À La Ô Terre, bievenue chez vous

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Alors que les contrées spatiales et fantaisistes du 'Nowhere Land' de KARKARA nous hantent encore, La Platine Intitulée vous invite à rechausser vos crampons d’aventurier cosmique pour un énième détour aux confins des galaxies. Et, cette fois-ci, c’est notre belle Terre que l’on visite. Une Terre alors faite de grandes plaines, de tempêtes dans le ciel et de silences, que Population II, nouvel arrivant chez Castle Face Records, immortalise sous le fuzz et la reverb.


Allo Québec


'À La Ô Terre' est le premier album de Population II, trio québécois à l’esthétique psychédélique et krautrock. Détail cosmologique amusant à relever: on appelle “étoiles de population II” les astres formés avant le disque galactique et que le temps a dépourvu en métaux (en somme, de vieilles étoiles). Coïncidence ou appellation volontaire ? Il faudrait leur demander, mais rien n’empêche à cette référence scientifique d’embellir un peu plus l’univers du groupe et de les punaiser, très vite, au tableau des intemporels.


Comme je vous le disais plus tôt, Population II est la nouvelle signature du label de John Dwyer, figure de proue d’un mouvement garage en perpétuelle réinvention (peut-on encore même qualifier sa musique de telle ?). Et entre les Osees et Population II, des parallèles se tissent : un attrait de plus en plus constant pour l’improvisation, des sonorités free-jazz pleinement assumées et une volonté toujours plus forte de laisser la musique s’installer, de lui laisser le temps de pénétrer l’esprit de l’auditeur sur de nouvelles rythmiques krautrock, rafraîchissant le genre d’une dimension savante (sans en être prétentieuse) et très souvent jubilatoire.


'À La Ô Terre', milles influences pour un résultat unique


La musique de Population II, et par extension de 'À La Ô Terre', se rattache à un genre qui hier brillait de l'éclat de ses formidables égéries musicales, et qui resplendit aujourd’hui de par les innovations de leurs descendances.


En interview pour le magazine It’s Psychedelic Baby, les grandes références sont lâchées : Hawkwind et Can pour les plus évidentes, Ash Ra Tempel pour se la jouer savants, mais aussi des noms témoignant de l’ouverture musicale qui fait sincèrement l’âme de ce disque: Miles Davis, Black Flag, les Stooges…


Population II s’appuie alors avec talent sur la mélomanie naturelle de ses membres pour proposer un album riche dans ses influences, mais pas impersonnel pour autant. On retrouvera sur Introspection, morceau d’ouverture, des cuivres symbolisant peut-être les références jazz du groupe. À la porte de demain versera dans un krautrock qu’il est difficile de ne pas associer aux dernières productions de Dwyer et La Danse nous entraînera dans une valse folle, rendant ses belles-lettres au rock progressif contemporain. En somme, que du bonheur.


Entre douceur et agressivité


'À La Ô Terre' est un album souvent doux, presque coquet et jonglant à merveille entre ses intensités. Bien que partant sur les chapeaux de l'excitation, avec le formidable Introspection, c’est très vite que les québécois se tournent vers une pesanteur plus légère. La triade Les Vents - L’Offrande - La Nuit est parfaite pour installer l’auditeur dans ce nouvel univers, où lyrisme et onirisme semblent imprégner chaque élément. L’on se perd alors, entre plaines et mers, sous les complexes profondeurs du ciel…


Mais très vite, avec Il eut un silence dans le ciel, de loin le temps fort de cet album, voilà que l'énergie se décuple entre des paroles susurrées à la Gainsbourg en ponctuation des éclats plus punks des guitares. Le morceau transporte au cœur des tempêtes et des troupeaux paniqués avant de nous déposer, exténués par la transe, aux portes d’Attraction, formidable chanson conduite par une basse presque anesthésiante et qui, comme tout au long de l’album, garantit au trio un solide fil de fer indispensable à la réussite de leur projet.


Un voyage punk et hypnotique… en français !


Quel plaisir que de vivre ce récit en français ! Bien que le chant soit teinté d’un accent tout droit sorti de Montréal et que le mix s’arrange bien pour noyer les pistes vocales sous un déluge de saturation et d’écho : 'À La Ô Terre' nous est bien conté dans la langue de Molière ! S’agrémentant à l’instrumental avec une certaine justesse, ce même chant participe à merveille à la dimension hypnotique de l’album, comme sur Ce n’est rêve, où les répétitions vocales de deuxième partie de morceau participent à harmoniser des boucles aussi entêtantes qu’envoûtantes, et encore une fois supportées par une basse splendide, me rappelant ici la Fat White Family.
Reste les paroles qui étonnent de par leur suprenante modernité : alors que les guitares semblent peindre une toile bien trop imtemporelle pour accueillir des hommes, le chanteur y joint souvent son rapport aux femmes et aux rêves...



“Je voudrais courir dans sa chambre, il faut qu’elle m’aime”.



Conclusion


Formidable addition à un label n’ayant plus grand-chose à prouver, Population II se pose comme la jument québécoise d’un space-rock plus que jamais resplendissant. Parfait mélange entre Slift, les Psychotic Monks et Feu! Chatterton, bien malgré quelques longueurs et autres mimiques communes à beaucoup de leurs contemporains, il serait plus qu’absurde de vous déconseiller 'À La Ô Terre', album largement à la hauteur de nos exigences.


De mon côté, je m’en vais commander le vinyle.

dewalrus
8
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le 18 nov. 2020

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