tout autant, même si très ambiguës quand on connait les problèmes conjugaux du monsieur. Au pire, dites-vous que vous avez affaire à une grande chanson de rupture et il n’y avait pas mieux comme chant du cygne. Car si cette quatrième offrande studio est déséquilibrée, elle reste leur dernier bon opus. L’inspiration déclinant fatalement au même rythme que leurs ventes.


Ironie du sort, si le post-grunge est un sacré réservoir à médiocrité, son fondateur, lui, flotte très au-dessus de la masse, même lorsque son moral est au plus bas. №4 en est le témoignage le plus évident.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 17 déc. 2017

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