-Phase d'essais, entraînements-

Avoir le sentiment de pouvoir faire quelque chose de ses dix doigts malgré qu'on soit encore dans l'enfance, c'est ce que voulait exploiter le jeune Scott Mescudi dans sa petite maison de la banlieue de Cleveland. Dès l'âge de 15 ans il avait le sentiment de pouvoir introduire une nouvelle osmose au Hip Hop. C'est justement à cette période qu'il démarre son aventure rapologique en enregistrant dans le sous sol d'un de ses amis, un freestyle sur "It's Yourz" du Wu-Tang Clan. Mais sachant que le succès ne viendra pas tout seul vers lui il s'en va le chercher en débarquant à l'âge de 20 piges à New-York. Yeux émerveillés par tous ces buildings, par cette agitation, par cette liberté d'esprit, par cette sensation de pouvoir devenir reconnu, notre rappeur débutant ne regrette aucunement son départ car il sait que tout ce passe ici. En mission de reconnaissance, il va très vite faire un acheminement de contactes qui le propulseront vers le haut et qui lui permettront de réaliser son souhait d'enfant.

Directeur artistique, producteur,etc... le multi casquette Plaint Pat fait sa connaissance en 2006 et comprend vite qu'il a devant lui un alien avec lequel il y a des choses à faire. Ce nouveau manager dévoile les talents de son poulain au populaire DJ A-Track qui sera le premier à diffuser en 2008 ce qui deviendra par la suite un tube mondial, [i]"Day 'n' Nite"[/i]. Un titre et une mixtape "A Kid Named Cudi" qui ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd puisque Kanye West a pris de l'avant en signant l'artiste dans son écurie G.O.O.D. Music. Il voyait peut être en lui ce mini nouveau Kanye, une parfaite jointure pour fusionner avec l'orientation musicale du "808s & Heartbreak" qu'il préparait. Il aide à l'écriture de "Heartless" et "Paranoïd" mais chante surtout sur "Welcome to Heartbreak" qui sera donc l'un des premiers morceaux qui va le faire connaître mondialement. Début 2009, l'Europe découvre à son tour le single [i]"Day N' Nite"[/i] remixé par les italiens Crookers et envahis rapidement radios, télévisions et boites de nuit. Son nom est maintenant sur toutes les lèvres, un tube électro house produit par le nigérian Dot Da Genius qui a fait bouger plus d'une personne et qui laisse rapidement place à l'envie de découvrir ce à quoi ressemblera l'album de ce mystérieux rookie qui fait sensation.

-Décollage, phase d'observation-

Enfant, on rêve tous un jour de toucher les étoiles. On souhaite de marcher sur la Lune, d'être en apesanteur dans cette immense univers, de se sentir totalement isoler, d'observer de haut la planète bleue et s'éloigner de tout ce qu'elle contient. La tête toujours dans les nuages, Kid Cudi nous plonge avec "Man On The Moon: The End of the Day" dans l'univers spatial qui gravite autour de son cerveau. Dès les premières touchent on se rend compte qu'il ne s'agira pas d'un album Hip Hop des plus courants. Mettez-vous dans la tête que le premier single n'a clairement rien à voir avec le reste. Divisé en cinq actes, tous introduit par la voix de Common dans le rôle du narrateur, "Man on the Moon..." se veut un peu comme une pièce de théâtre racontant le journal intime de sa vie, avec son lot de joie, de mélancolie et d'autres sentiments palpables auditivement grâce à cette harmonieuse ambiance qui s'installe tout le long. L'acte I, 'The End of the Day', démarre lorsque ce dernier est en pleine activité psychique ("In My Dream" (Cudder Thème)). Un monde imaginaire dans lequel il se sent apaisé, anesthésié vocalement, une détente communicative grâce à cette mélodie très cinématographique d'Emile (non pas d'Emile & Image mais du producteur new-yorkais bien sûr). Toujours dans une tendance atmosphérique, Cudi dépeint avec amertume les 25 années qui sont derrière lui sur "Soundtrack of My Life". Il parle de sa mère, du vide qu'à procuré en lui le décès de son père alors qu'il avait 11 ans ou encore de son expérience avec la coke. Une magnifique chanson qui dévoile la légèreté dans son rap, ses couplets qui vont droit au but et son talent à pouvoir lui même chanter ses refrains.

Après un "Simple As..." très... simple, on passe à l'acte II qui se veut beaucoup plus sombre. 'Rise of the Night Terrors' est le chapitre noir de son court vécu. "Solo Dolo (Nightmares)" commence par quelques froides touches de piano qui résonnent. Une mélodie hypnotique, un air aussi glacial qu'une cérémonie funèbre, il évoque parfaitement son sentiment de solitude. Mais Kid Cudi ne se laisse pas abattre pour autant, lorsqu'il entame sa thématique "Heart of a Lion" il semble réveiller en lui un mental solide. Ça réveille également sa faculté à rapper plus vite qu'on ne l'imaginait. "My World" évoque en profondeur sa déprime, son replis sur lui même après la disparition de son paternel. Seul à observer par sa fenêtre la Lune. La encore le morceau est envoûtant, Plain Pat & Jeff Bhasker semble figer le temps autour de lui pendant que Billy Cravens extériorise au refrain ce désarrois qu'est sa vie. Une introspection magique dans son monde qui ne l'est pas. Dans notre III ème actes, 'Taking a Trip', Kid Cudi passe a une étape supérieur dans son voyage. Comme absorbé par des substances hallucinogènes il enchaîne les titres dans un délire psychédélique. On y retrouve donc son single "Day 'N' Nite" qui contrairement à ce qu'on pourrait croire à été écrite dans une de ses périodes difficiles: fauché, pas travail à l'horizon, en déprime total, il écrit sans se prendre la tête ce titre que tout le monde connaît aujourd'hui. Il retrouve en studio Kanye West pour "Sky Might Fall", dont on reconnaît à immédiatement la patte productrice à travers ses rythmiques. Une prise de conscience sur les malheurs qui peuvent survenir à n'importe quand dans notre existence, c'est en gros ce qu'on perçoit entre les lignes de son texte. On enchaîne avec un "Enter Galactic", qui reste dans la lignée de son premier single, c'est à dire un titre à tendance radiophonique, un voyage au-delà du réel qui l'éloigne un temps soit peu de la dure réalité.

Acte IV, 'Stuck'. Kid Cudi se sent revivre, il trouve ce rayon de lumière qui l'éclaire dans la nuit. On passe dans une ambiance plus folklorique avec des morceaux comme "Cudi Zone" ou "Alive" produit par le duo électro Ratatat. Ils sont aussi à la base de "Pursuit of Happiness" qui voit une collaboration plutôt inattendu entre Cudi et les surprenants MGMT. La météorite "Make Her Say" est un peu l'intru de l'album. Samplant ingénieusement le "Poker Face" de Lady Gaga, Kanye West semble retrouver de l'inspiration et se permet de poser sa voix sur ce titre tout comme Common. Avec le V ème acte, 'A New Beginning', tout s'éclaircis dans sa tête. Il comprend que ses rêves peuvent devenir réalité. "Hyyerr" produit par Crada est comme un léger parfum de cannabis qui calme son esprit et celui de son ami Chip Tha Ripper, avec lequel il prévoit d'ailleurs bientôt un album en commun. Ce morceau bien laid back nous fait planer et parait être également une sorte de clin d'oeil aux Bone Thugs-N-Harmony qui tout comme eux viennent de Cleveland. Pour finir, "Up Up & Away" sonne enfin le réveil de l'artiste. Une joyeuse chanson qui sonne comme du N.E.R.D. mais version pop. Comme souvent dans les histoires tout se termine bien et c'est le cas ici. Avant que Common intervienne sur la fin et fasse passer un mystérieux message.
Bobby_Milk
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le 20 déc. 2011

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Bobby_Milk

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