Bon, que retenir du 9e album d’Eddy sorti en 68 ? D’abord (uniquement ?) la pochette signée Jean Giraud, le père de Blueberry, il venait juste de créer ce personnage. On connait la passion d’Eddy pour la BD et le western, alors allier les 2 dans une pochette, il n’a pas résisté à se faire plaisir : Claude Moine devenu un cowboy héros de bande dessinée, la classe ! A l’intérieur, Eddy est le héros d'un western (comique), qui le voit se venger du premier qui le surnomma « Schmoll». Parmi les personnages apparaissent Sylvie Vartan et Johnny Hallyday. Cette pochette est superbe mais Eddy a toujours été plus critique et moins enthousiaste au niveau des lettrages plus caricaturaux. Pourquoi « 7 Colts » ? Car Eddy est entouré de 7 musiciens tout simplement. Pierre Papadiamandis est là mais seulement comme musicien, à l’orgue, il n’a écrit aucune musique. Un certain Michel Gaucher prend sa place au saxo et devient un élément central du groupe « mitchellien » jusqu’à la fin des tournées, ces dernières années. Un album entièrement enregistré en France, à Paris, avec des musiciens français, ce qui prouve que les studios français et les musiciens d’ici n’ont rien à envier à ceux de Londres ou Nashville, le son est parfaitement travaillé (très belle section de cuivres).

La musique ? Bon, là, c’est moins convaincant. On aurait pu croire, vu la pochette, à un album dédié à la musique country, sous influence western, eh bien…Pas du tout ! Eddy s’éloigne en cette fin des années 60 du rock pour aborder d’autres musiques qu’il adore, le rhythm’n’blues et la soul, en grand fan d’Otis et de James Brown qu’il est. On sait son goût pour ce que Stax a pu réaliser. Vocalement, Schmoll est en forme et ça s’entend, par exemple sur « Sunny ». Cet album est très majoritairement constitué de reprises et dans le genre des adaptations, Eddy a fait bien mieux par exemple dans ses reprises de Chuck Berry (l’artiste qu’il a le plus adapté). Le reprise des Beatles est molle du genou (« Le fou sur la colline ») mais celle de Sam and Dave est encore pire (« Ordonne mais pardonne », adaptation de l’explosif « Hold on, I’m comin’ »). La reprise des Everly Brothers (« Bye Bye Love ») n’est pas une réussite non plus. "Quitte A Tout Perdre" est vite ennuyeuse même sous forte influence James Brown. Bon, on peut sauver « Elle me voit beau » sympathique, reprise de « She’s looking good » et un final drôlissime durant lequel Eddy présente (pour la 1ère mais pas la dernière fois) ses musiciens un par un et il y glisse même des citations de Brel ! On finit bien heureusement. La grosse erreur, en plus d’adaptations souvent médiocres, est d’avoir voulu faire de cet album un album semi-conceptuel avec des clins d’œil à la BD et aux westerns et là, ça passe mal, l’ensemble ne prend pas : entre chaque chanson, Eddy balance une phrase en imitant un cowboy du style « Tiens mais j’ai une flèche dans le dos, les indiens ont dû quitter leur réserve » ou « J’aimerais mieux être pendu que de retourner dans l’ouest ». Ça se veut drôle ou 2nd degré, en jouant avec les clichés en en en faisant des tonnes mais à aucun moment on ne rit, c’est répétitif et ennuyeux car ça n’a pas de rapport même indirect avec les chansons. Etrange : ces intermèdes supposés « humoristiques », en réalité, assez lourds, ont été enlevés des versions sur les sites de streaming…On a l’impression qu’Eddy avait préparé tout un album consacré aux westerns et à l’Ouest américain et avait abandonné en cours de route d’où ce semi-ratage, je ne sais pas si c’était le cas mais c’est vraiment ce que j’ai ressenti.

Mais voilà, lors des mêmes sessions, Eddy et son groupe ont enregistré 8 morceaux supplémentaires qui ne sont sorti qu’en super 45 tours (4 morceaux chacun) et ces titres auraient pu parfaitement être ajoutés sur un album, avec 2 ou 3 (bonnes) reprises et voilà un album qui aurait eu une autre tenue ! Ces 8 titres ont été ajoutés en bonus sur la version CD (heureusement), peut-être pour pallier l’occasion manquée qu’était ce « 7 Colts pour Schmoll ». Bon, ils sont inégaux et n’ont aucun rapport artistique avec les reprises citées précédemment, trop mièvre pour « Je n’aime que toi » mais excellents pour « Un homme dans la foule » et « Par qui le scandale arrive », ici le duo Moine-Papadiamandis fonctionne fabuleusement.

JOE-ROBERTS
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le 25 sept. 2024

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