Une euphorie largement justifiée s'était propagée en 2006 après la sortie de « Servants in Heaven, Kings in Hell ». Les Jedi Mind Tricks sortaient alors leur album "le plus commercial" avec autant de titres que de tueries et des invités apportant le meilleur d'eux-mêmes (R.A. the Rugged Man, Ill Bill, Chief Kamachi, Reef the Lost Cauze), ce n'est donc pas pour rien qu'il fut leur projet le mieux vendu à ce jour. Babygrande a de quoi se frotter les mains. Depuis leur signature en 2001, leur réputation n'a fait que s'accroître, tout en contaminant une ribambelle de rappeurs à leur atmosphère ténébreuse. Retour plus terre-à-terre en cette fin d'année avec un nouveau projet qui s'apparente à une digne suite de leur classique « Violent by Design » à la vue du titre, « A History of Violence », mais aussi par la réintégration au sein du crew de l'agressif Jus Allah. Avec cette recombinaison, c'est toute la mentalité initiale du groupe qui semble revigorée. Apportant un climat bien pesant, le groupe de Philadelphie continue son chemin offensif et parait encore plus redoutable que jamais. La splendide pochette de Dan Bradley nous mettait en haleine et présageait des tracks aussi solennelles, tristes, que morbides. Ça n'a pas loupé! « A History of Violence » c'est en quelque sorte le journal intime de l'Oncle Sam, d'un pays qui a fait et continue de faire couler trop de sang depuis sa naissance, quitte à sacrifier ses propres enfants. Les Jedi Mind Tricks sont les témoins involontaires de cette dégénérescence, et pas uniquement d'un point de vue national, car le monde dans sa globalité se nourrit d'atrocité, de violence et de l'âme de ceux qui sont partis trop tôt. Vinnie Paz, Jus Allah, les invités, sont les reporters de cette guerre sans fin et feront couler leur encre jusqu'à ce que mort s'ensuive. On baigne ici dans une très grosse homogénéité, où les lyrics du leader Vinnie Paz font mouche et construisent à elles seules cette lourde atmosphère planante, telles les deux magnifiques "Trail of Lies" et "Death Messiah".

Jus Allah lui, qu'on promettait à une carrière des plus étincelantes, n'est plus exactement à la hauteur de nos attentes et paraît moins inspiré qu'à l'époque dans ses textes. Autre point qui dérange quelque peu, c'est sa voix éraillée qui se confond de plus en plus à celle de son acolyte Vinnie Paz. Mais là où ce dernier pouvait être trop monotone sur la longueur, Jus rapporte cette légère fraîcheur différente qui n'est pas non plus déplaisante. La complémentarité n'est peut être plus ce qu'elle était, cela ne les empêche pas de lâcher ensemble quelques restes efficaces tel "Deathbed Doctrine" ou encore "Monolith". Outre les cuts de DJ Kwestion, l 'autre investigateur essentiel du projet c'est bien sûr Stoupe, qui produit l'intégralité de l'album avec toujours autant de classe. Des mélodies héroïques, glaciales, sous fond de violons, rythmes terrifiants, émotions instrumentales, voix samplées, il est depuis le début le pilier et la marque de fabrique du crew.

On regrette un peu ce goût de "déjà vu" à l'écoute complète de l'album. C'est du Jedi Mind Tricks tout simplement, mais il manque ce côté imposant, rafraîchissant qu'on a habituellement à chacune de leur sortie. Cela est, entre autres, probablement dû au faible nombre d'invités et de leur performance minimale. On ne peut pas dire non plus que les proches ou affiliés comme Block McCloud, Demoz, King Magnetic apportent une réelle énergie. Seule la combinaison Outerspace/Doap Nixon sur "Seance of Shamans" arrive quelque peu à retenir notre attention. « A History of Violence » n'est pas le chapitre le plus tonitruant de la discographie chargée des Jedi Mind Tricks, il en résulte néanmoins un bon moment pour ceux qui aiment le Hip Hop à base d'horrocore. À suivre en 2009 sous Babygrande, le second solo de Jus Allah, « Colossus », avec Vinnie en producteur exécutif, ainsi que le DVD « Divine Fire (The Story of Jedi Mind Tricks) » qui fera une grosse rétrospective du groupe qui a déjà 12 ans dans le milieu, avec des interviews, des lives et bien sûr une grosse partie de leurs vidéo-clips.
Bobby_Milk
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le 21 déc. 2011

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