Mathieu est un bon compositeur, il sait créer de belles ambiances musicales - on ne peut douter de sa sensibilité Folk. Pour cela, cet album est un sympathique album de fond. "De fond" dans le sens où on le met en arrière-plan, pendant qu'on travaille par exemple, un peu comme on glisse un livre de seconde main sous un pied de chaise bancale, un peu comme on s'impose un silence musical ambiant quand on ne supporte pas le réel silence.
Mathieu est un joyeux drille. Quand il s'amuse sur des chansons qui le permettent - référence à ses prestations dans le télé-crochet qui l'a révélé -, sa générosité si sincère emporte le public ; il donne le sourire, la pêche, on a envie de l'aimer. Sur des chansons plus profondes, Mathieu excelle également : ses beaux yeux racontent les mots que sa voix chante comme un acteur sublime un texte par ce qui, derrière un talent certain, semble être la grâce seule de son charisme. Mettez de beaux yeux à quelqu'un qui aime suffisamment la musique pour savoir s'y couler, et, en vous perdant dedans, vous aurez parfois l'illusion du génie.
Sur les réseaux sociaux, Mathieu est parfois un gentil guignol, occasionnellement tête à claques, souvent un doux romantique, un post-ado généreux, naturel, disant l'amour de la vie et des belles choses. Un garçon comme tant d'autres, en fait, mais comme les meilleurs d'entre eux, les vrais gentils, les amis fidèles.
Hélas, Mathieu n'est pas un très bon auteur.
Si A Million Particles et Canvas sont textuellement au-dessus du lot, riches, subtiles et nuancées, nous immergeant dans un réel sentiment Folk, Time Stops, Changing Upside Down et I Guess Yeah sont insignifiantes, même si l'énergie de cette dernière s'avère efficace. Et si From Glass To Ice est le joyau instrumental de l'album, son propos est inintéressant, comme regarder, en plan fixe, un visage un peu triste, avec certes un beau rideau derrière, au milieu d'un film qui n'a pas réussi à convaincre.
En français, Mathieu est simplement mauvais. Cliché Cosmique dit, dans les mots vains d'une chanson creuse, que "La Terre est belle", où se contenter de le dire, en dehors de toute forme d'art, avec ces quatre mots seuls, serait déjà plus beau. Je T'Ai Cherchée dit tout dans son titre. Poison est la catastrophe de l'album, avec, dans son premier couplet, un français d'une laideur ignare, où l'on sent la volonté pestilentielle de jouer au jeu de la poésie sensible. Dans L'Espace est ignoble et vaut à elle seule la perte d'un point dans la moyenne de l'album, alors que - paradoxe spatial - elle a de loin le meilleur texte en français, texte même, étonnamment, très bon. Dommage que la chanson (le chant, surtout !) soit insupportable. Pour Bubz et Dans L'Ombre De Mes Pupilles sont deux chansons mignonnes, perdues entre le sympa et le quelconque : si la première réussit le pari d'employer un langage très spontané pour un gentillet message d'amour, la seconde est une simple poésie sans prétention, aux facilités lexicales du romantisme énamouré.
L'ensemble de toutes ces chansons est un album folk sans reliefs, d'une humanité que l'on sent sincère, et riche en potentiels, mais, pour l'instant, sans poigne ni grand intérêt artistique.